Un épisode double très important pour l'évolution de la conspiration et de ses nombreuses ramifications. L'élément nouveau est le "pétrole noir", liquide qui semble vivant, capable de se mouvoir de son propre chef, et objet de toutes les convoitises. On ne s'étonnera donc pas de retrouver Alex Krycek, l'homme de l'ombre et de toutes les opérations clandestines.
Mais le véritable sujet de cet épisode - celui qui revient dans les dialogues les plus importants - c'est le pouvoir (démocratique et/ou corrupteur, limité et/ou abusif, légal et /ou clandestin, etc.) ; ou plutôt, Chris Carter et Frank Spotnitz (les deux scénaristes) essaient de répondre à la question :"Qui fait quoi du Pouvoir ?"
1°) Probité et loyauté contre Justice et démocratie :
Le prégénérique situe les contours du débat éthique auquel est confrontée Scully. Elle se trouve convoquée par une commission d'enquête sénatoriale sur l'espionnage et le terrorisme où elle doit témoigner sous serment de ses agissements et de ceux de l'agent Mulder, dont on est sans nouvelles :
SCULLY: I, Dana Katherine Scully, swear to tell the truth, the
whole truth, and nothing but the truth, so help me God. I would like to read from a prepared
statement.
SENATOR SORENSON: You may do so. SCULLY: I left behind a career in medicine to become an FBI agent four years ago because I believed in this country. Because I wanted to uphold its laws, to punish the guilty and to protect the innocent. I still believe in this country. But I believe that there are powerful men in the government who do not... men who have no respect for the law and who flout it with impunity. CHAIRMAN ROMINE: Ms. Scully. . . SCULLY: I have come to the conclusion that it is no longer possible. . . CHAIRMAN ROMINE: Agent Scully - - this is not a soapbox, Miss Scully. Your statement will be entered into the record. SCULLY: With all due respect, Mr. Chairman, I would like to finish. CHAIRMAN ROMINE: This is not why we are here today. SCULLY: Then why are we here, sir? SENATOR SORENSON: Agent Scully, do you or do you not know the whereabouts of Agent Mulder? Are you or are you not aware of Agent Mulder's present location? SCULLY: I respectfully decline to answer that question, sir. CHAIRMAN ROMINE: Ms. Scully, you cannot refuse to answer that question. SCULLY: Because I believe answering that question could endanger Agent Mulder's life. CHAIRMAN ROMINE: You don't seem to understand. Your response is not optional; you are an agent of the FBI. SCULLY: Then if I could please finish my statement. . . that it is no longer possible to carry out my duties as an FBI agent. SENATOR SORENSON: Are you tendering your resignation, Ms. Scully? Is that what you're trying to say? SCULLY: No, sir. What I am saying is that there is a culture of lawlessness that has prevented me from doing my job. That the real target of this committee's investigation should be the men who are beyond prosecution and punishment. The men whose policies are behind the crimes that you are investigating. SENATOR SORENSON: Either you tell us what you know about Agent Mulder's whereabouts, or you will be held in Contempt of Congress. |
SCULLY : Moi, Dana Katherine Scully, jure sur Dieu de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je voudrais lire une déclaration écrite que j'ai préparée à votre intention.
SENATEUR SORENSON : Vous pouvez procéder. SCULLY : J'ai abandonné une carrière de médecin il y a quatre ans pour devenir agent du FBI parce que je croyais en ce pays. Parce que je voulais défendre ses lois, punir les coupables, et protéger les innocents. Je crois toujours en ce pays. Mais je crois que ce n'est pas le cas de personnes puissantes au sein du gouvernement... Des personnes qui n'ont aucun respect pour la loi et qui la bafoue impunément. PDT ROMINE : Ms. Scully... SCULLY : J'en suis arrivée à la conclusion qu'il ne m'est plus possible... PDT ROMINE : Agent Scully ! Vous n'êtes pas à la télé ici, Miss Scully ! Votre déclaration sera intégrée au compte-rendu. SCULLY : Avec tout votre respect, M. le Président, je voudrais terminer. PDT ROMINE : Ce n'est pas pour cela que nous sommes réunis. SCULLY : Alors pourquoi sommes nous là, Monsieur ? SEN. SORENSON : Agent Scully, savez-vous ou ne savez-vous pas où se trouve l'Agent Mulder en ce moment ? Etes-vous ou n'êtes-vous pas au courant de ses faits et gestes actuels ? SCULLY : Je demande respectueusement la permission de ne pas répondre. PDT ROMINE : Ms. Scully vous ne pouvez pas refuser de répondre à cette question. SCULLY : Parce que je crois que répondre à cette question mettrait en danger la vie de l'Agent Mulder. PDT ROMINE : Vous ne semblez pas comprendre : vous n'avez pas le choix de répondre ou non ; vous êtes agent du FBI. SCULLY : Alors, j'aimerais pouvoir terminer ma déclaration... qu'il ne m'est plus possible de remplir mes fonctions d'agent du FBI... SEN. SORENSON : Etes-vous en train de nous présenter votre démission, Ms Scully ? C'est cela ? SCULLY : Non Monsieur. Ce que je dis c'est qu'il existe une culture de l'illégalité qui m'a empêchée de faire mon travail. Que la véritable cible de cette commission d'enquête devrait être ces personnes qui sont hors de portée de poursuites et de sanctions. Ces personnes dont les méthodes sont à la base des crimes que vous instruisez. SEN. SORENSON : Soit vous nous dîtes ce que vous savez sur les faits et gestes de l'Agent Mulder, soit vous êtes arrêtée pour Outrage au Congrès. |
La solennité du cadre, la tension qui anime les deux camps, le contenu des propos, TOUT est important dans ce préambule. Scully oppose sa loyauté et son intégrité professionnelle à la légitimité démocratique du Congrès (qui représente le peuple). La question n'est pas de savoir qui a RAISON (les deux) mais qui a le droit et QUEL droit pour lui : Scully, qui invoque sa conscience, son éthique ou le Congrès qui invoque l'intérêt général du pays.
Un tel débat philosophique - opposant morale individuelle (éthique) et morale collective (raison d'état) - est insoluble. C'est pourquoi les scénaristes basculent habilement de la réflexion dans l'action. Mais pour ne pas donner l'impression qu'il s'agit d'une fuite en avant, d'une échappatoire, nous revenons dix jours en arrière. L'action vient donc justifier a posteriori (pour le spectateur) et a priori (pour les agents) la déclaration de Scully. Cette parfaite maîtrise du déroulement chronologique du récit (due aux scénaristes) est pour beaucoup dans la réussite de l'épisode.
2°) Sécurité intérieure contre trafic clandestin :
Un diplomate est contrôlé par hasard à son arrivée à l'aéroport d'Honolulu, alors qu'il revient de Géorgie (ex-URSS) via le Japon. La seule description de ce "périple", ainsi que les raisons invoquées par le diplomate pour échapper au contrôle (affaires gouvernementales, immunité diplomatique, visa américain), suffisent déjà à corroborer les allégations d'illégalité et d'impunité formulées (dix jours plus tard) par Scully : ces "gens" se croient au-dessus des lois communes.
Il s'avère que l'homme transporte, sans certificats ni autorisations officiels, une substance visqueuse noire, extrêmement dangereuse, qui à la suite d'une maladresse se répand par terre avant de se transformer en minuscules vermisseaux qui pénètrent sous la peau d'un douanier tétanisé. Son regard se voile ensuite de filaments noirs qui parcourent ses pupilles (bel effet visuel !).
Dans un quartier industriel (ou portuaire) de New York City, Mulder et Scully, en uniforme d'intervention SWAT, surveillent un entrepôt. Ils attendent une livraison clandestine d'explosifs :
MULDER: I've received two new receipts, one for first and last on
this storage space, and one to rent a two-ton truck yesterday.
Both with the same signatures. We could be looking at the next
Oklahoma City.
SCULLY: Well, so, who do you think's leaking them, and why are they leaking them to you? (Mulder shakes his head.) |
J'ai reçu deux nouveaux bordereaux, un d'une livraison pour cet entrepôt, et un d'une location pour un camion de deux tonnes. Les deux portaient la même signature. Il pourrait s'agir d'un prochain attentat comme Oklahoma City.
Bon. Alors, qui est en train de les trahir, à ton avis ? Et pourquoi est-ce qu'ils te les livrent, à toi ? (Mulder secoue la tête.) |
Après les accusations de malversation, ce sont donc les soupçons de crimes terroristes qui se trouvent confirmés par l'enquête sur le terrain.
La piste conduit Mulder et Scully a arrêter Krycek, que nous croyons enfermé dans un silo. Scully commence un interrogatoire dans lequel Krycek, en maître de la duplicité, fait alterner vérité (en blanc) et mensonge (en rouge) :
SCULLY: How'd you get involved with these men?
KRYCEK: They found me in North Dakota. They liberated me on a salvage hunt... Hey, you go underground, you gotta learn to live with the rats. (Mulder slaps off Krycek's baseball cap. Krycek's hair is cut really short.)
MULDER: I'm sure you had no trouble adapting.
(...)
SCULLY: What do you want, Krycek?
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Comment vous êtes-vous retrouvé impliqué avec ces hommes ?
Ils m'ont trouvé dans le Dakota du Nord. Ils m'ont libéré lors d'une mission d'évacuation... Hé ! Quand on passe dans la clandestinité, on apprend à vivre avec les rats. (Mulder rabat la casquette de base-ball de Krycek. Il a les cheveux coupés TRES court.) Je suis sur que tu n'as eu aucun mal à t'adapter.
(...) Que voulez-vous, Krycek ?
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Il fallait bien un agent double (triple, quadruple,...) comme Krycek pour faire une analyse aussi fine des hommes, tels que CSM, qui agissent dans l'ombre du pouvoir au mépris des lois existantes ! D'un autre côté, on est frappé par la naïveté dont font preuve Mulder et Scully. C'est d'ailleurs cette même naïveté qui conduira Scully à témoigner en toute sincérité devant la commission d'enquête.
3°) Preuves immontrables contre faux témoignages :
Après une course poursuite à l'aéroport de Dallas, les agents s'emparent d'une sacoche (déclarée valise diplomatique) qui contient un mystérieux cristal de roche noire.
Mulder, frustré, conduit ensuite un Krycek menotté au domicile de Skinner, lequel l'attache sur son balcon ! Ceci ne l'empêchera pas, le lendemain de jeter dans le vide le courtier de l'aéroport, venu rechercher sa sacoche chez Skinner...
Pendant ce temps, l'enquête scientifique se poursuit au "Département d'exobiologie" d'un centre de la NASA à Greenbelt, Maryland. Il est rapidement établi qu'il s'agit d'un fragment de météorite. Puis, la scène du prégénérique se reproduit dans le labo et le manipulateur est envahi par de petits vermisseaux noirs... |
Comprenant que cette histoire de sacoche diplomatique le dépasse, Mulder va voir Marita Covarrubias, qui travaille aux Nations Unies, et lui demande de reconstituer son parcours jusqu'au Etats-Unis. La sacoche vient de Krasnoïarsk en Sibérie, non loin de Tunguska se souvient Mulder, car c'est là qu'en 1908 tomba la plus grosse météorite jamais connue sur Terre. En Sibérie, la présence de Krycek, qui parle russe, s'avère précieuse. Mais les rapports de forces et de pouvoir s'inversent du même coup entre les deux alliés occasionnels dès qu'ils se font capturer par les cavaliers, surveillants du goulag. car si Krycek parvient, tant bien que mal, a négocier (en russe) avec ses geôliers, Mulder est livré aux expériences terrifiantes de docteurs Mengele...
La suite : 4X10 Terma
un mystérieux cristal de roche noire : un procédé narratif similaire avait déjà été utilisé en 1967 dans la série Les Envahisseurs, avec Roy Thinnes - le Jeremiah Smith de 4X01 Herrenvolk - dans le rôle de l'architecte David Vincent (voir l'épisode Wall of Crystal). Les extra-terrestres voulaient alors rendre l'atmosphère plus respirable pour eux grâce aux émanations toxiques d'un cristal (blanc). Ici, il s'agirait plutôt d'un virus...
domicile de Skinner : pour ceux qui douteraient de l'existence de l'inconscient, Carter et Spotnitz en apportent la preuve ici. Skinner habite en effet à Crystal City ! Le lien visuel avec la scène précédente est semblable aux associations mentales qui alimentent les rêves...
cette histoire de sacoche diplomatique le dépasse : une succession de scènes nous montre un enchevêtrement de hiérarchies et de dépendances fluctuantes (entre CSM vs Skinner, l'Homme Manucuré vs CSM, Mulder vs Krycek, Skinner vs Scully, Sénateur Sorenson vs Skinner et Scully, etc.) dont le dialogue CSM/Skinner est une bonne illustration :
CSM: Agents Mulder and Scully intercepted a diplomatic pouch here
in Washington last night. I'm afraid it's created a problem in foreign
policy circles. Quite a problem, actually.
SKINNER: I don't know anything about a diplomatic pouch. CSM: No? Nothing about the matter? SKINNER: No. CSM: Well, I find that hard to believe. As their supervisory agent. As a friend, I should advise you, Mr. Skinner, that withholding information on matters of national security is punishable under the laws of this country for treason and sedition. SKINNER: Thank you. I'll consider myself advised. As a friend. CSM: I need that pouch, Mr. Skinner. And I need to know who gave them the order to intercept it. SKINNER: I'll get back to you. (Walks away.) CSM: Wars have broken out over far less, Mr. Skinner. Far far less*. |
Les agents Mulder et Scully ont intercepté hier soir une sacoche diplomatique ici, à Washington. Je crains que cela n'ait créé un problème dans les cercles diplomatiques. Un gros problème, en fait.
Je ne sais rien sur votre sacoche diplomatique. Non ? Rien du tout ? Non. Et bien, je trouve cela difficile à croire. En tant qu'agent superviseur. Je vous avertis, en ami, M. Skinner, que la rétention d'information en matière de sécurité nationale est punissable, selon les lois de ce pays, pour trahison et sédition. Merci. Je me considérerai comme prévenu. En ami. J'ai besoin de cette sacoche, M. Skinner. Et j'ai besoin de savoir qui a donné l'ordre de l'intercepter. On se reverra. (Il s'éloigne.) Des guerres ont éclaté pour moins que ça, M. Skinner. Pour beaucoup moins que ça*. |