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Lorsque les scénaristes des X-Files - ici David Amann - parlent de l'adolescence, ils le font toujours intelligemment. Et c'est encore le cas dans cet épisode.
Certes peu original au niveau de l'intrigue (le fils du shérif entraîne des étudiants de son université sur "la mauvaise pente"), il dresse un portrait soigné et crédible des jeunes protagonistes et la double astuce permet une observation pertinente de la psychologie adolescente.
Cet âge de la vie est en effet celui où l'on voudrait à la fois être invisible (afin de passer inaperçu, tellement on est mal dans sa peau) et être déjà adulte (pour pouvoir enfin profiter des plaisirs de la vie). On est à la fois pressé d'en finir avec l'enfance et angoissé à l'idée de basculer trop vite et définitivement dans un monde qui n'est plus protégé.
Tout ceci trouve une illustration fort habile dans le présent épisode.
1°) Des personnages faussement stéréotypés :
- la jeune fille ballottée entre les deux garçons s'appelle Chastity (ça ne s'invente pas !)
- le jeune "voyou", Max Harden, est le fils du shérif (il réunit prestige et rébellion contre l'autorité) ;
- le troisième larron, Tony Reed, est bon élève mais timide (la configuration inverse du précédent)
Mais cette apparente banalité se lézarde quand on voit (à vrai dire on ne voit pas !) Max Harden réussir son interro en deux minutes chrono, au grand dam de son prof (lui, une caricature de sadique !). Car s'il utilise ses pouvoirs extra-ordinaires ce n'est pas - comme on aurait pu s'y attendre - pour obtenir les bonnes réponses mais pour finir dans les temps (car il est arrivé très en retard au contrôle).
Loin d'une vision moralisante, David Amann dépeint trois destins d'adolescents confrontés au difficile passage à la vie adulte : l'un expérimente la transgression, la deuxième observe et accompagne en limitant les risques, le troisième vit au jour le jour, ballotté par les événements.
De même, lorsque le jeune Tony Reed intervient "à toute vitesse" (in extremis) pour empêcher Max de tuer son père, nous comprenons que l'énergie (dont ces adolescents débordent littéralement) n'est ni bénéfique ni maléfique en soi ; elle n'est que la métaphore d'une vie en devenir.
La scène finale du sacrifice de Chastity est également emblématique du comportement erratique de nombreux ados désorientés par des événements qu'ils encore du mal à saisir ou par des actes dont ils ont encore du mal à assumer toutes les conséquences ; l'issue est souvent le suicide (par amour, par désespoir ou par "héroïsme").
C'est lui qui survivra, car son pragmatisme lui permettra d'éviter les excès de confiance (Max Harden) ou de doute (Chastity). Il parviendra même à conserver une parcelle de son pouvoir, comme en récompense du bon usage qu'il a su en faire.
2°) Un regard adulte porté sur l'adolescence :
Il y a donc bien une morale à la fin de l'épisode : "n'utilisez pas votre énergie pour nuire aux autres", mais elle est distillée avec intelligence et sans condamnation pour les "égarés".
Dans ce contexte, Scully paraît bien plus "mûre" que Mulder. Qu'il porte un regard plutôt concupiscent sur Chastity ("Quoi ?" demande-t-il hypocritement à Scully qui l'a pris en flagrant délit) ou qu'il soit piqué au vif par une remarque de Tony sur son "grand âge", il semble peu comprendre - le diplômé de psychologie ! - la période de l'adolescence. C'est qu'il n'a pas fini la sienne ! A la recherche de sa sœur depuis vingt-sept ans, il n'a toujours pas réglé ses comptes avec son propre passé. A trente-neuf ans (Duchovny en a quarante), il est toujours célibataire et sans attache.
Tandis que Scully a déjà fait deux fois l'expérience de la maternité (voir 2X05/06 Duane Barry/Ascension et 5X06/07 Emily, en attendant le cliffhanger de 7X22 Requiem). Elle ne recherche pas la complicité avec les ados mais la compréhension de leurs actes.
Chastity : hormis le puritanisme américain, le choix de ce prénom révèle ici l'une des plus profondes interrogations (et angoisses) qui peuplent les années d'adolescence, la sexualité. Entourée de mystère, sa découverte se fait bien souvent à l'abri des regards (donc de façon "invisible")
Difficile passage à la vie adulte : c'est le pourtant gentil Tony Reed qui fait remarquer à Mulder qu'il fut jeune "il y a bien longtemps" ! Cette provocation est plus intéressante qu'il n'y paraît, car elle vise la génération des 40-50 ans atteint de "jeunisme" irrépressible, cette pseudo-connivence avec les 15-20 ans qui n'existe que dans la tête des "vieux". Or, Tony déplore cette mascarade car elle l'empêche de grandir lui-même.
Matthieu critique |