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"The
modern age" UK EP, 22/01/2001
"The
modern age" US EP, 22/05/2001
"Hard
to explain" AUS EP, 25/06/2001
Pas encore
L'image!
"Hard to explain" UK EP
"Is this it"
AUS, JAPAN, EUROPE LP,
27/08/2001
"Is
this it" US LP, 09/10/2001
"Last
nite UK" US EP, 05/11/2001 (Le cd 2 en édition limitée est le même
mais en noir)
Pas encore
L'image!
"Hard to explain" Ireland EP, 5 titres, édition limitée à 2000
exemplaires
"12-51" US/UK EP, 14/10/2003
"Room on fire" US/UK LP, 21/10/2003
"Reptilia" UK LP, 06/04/2004
Critique et analyse de "Is this it"
Loin d'être les simples antiquaires d'un prestigieux fonds de
commerce new-yorkais, du Velvet à Television, les gandins de The Strokes
s'imposent, avec leur premier album Is This It?, comme la meilleure raison
d'écouter du rock au XXI e siècle. Sourire aux lèvres et hanches en feu.
Depuis 1968, année où White Light/White Heat repeint en noir le
psychédélisme déclinant, New York a le chic pour sauver la mise du
rock'n'roll dès qu'il est réputé en faillite. Par une miraculeuse alchimie,
l'énergie mauvaise d'une métropole éternellement au bord de la crise de
nerfs se transmue alors en onde régénérante et un groupe aussi invendable
que le Velvet finit par exercer une influence aussi déterminante que celle
des Beatles. Dans sa foulée provocatrice, les New York Dolls mettent une
pâtée au rock progressif (1973), Patti Smith offre une bouffée d'oxygène à
une génération en passe d'être asphyxiée par les flatulences FM (1975) et
les garnements du CBGB enduisent de goudron les plumes poussées sur le
croupion de Freddie Mercury ou Elton John (1977).
Axiome corrélatif : Manhattan, Mecque mondiale des crève-la-gloire, produit
systématiquement les groupes de rock'n'roll les plus racés d'Amérique. Dans
une métropole où chaque chauffeur de taxi a un scénario à vendre, où les
cocktail waitresses rêvent d'être chanteuses (Debbie Harry) et où les
vendeurs de librairie fomentent de flamboyantes insurrections esthétiques
(Tom Verlaine et Richard Hell), on ne badine pas avec l'allure. Sur cette
île surpeuplée, surmenée et sursexuée, l'œil fiévreux, la maigreur féline et
la moue griffue auront ainsi survécu à toutes les modes, indissociables
qu'elles sont de la noire légende des seringues longues comme des limousines
et des limousines aussi interminables que l'ombre portée des gratte-ciel.
La découverte de cinq trognes nouvelles mais déjà amies de longue date
celles des Strokes, lesquels poussent le raffinement jusqu'à avoir pour
manager le sosie d'un Lester Bangs qui aurait survécu aux meurtrières années
80 renvoie donc illico à l'époque où on ne ratait sous aucun prétexte un
numéro du New York rocker, où la presse rock tachait les doigts et la
musique du même nom les slips. Car, depuis Too Much Too Soon, le rock'n'roll
new-yorkais est aux libidos adolescentes ce que Las Vegas est aux
comptes-épargne scrupuleusement gérés : un irrésistible défi, doublé d'une
incitation à l'irresponsabilité, à la frime et à la jouissance impatiente.
D'où l'insolente séduction des chansons des Strokes, de ces bolides
princiers qui entrent en trombe dans les cœurs et réveillent d'un baiser les
nostalgies (mal) endormies. Qui, à peine tirées du sommeil, ne rêvent que de
rattraper le temps (et le tempo alerte, leste, lascif) perdu. Des chansons
altières, fonceuses et vicieuses, fouettées par un chant d'aristo de
l'asphalte détenteur d'un trousseau de passe-partout (du ricanement hâbleur
à la pâmoison juvénile) de nature à déverrouiller le plus hermétique des
scepticismes.
Dès l'admirable deuxième titre, The Modern Age, Julian Casablancas rajeunit
impeccablement deux des registres favoris de Lou Reed modèle Loaded le
flegme nasillard et le caquètement courroucé puis enrubanne le refrain de
romantisme grand luxe. Car, comme le laisse deviner leur nom astucieusement
équivoque, les Strokes balancent régulièrement entre le horion sonique et la
caresse cambrioleuse de vertu ("Je veux te dérober ton innocence",
déclaration d'intention fièrement proclamée dans Barely Legal). Quand stroke
signifie "coup" (de boule, de bol ou de génie), la mission du groupe est de
dénicher sous les rues de Times Square (scandaleusement aseptisées par
l'empire Disney) les senteurs interlopes du vieux bitume new-yorkais. Et,
pour commencer, de retrouver par la seule magie d'un son de guitare crasseux
à souhait, l'époque où les héros du Bowery sortaient avec des go-go dancers
plutôt qu'avec des top models pour papier glacé, et mettaient dans leur jeu
de guitare autant de lubricité que leurs fiancées dans leur jeu de hanches
ou de seins. On saluera donc ici la résurrection du fabuleux Johnny Thunders,
dont les stridences sexy et les dérapages polissons refont surface dès que
les Strokes optent pour la furie rock'n'roll (Take It Or Leave It).
Mais les Strokes sont trop cultivés pour se satisfaire longtemps d'une
simple partouze punk, aussi jouissive fût-elle. Autant que la frénésie
orgiaque des Heartbreakers, ils aiment la poésie anguleuse de Television,
savent aller cueillir des étoiles noires à la lueur de Marquee Moon. Et,
surtout, n'oublient pas de traverser l'Hudson pour rendre visite à de
précieux cousins d'Hoboken. Car c'est la fébrilité hypnotique des Feelies
qui innerve le plus spectaculairement les chansons hypertendues de Julian
Casablancas.
Bien nés (et très bien éduqués), les Strokes se sont évadés des
immeubles-forteresses de l'Upper West Side, au pied desquels des portiers en
uniforme tentent de tenir à distance la rumeur interlope de la rue. Mais
avoir eu pour père (ET pour beau-père) deux éminents représentants du petit
monde où se côtoient art, mode et médias a permis à Casablancas d'exceller à
la fois dans le slumming (soit l'art de s'encanailler au contact de musiques
voyoutes) et dans le songwriting et d'enrober de fragrances raffinées des
rythmes déflagrants. Quand les Strokes se souviennent que leur nom signifie
également caresse (griffue, quand même), les harmonies tiennent la dragée
(très) haute aux arts maudits de la défonce, de la déglingue et du destroy.
Car, plutôt qu'aux représentants de l'ordre social (expédiés en un "les
flics de New York, c'est pas des lumières" New York City Cops), c'est aux
filles, farouches ennemies de l'ordre sentimental, que les chansons de
Casablancas cherchent des poux ("Tu dis que tu veux rester collée à
moi/Chérie, ça va pas la tête ?" Someday).
Finalement plus porté sur l'introspection que sur la pseudo-insurrection
(domaine mis en coupe réglée par tous les skate-punks du Midwest et de
Californie), Casablancas poursuit dans ses chansons des conversations
perturbantes car restées en suspens : on n'avait pas relevé autant de "she
said" et de "you said" dans un album depuis l'époque où Lou Reed faisait
interminablement causer ses Candy, Lisa et autres Caroline. Les Strokes
s'attaquent alors à des sujets chenus (l'incommunicabilité Hard to Explain
ou l'asthénieamoureuse Is This It?) et, comme chaque fois que des gamins
aussi intrépides que précoces (le plus âgé atteindrait péniblement les 21
ans) osent toréer des thèmes pour adultes, le résultat donne des chansons
aussi inquiètes qu'insolentes et aussi équivoques qu'explosives. Stroke (of
lightning) pouvant également signifier éclair (de ceux qui, dans les
systèmes nerveux, allument les plus beaux incendies), on aurait alors
mauvaise grâce à ne pas conclure que ces électrisants Strokes sont
décidément du tonnerre. |
Critique et
analyse de Room on Fire Les Strokes sont
formidables. Tout au moins, leur stratégie est formidable,
époustouflante d’intelligence. Après un premier album unanimement
acclamé comme un petit bijou taillé dans la pure nostalgie CBGB’s
76-77, mais suffisamment rutilant pour qu’on l’adore sans réserve,
les voilà désormais qui poussent le mimétisme punk jusqu’à la
perfection. Tous leurs modèles ont fait ça : un premier album qui
cisaille les pattes, un second qui casse les couilles. Chapeau,
rudement bien imité. Donc voilà, comme (en vrac) Blondie, les
Damned, le Clash, Patti Smith, Television, Devo, les Ramones, les
Cars ou Jam, Casablancas et ses copains se prennent gentiment les
pieds dans la console dès le deuxième virage. Comme tout le monde
les attendait au tournant, l’œil déjà dans la lunette, il valait
donc mieux ne pas décevoir en sortant un "bon" deuxième album. Tout
ça aurait été tellement vulgaire, tellement pas cool.
Les Strokes sont le dernier objet warholien en état de marche, ils
fonctionnent uniquement à l’énergie du référent, de la reproduction
mécanique de codes et de signes. Ils fonctionnent surtout à la
flambe, ce qui n’exclut jamais quelques retours de flamme. Room
on Fire est donc un charmant ratage, presque une réussite, tant
les chansons qui s’alignent comme des quilles ressemblent finalement
à celles qui ravissaient sur Is This It. Elles sont
simplement moins efficaces, moins vivifiantes, un poil plus longues,
plus traînardes, plus embarrassées… Il y a des solos de guitare
inutiles, moins de mélodies à siffler sous la douche, plus de cernes
sous les refrains, moins d’appétit à l’ouvrage, plus de temps morts,
moins de désir. Mais ne fusillons pas les Strokes pour si peu, il
leur reste tant à accomplir : le troisième album avec un orchestre
symphonique, le quatrième (un double), concept incompris sur le
moment et culte vingt ans plus tard, le disque de reprises, le live
"At Budokan", l’album (sur)produit par Phil Spector à sa sortie de
taule…
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