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Histoire

Voici un aperçu des principales grandes époques de l’histoire de la viole de gambe. Les sources ont indiquées en bas de page.
Les Débuts  

La viole de gambe est née, selon les sources historiques, dans le sud de l'Espagne à la fin du XVe siècle.


Instrument à cordes, elle a des frettes, six cordes en boyau et un accord en quartes, avec une tierce au milieu; elle est très proche du luth.


Tout d'abord, on la jouait en pinçant les cordes comme un luth ou une vihuela (sorte de petite guitare ancienne espagnole également accordée en quarte et cousine du luth). On rapproche aussi la viole des instruments de la famille des "rebâb" ou "rabâb" apportés par les Maures en Espagne dès le VIIIe siècle.


Jouée en Espagne, les musiciens la nomment : « vihuela de arco » (viole à archet), on la trouve représentée dans différents tableaux de l'époque. De part ses frettes et sa notation en tablature, l’instrument paraît facile à apprendre.


On trouve aussi des instruments nommés vihuela en Flandre et dans le nord de la France au début du XVe siècle, qui auraient été apportés par les espagnols. Mais les représentations que nous avons,  montrent un instrument à fond assez plat et aux bords arrondis, il ressemble plus à une guitare. Au contraire, les peintures de la fin du XVe siècle, représentant des « vihuela da mano », ont un fond bombé, des frettes et les cordes y sont frottées avec un arc.

 

La viole aurait été apportée en Italie par les musiciens du pape Alexandre VI - pape de la famille des Borgia. A cette époque il y a avait beaucoup de relations entre le royaume d'Aragon et les royaumes de Naples ou de Rome. La viole va, dès lors, très vite évoluer.


Représentation d’une vihuela pincée d’après une fresque située dans l’appartement des Borgia à Rome au Vatican datant de 1493.
L'Apogée  

Au XVIe siècle, les italiens ayant adopté la viole, ne trouvèrent pas très confortable d'en jouer en posant l'instrument sur les genoux tout en frottant les cordes avec un arc, c'est alors qu'ils décidèrent de la tourner et la mirent entre leurs jambes. C'est à partir de ce moment que les italiens lui donnèrent le nom de "viola da gamba" ce qui a donné en français "viole de gambe" (viole jouée entre les jambes).


Sebastian Virdung, en 1511, dans son traité « Musica getuscht and angezogen », premier livre sur la musique avec illustrations d’instruments, représente la viole comme ci-dessous :

 

 

En 1529, Martin Agricola, reprend cette illustration dans son traité sur les instruments : « Musica Instrumentis Deudsch » :

 

 

De nombreux traités sur la viole apparaissent alors que l'impression au XVIe siècle était très chère. Ces traités contribuèrent eux aussi à la popularité de l'instrument.

 

En 1528, Baldassare Castiglione, dans son manuel pour le courtisan, "Il libro del Cortegiano", considère qu'apprendre la viole est indispensable à l'éducation d'un homme noble : "La musique n'est pas une décoration mais une réelle nécessité pour le courtisan. Elle doit être pratiquée en présence de dames parce qu'elle prédispose à toutes sortes de pensées... Ainsi la musique faite par quatre violes et archets est enchanteresse. Elle est douce, délicate et artistique".

 

Silvestro Ganassi dans son manuel pour la viole, "Regola Rubertina" rédigé en 1542/1543, insiste également sur la notion d'homme cultivé dans l'apprentissage de la viole. Il va jusqu'à proposer aux musiciens de rouler des yeux et de déformer leur mine en jouant des pièces mélancoliques...

En 1553, Diego Ortiz dans son traité "Tratado de glosas" discute l'art de la diminution sur la viole avec un accompagnement de clavecin. Trois méthodes de diminution au clavecin sont décrites. Ortiz explique que l'on commence par quelques notes sur le clavecin auxquelles répondent un contrepoint improvisé et ainsi de suite : "chacun le fait selon son propre caprice", ce qui rapproche ces improvisations du jazz improvisé moderne.

Les glosas sont des variations interprétées soit par des solistes soit par deux musiciens jouant d'instruments semblables.

 

Michael Praetorius, compositeur allemand et théoricien de la musique, décrit la viole dans son œuvre De OrganographiaSyntagma Musicum en 1619, comme étant un instrument qui se tient entre les jambes, ayant un grand corps qui fait partager sa résonance avec un archet, étant munit de 6 cordes.


Extrait de l’ouvrage de Michael Praetorius – 1619

En Italie, dès le XVIe siècle, Cremona s'impose comme la ville qui comporte le plus de luthiers.

 

C’est  Andrea Amati qui ouvre la voix en commençant une longue tradition, il utilisera du bois de meilleure qualité  que ses collègues et commencera à modifier la forme de la viole. Brescia suit Cremona, dès le milieu du XVIe siècle, avec des luthiers célèbres comme Gasparo da Salo et Giovanni Paolo Maggini. Les violes – et autres instruments à cordes – de ces luthiers restent des instruments de rêves pour les musiciens d’aujourd’hui. Au XVIIe siècle, l’art de la lutherie a prospéré à Cremona – bien sûr avec Stradivari, Guarneri mais aussi à Milan, Mantoue, Venise, Bologne, Florence puis à Naples et à Rome.

 

Dans toutes les Cours d'Europe, les luthiers inventeront l'ensemble de la famille de viole (voir le chapitre sur la famille de viole).


Le consort de viole (ensemble réduit composé généralement des instruments d'une même famille) est certainement la formation la plus répandue et la plus jouée en Europe. On jouait en consort soit dans des maisons privées soit à la Cour, aux XVIe et XVIIe siècles.


Marin Marsenne (érudit français, mathématicien et théoricien de la musique) écrit en 1636 dans son ouvrage « L’harmonie universelle » : "Si l'on doit juger les instruments de musique en fonction de leur capacité à imiter la voix humaine, alors je crois que l'on ne peut nier que la viole  ait le premier prix, car elle peut imiter la voix humaine dans toutes ses modulations, même dans ses nuances les plus intimes : celle de la douleur et de joie ".


Ainsi la viole grâce à sa sonorité délicate, sa richesse harmonique a été considérée comme l’instrument imitant au mieux les inflexions de la voix humaine, et, dans le sillage de l'humanisme du XVIIe siècle, est devenue essentielle pour inspirer et représenter toute musique sophistiquée.
La viole de gambe est employée dans la polyphonie, en relation avec la voix humaine (motet, chanson, madrigal), et dans les formes instrumentales dérivant de modèles vocaux (Ricercare, Canzona, Tiento et Fantasia).


C'est au XVIIe siècle que la viole connaîtra son âge d'or. En Allemagne et en France, elle sera très populaire comme instrument de basse continue. En Angleterre, la viole a été très influencée par l’Italie et s’est beaucoup développé en tant qu’instrument soliste, on y apprécie beaucoup le consort de violes. En France et en Italie, elle s’est également développée dans le répertoire soliste basé sur l’improvisation tant mélodique qu’harmonique. C’est en France  que sa technique va le plus évoluer, notamment par l’ajout d’une septième corde sur la basse de viole. Elle fut l’un des instruments favoris à la cour de Louis XIV.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Gravure de Diego Ortiz - Wikipédia

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source: Boyer (Le Puy, 1667-Paris, 1724),
Basse de viole, partition et épée
, sans date.
Huile sur toile, Paris, Musée du Louvre.

La Disparition  

Beaucoup jouée en Italie au XVIe siècle, puis en France, en Angleterre et en Allemagne fin XVIe-début XVIIe siècles, la viole commence à perdre de son influence en Italie au début du XVIIe siècle. Petit à petit, elle sera remplacée par les instruments de la famille du violon qui ont 4 cordes, une caisse de résonance plus importante et qui s'accordent en quinte.


En France, grâce aux musiciens de la cour de Louis XIV, la viole sera beaucoup jouée au XVIIe siècle et abandonnée progressivement seulement à partir du début du XVIIIe siècle.


Malgré le traité d'Hubert Le Blanc, "Défense de la basse de viole contre les entreprises du violon et les prétentions du violoncelle" de 1740, et la tentative de création par Michel Corrette, vers 1780, d'un instrument hybride appelé : la viole d'Orphée, définie par ce dernier comme un « nouvel instrument ajusté sur l'ancienne viole, utile en concert pour accompagner la voix et pour jouer des sonates", les violes et leur répertoire vont tomber définitivement dans l'oubli.


Nombre de violes furent transformées en violons, violoncelles ou altos car jugées trop aristocratiques au moment de la Révolution française.

 

La Renaissance  

C'est dans les années 80, lors de la redécouverte et de la réinterprétation de la musique ancienne et baroque, que la viole sera retrouvée et remise au goût du jour par bon nombre de musiciens de musique classique. La plupart d'entre eux ayant auparavant appris à jouer d'un autre instrument.


La viole recommence à redevenir populaire pour notre plus grande joie !

 

Aujourd'hui, il existe de nombreux ensembles de musique baroque (contenant quasiment toujours une viole) mais également de musique ancienne qui enregistrent des compositions d'époque (XVe-XVIe et XVIIe siècles) qui n'avaient pas encore été entendues par nos contemporains. Beaucoup de pièces, initialement écrites pour viole mais jouées au cours de la période romantique sur violoncelle, sont à nouveau interprétées sur des violes.

 

Beaucoup de festivals se sont créés comme le Festival International de viole d'Asfeld ou le Festival de Musique Ancienne de Séville où se déroule une semaine autour de la viole de gambe.

 

Le film Tous les matins du monde d'Alain Corneau, pour lequel le luthier Pierre Jaquier a réalisé les instruments, a énormément contribué au succès de la viole qui est, comme on le note dans les concerts, de plus en plus appréciée par le grand public.

 

 

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Sources: Guide des instruments anciens (Ricercar) ; + consulter le bibliographie & Article Wikipedia Viola da Gamba (de) ; + sites internet à consulter dans références