II.     La Vème République : une République faite par et pour les gaullistes

 

La Vème République est marquée par De Gaulle car elle a été faite à sa mesure. Elle s’avère être un régime stable même si certains aménagements ont modifié cette stabilité.

A.    La stabilisation institutionnelle

1.      Les institutions de la Vème

La nouvelle constitution est adoptée le 28 septembre 1958 par un vote massif des Français (79,25 % de oui), elle  s’inspire très largement du discours de Bayeux.

 

Document : les institutions de la Vème République

 

·         Président de la République : élu par un collège de 80 000 électeurs (jusqu'en 1962). Ses principaux pouvoirs : droit de promulguer les lois, droit de grâce, nomme 1er ministre, autres sur proposition du 1er, chef des armées, peut dissoudre A.N. si élue depuis plus d’un an, faire référendum, avoir des pouvoirs exceptionnels pendant 6 mois en cas de crise grave (article 16 de la loi constitutionnelle).

·         Le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. Les ministres ne peuvent être parlementaires. Les projets de loi du gouvernement sont prioritaires aux cessions de l’Assemblée Nationale, il peut gouverner par ordonnance (art. 49-3).

·         Le Parlement est bicaméral. L’Assemblée Nationale est composée de députés élus pour 5 ans au suffrage universel direct. Elle peut renverser le gouvernement si une motion de censure obtient 2/3 des suffrages. Le Sénat est composé de sénateurs renouvelés par tiers tous les 3 ans au suffrage universel indirect. Au plan législatif, l’Assemblée Nationale a le dernier mot sur le Sénat.

Nouveautés :

·         Un Conseil Constitutionnel : 9 membres nommés par les présidents des deux assemblées et par le président de la République. Il veille au respect de la Constitution.

·         La Communauté qui englobe la France et ses colonies, est un moyen de les mener à l’indépendance.

Pour les Législatives, le scrutin uninominal majoritaire à deux tours remplace la proportionnelle.

 

2.      L’évolution de ces institutions

En 1962, le président de la République est désormais élu au suffrage universel direct (1ère élection en décembre 65).

En 1974, la majorité passe de 21 ans à 18 ans.

En 1981, retour temporaire au scrutin proportionnel.

Beaucoup plus récemment, mise en place de quotas de femmes aux élections (loi sur la parité). Suite au référendum de septembre 2000, le quinquennat remplace le septennat.

 

B.     Les années De Gaulle et Pompidou (1958 – 1974)

1.      De Gaulle achève d’abord la décolonisation

De Gaulle consacre la première partie de son 1er mandat à achever la décolonisation. La Communauté (créée par la constitution de 1958) cède vite la place à l’indépendance des pays d’Afrique Noire et de Madagascar en 1960. Arrivé au pouvoir avec le soutien de groupes de pression favorables à l’Algérie française, De Gaulle fait assez vite le choix de l’autodétermination pour le peuple algérien (16 septembre 1959), politique qui débouche sur les accords d’Evian (3 juillet 1962).

 

2.      La “république gaullienne” se caractérise par le pouvoir personnel du président

Caricature (Que représente-t-elle ? Quel est le modèle ? lecture des différents personnages. Que veut-elle dénoncer ?)

Ce pouvoir personnel est d’abord renforcé par l’élection au suffrage universel : il est désormais responsable devant le peuple seul (cf : document sur octobre 1962). La pratique répétée du référendum va dans le même sens : c’est par référendum que la politique algérienne du président ou ses changements constitutionnels sont approuvés.

Ce pouvoir personnel va même jusqu’à s’appuyer sur l’art. 16 en cas de besoin (1961 pendant 5 mois).

Le président se comporte comme le vrai chef du gouvernement (G. Pompidou : “le Premier ministre n’est que le premier des ministres”). C’est surtout en politique étrangère que cette mainmise du chef de l’État est la plus forte : De Gaulle conduit la politique étrangère comme bon lui semble. Cette politique vise surtout à maintenir la grandeur de la France (retrait du dispositif de commandement de l’OTAN en 1966, défense de la francophonie : déclaration sur le Québec libre en 1967).

 

3.      La crise de mai 68

Les élections présidentielles de 1965 et la mise en ballottage inattendue de De Gaulle face à Mitterrand surprennent et voient se développer l’opposition politique au gaullisme. Les législatives de 1967 voient se confirmer ce recul du gaullisme. La situation politique et sociale de la France se dégrade derrière cette façade figée : lente montée du chômage, de l’inflation.

 

Document : mai 1968

 

1968 est avant tout une crise de civilisation. L’agitation touche d’abord le milieu étudiant en début mai. Ce mouvement étudiant est relayé par une agitation sociale : le mouvement gagne la France entière qui est bientôt paralysée (9 millions de grévistes le 24 mai).

Pompidou prend l’initiative des accords de Grenelle du 25 au 27 mai qui concède des avantages au monde ouvrier, mais l’agitation politique grandit. Le 29 mai, De Gaulle disparaît (Baden-Baden) puis, de retour le 30, annonce qu’il reste et dissout l’Assemblée. Inquiets des violences de la fin mai, les Français aspirent à un retour à l’ordre et les élections législatives des 23 et 30 juin voient la déroute de la gauche et le triomphe des gaullistes.

 

Mais la crise a davantage profité à Pompidou qu’à De Gaulle qui l’écarte et le remplace en juillet par Couve de Murville. Le nouveau gouvernement doit répondre aux désirs de réformes des Français : réforme universitaire puis projet de régionalisation. Mais ce dernier, soumis à référendum le 27 avril 69, est repoussé par les électeurs. Le 28 De Gaulle démissionne. Il se retire à Colombey-les-deux-églises où il meurt le 9 novembre 1970.

 

4.      Le septennat inachevé de Pompidou

La gauche divisée laisse la voie libre à Pompidou aux présidentielles de juin 69. Le nouveau président est avant tout l’héritier du général. Il veut instituer “le changement dans la continuité”. J. Chaban-Delmas, 1er ministre, présente un projet de “nouvelle société” devant briser les blocages de la société française. Mais Pompidou, qui veut conserver de large prérogatives présidentielles, s’oppose rapidement à son Premier ministre. A l’été 72, celui-ci est remplacé par P. Messmer.

La période Pompidou constitue la suite de l’œuvre gaullienne, sauf dans le domaine européen où le veto français sur l’entrée de la Grande-Bretagne dans la CEE est enfin levé.

Le septennat est également marqué par une bipolarisation très nette de la vie politique, du fait surtout de la rénovation de la gauche (Programme Commun du 27 juin 72). Les élections de mars 73 marquent un net sursaut de la gauche.

A partir de l’automne 73, la dégradation économique et sociale s’accentue. La santé du président décline : il décède subitement le 2 avril 1974.

 

C.    Les inquiétudes des années 70 : le septennat de VGE (1974 – 1981)

Giscard d’Estaing, ministre de l’économie et des finances sous De Gaulle et Pompidou est élu aux élections de mai 74 d’une très courte majorité face à Mitterrand. Ces élections ont été surtout marquées par la déroute des gaullistes avec lesquels VGE doit cependant composer en nommant Chirac 1er ministre.

VGE se fait le champion d’une société libérale. Les réformes sociales sont importantes : majorité à 18 ans, loi Veil de 1975 sur l’avortement etc. Mais l’incapacité des différentes politiques de lutte contre la crise économique et sociale érode la crédibilité du pouvoir qui se divise : pour la 1ère fois, un 1er ministre prend l’initiative de démissionner en août 76 : Chirac est remplacé par R. Barre. En décembre 76, Chirac fonde le RPR en remplacement de l’UDR, tandis que Giscard tente de fédérer le centre avec l’UDF en février 78.

C’est la rupture de l’union de la gauche en septembre 77 (à l’initiative de G. Marchais) qui retarde l’alternance : les élections législatives de 1978 sont un désastre pour la gauche. Mais le déclin électoral du PCF (soutien à l’URSS lors de l’invasion de l’Afghanistan) renforce le poids de Mitterrand au sein de la gauche. Les élections présidentielles de mai 81, sur fond de crise économique, offrent la première alternance politique de la Vème République.

 

III.  Le temps des alternances (1981 – 2001)

A.    Les “années Mitterrand” (1981 – 1995)

1.      Les espoirs de l’élection

L’alternance est marquée par une explosion de joie. La dissolution de l’Assemblée et les législatives de juin apportent une majorité confortable au gouvernement de P. Mauroy. C’est « l’état de grâce ». Le gouvernement en profite pour lancer tout un train de réformes structurelles : abolition de la peine de mort (Badinter, octobre 81), mise en place de la régionalisation (loi Defferre), loi Auroux de 1982 sur les relations du travail, loi sur les 39 h, retraite à 60 ans, 5ème semaine de congés payés, etc.

C’est trop pour les conservateurs, pas assez pour un certain électorat de gauche.

 

2.      Le temps des désillusions

La politique de relance de la consommation se traduit surtout par une hausse des déficits tandis que chômage et prix continuent de grimper. La désaffection électorale s’ensuit : les élections européennes de juin 84 voit la gauche plafonné à 40 % des suffrages (57 % à la droite). Le tollé contre le projet de réforme du financement de l’école privée ce même mois (un million de manifestants à Paris) pousse Mauroy à la démission, remplacé par Fabius. Celui-ci mène une politique économique de rigueur mais ne réussit pas à renverser la tendance avant les législatives de mars 86 : les affrontements en Nouvelle-Calédonie, l’affaire du Rainbow Warrior discréditent son gouvernement. La droite remporte ces législatives.

 

3.      Cohabitations, second mandat et affaires

Une situation politique inédite sous la Vème République se présente alors : un président opposé à une majorité à l’Assemblée d’opinion contraire. Dès lors, les alternances politiques vont se succéder en France entre 1986 et aujourd’hui. Elles se traduisent par une érosion du débat politique traditionnel entre la droite et la gauche qui cède la place à un consensus politique et économique, ce qui encourage l’émergence de nouvelles forces politiques, notamment à l’extrême droite, mais aussi avec les écologistes et une érosion régulière de la participation marquant un désintérêt croissant pour le débat politique. Qu’en retenir ?

La 1ère cohabitation (gouvernement de droite sous la direction de J. Chirac) apparaît avant tout comme une revanche de mai 81 : elle entreprend de défaire une large part de l’œuvre de la gauche (privatisations, suppression de l’impôt sur les grandes fortunes, réduction des dépenses publiques). Mais la présidentielle de 88 voit une réélection de Mitterrand avec une ampleur inattendue (54 % contre 46 à Chirac).

Le second mandat de Mitterrand est marqué par une nouvelle cohabitation de 93 à 95 après les échecs de gouvernements de Michel Rocard (malgré le succès de sa politique de pacification en Nouvelle-Calédonie et le RMI, il échoue pour des motifs “politiciens” : mésentente avec Mitterrand), d’Edith Cresson (renouveau de la crise économique, maladresses, hostilité des média) et de Pierre Bérégovoy (qui tente surtout de limiter les dégâts avant les législatives de 93, tandis que les affaires – sang contaminé, affaires politico financières – empoisonnent son action). La 2nde cohabitation (mars 93 à mai 95) est menée par Balladur. Il lance un nouveau programme de privatisations (BNP, Elf Aquitaine). Mais son gouvernement est touché à son tour par des affaires. Surtout, de plus en plus populaire, il apparaît comme un candidat potentiel à la présidentielle. C’est au tour du RPR lui-même de se diviser et de se présenter avec deux candidats aux présidentielles. Chirac, qui s’est démarqué par une campagne sur la “fracture sociale”, l’emporte.

 

B.     La présidence de Jacques Chirac

En deux ans, la victoire de 95 vire au désastre. L’oubli de promesses électorales d’ailleurs peu conformes aux options politiques du candidat, l’impopularité croissante de son Premier ministre Alain Juppé (tentative de réforme de la Sécurité sociale) apporte un discrédit rapide à l’espoir suscité par son élection.

En avril 97, Chirac dissout une assemblée qui lui est favorable (espérant “sauver les meubles” plutôt que d’attendre l’échéance normale de mars 98). Les élections de juin 97 donne la majorité à la “gauche plurielle” de Lionel Jospin qui devient Premier ministre. Il axe son gouvernement sur la lutte contre le chômage (notamment par la mise en place des 35 heures) qui bénéficie d’une reprise économique inespérée. Cependant, la désaffection des Français face à la politique semble s’accentuer au fil des scrutins.

Le premier tour de la présidentielle de 2002 est un véritable séisme politique : L. Jospin, à qui la victoire semblait promise quelques mois auparavant, est éliminé dès le 1er tour, laissant Chirac face à Le Pen au 2nd tour. Un ultime sursaut et une campagne de dénigrement orchestrée contre le leader du Front national donnent à Chirac une très large réélection qui n’a guère de sens dans le contexte émotionnel suscité par les résultats du 21 avril. Le mouvement de désaffection semble reprendre dès les législatives du mois de juin qui redonne une majorité au gouvernement de droite formé en mai par Jean-Pierre Raffarin.