Considéré comme le chef-d'œuvre de Lavirotte et primé au Concours de façades de la ville de Paris édition 1901, cet immeuble très déroutant appelle de nombreux commentaires. Avant toute chose j'insiste sur le fait que, contrairement à l'opinion largement répandue et défendue au travers d'ouvrages par ailleurs sérieux et documentés, cet édifice n'était pas et n'a jamais constitué une commande d'Alexandre Bigot afin de créer une vitrine publicitaire dans la capitale : les propriétaires de l'immeuble étaient Lavirotte lui-même et un certain Charles Combes (cf. Archives de la ville de Paris, demande de permis de construire sous la cote VO11 - 2912). Bigot n'a jamais habité l'immeuble, pas plus que Lavirotte qui résidait au 5e étage de son immeuble 3 sq. Rapp. (Merci à Monsieur Georges Vigne pour cette mise au point.)

Passons rapidement sur la prouesse technique démontrant avec brio tout le parti qu'on peut tirer de la solidité du grès flammé (le revêtement n'a presque pas bougé d'un poil depuis 1901) ; on rappellera juste à ce sujet que le 29 av. Rapp est le 1er immeuble entièrement recouvert de grès (sauf le RdC et le 1er étage : le traditionnel soubassement...) et que le petit édifice du square Rapp lui-même contenait déjà quelques heureuses trouvailles techniques (comme l'utilisation de ciment armé dans les combles).

(Détail d'une pierre taillée du vestibule)

On a trop souvent tendance à faire passer Lavirotte pour un rigolo, et ce uniquement à cause des fantaisies ornementales osées qu'il affectionnait ; pourtant sa réputation valait celle de Guimard et son talent est indéniable. Lorsqu'on visite l'immeuble de l'avenue Rapp, plus sombre et moins spectaculaire dans ses espaces intérieurs que l'immeuble du square Rapp malgré un pompiérisme ornemental frappant, on ne peut s'empêcher de penser que les délires décoratifs de Lavirotte sont tout sauf plaisants. Ils semblent davantage traduire une espèce d'effroi, voire de dégoût fasciné devant l'anatomie sexuelle et les voies naturelles du corps humain. On serait frappé qu'un artiste orne un lieu de vie de semblable façon, mais après tout l'art au tournant du XXe siècle était rien moins qu'une mise en forme de craintes et de passions démesurées, romantiques comme on a l'habitude de le dire. Il émane en tout cas de ce magma de formes une impression si trouble et si éloignée de ce que j'ai pu ressentir en parcourant les allées d'autres édifices Art Nouveau que je ne puis me résoudre à attribuer tout ce catalogue excentrique à la seule gaillardise.

 

Façade

 

Antichambre et cour intérieure

 

Cage d'escalier

 

 

 

 

 

 

Photographie : C. Boissy reproduite avec l'aimable autorisation de l'auteur. Cf. http://lartnouveau.com

 

 

 

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