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une verrière à Amiens |
suite
:
la façade de Strasbourg |
Pour aller aux autres exemples de gothique du 14ème siècle
analysés :
à un bouquet de roses gothiques (élargit l'analyse du 13ème
au 16ème siècle)
à une verrière datant de 1373 dans la cathédrale d'AMIENS
à la façade de la cathédrale de STRASBOURG
le tableau qui résume l'évolution de la musique et de l'architecture
pendant le moyen-âge
les généralités sur les effets paradoxaux que l'on
trouve dans l'architecture gothique au 14ème siècle
On nomme habituellement "decorated style" l'évolution spécifique
du gothique anglais de cette époque, voulant signifier par cela
que le gothique "à la française" est dans une logique constructive,
tandis que les Anglais font dans le "décoratif".
La réalité est qu'en fait, surtout en matière
de voûte, les Anglais se sont montrés beaucoup plus inventifs
que les Français. Les voûtes en éventail, puis les
voûtes à clefs pendantes (dites aussi en stalactite), marqueront
les étapes suivantes de cette inventivité anglaise. Pensons
par exemple au joyau que constitue la chapelle d'Henri VII à l'abbaye
de Westminster (1503 à 1519 - Robert et William Vertue architectes)
qui n'a pas d'équivalent en France, même si les clefs pendantes
y sont parfois utilisées.
Pour charger l'image de l'exemple analysé : la voûte de la cathédrale d'EXETER (Angleterre) - terminée en 1353 (s'ouvre en principe dans une autre fenêtre)
Source de l'image utilisée :
François CALI - L'Ordre Flamboyant - Editions ARTHAUD - 1967
Le
1er paradoxe : relié / détaché
Dans le texte précédent, en analysant une
rose d'Amiens du 14ème siècle, on a considéré
chaque forme en trèfle comme étant l'équivalent d'un
noeud.
Ici aussi, on peut considérer que chaque bouquet de nervures
est en fait un noeud :
- un noeud qui est bien ficelé à sa base (bien
relié donc à sa base) ;
- mais complètement défait en sa partie haute,
puisque les nervures du bouquet s'écartent et se détachent
progressivement les unes des autres.
C'est là une première expression analytique du paradoxe.
Analytique, puisque la partie où les nervures sont reliées
est clairement distincte de la partie où les nervures sont détachées.
[revoir ce qu'on entend
par "expression analytique" et "expression synthétique"]
Une autre expression analytique envisage cette fois la voûte dans
son ensemble, et non plus chaque bouquet de nervures pris individuellement
:
- les chapiteaux où se nouent chacun de ces bouquets sont
bien séparés les uns des autres, détachés les
uns des autres en partie basse de la voûte;
- tandis que les nervures qui se séparent dans toutes
les directions sont le moyen, pour ces bouquets, de se relier en continu
les uns aux autres.
Si l'on considère maintenant la nervure qui marque l'axe de la
nef et les nervures qui lui sont perpendiculaires, on constate :
- qu'elles forment ensemble un réseau
orthogonal qui se relie en continue, et qui relie en continue toute la
voûte de l'église ;
- que par le fait même qu'elles relient
toute la surface de la voûte, elles la divisent en quartiers nettement
détachés les uns des autres.
La simultanéité inévitable de ces deux effets
contradictoires, est la signature d'une expression de type synthétique.
On a considéré que les bouquets de nervures fonctionnaient
comme des noeuds qui émergent (des noeuds "faits" dans leur pointe
basse, mais plus ou moins défaits sur le reste de leur expansion).
Mais que sont les clefs bourgeonnantes qui émergent à
chaque croisement de nervures, sinon une autre sorte de noeuds, sous forme
cette fois de paquets noués bien compacts ? Leur relation aux nervures
orthogonales qui les portent propose une autre expression synthétique
du paradoxe :
- elles sont tous reliées les unes
aux autres par ce réseau de nervures orthogonales ;
- et chacune individuellement se détache
nettement en dessous de la nervure.
Les nervures qui éclatent en bouquet s'équilibrent mutuellement
en se butant les unes contre les autres par leurs pointes, c'est-à-dire
par leurs extrémités périphériques.
Simultanément, chaque bouquet reste équilibré
autour de son propre centre géométrique.
Il s'agit là d'une expression analytique.
Pour lire la disposition d'ensemble de la voûte, notre perception
oscille constamment entre deux partis :
- soit nous considérons que l'ensemble de la voûte
s'organise autour d'un axe central nettement marqué par une nervure
dont la présence est soulignée par le bourgeonnement des
clefs qui poussent sous elles ;
- soit nous considérons que la voûte est plutôt
une suite de bouquets qui émergent depuis des alignements symétriquement
situés de chaque côté de la nef.
Cette lutte entre "une lecture par l'axe central" et "une lecture à
partir des centres situés régulièrement sur chaque
extrémité latérale entourant l'axe central", et une
expression analytique fréquente de ce paradoxe. Dans une autre partie
du site, on a montré
des exemples d'architecture dite "maniériste" du 16ème
siècle dans lesquels cet effet est dominant.
Le
3ème paradoxe : entraîné / retenu
Si l'on considère les nervures orthogonales (c'est-à-dire
celle qui est dans l'axe de la nef et celles qui lui sont perpendiculaires),
on est inévitablement entraîné à les considérer
comme des nervures continues qui forment un trait se poursuivant sans interruption.
Mais on est retenu de le faire, car les clefs qui bourgeonnent à
leur sous-face interrompent sans arrêt leur continuité et
les découpent en tronçons.
C'est là une expression analytique.
Une autre expression de ce type nous est donnée par les nervures
en bouquet :
- elles s'élancent vers le haut dans un mouvement qui
les entraîne à s'écarter les unes des autres ;
- et elles sont fermement retenues ensembles, à la base
du bouquet qui les ficelle en paquet.
L'expression synthétique se sert de la concurrence visuelle que
se font des formes semblables mises côte à côte, et
qui se neutralisent ainsi mutuellement.
On peut lire par exemple cet effet dans les clefs en relief sous les
nervures qui s'alignent sans aucune hiérarchie entre elles : si
l'une attire spécialement notre attention, immédiatement
les autres nous retiennent de nous intéresser spécialement
à elle, puisqu'elles sont semblables et ne méritent pas moins
d'attention.
Même chose pour les nervures qui forment un bouquet : si l'une
attire notre attention, immédiatement les autres nous en retiennent,
car elles sont tout autant mises en valeur les unes que les autres.
Même chose enfin, à grande échelle, pour tous les
bouquets de nervures : leur équivalence d'impact visuel, sans arrêt
nous fait hésiter à porter notre attention sur l'un plutôt
que sur l'autre.
Le
4ème paradoxe : mouvement d'ensemble / autonomie
Dans la partie centrale de la voûte, les nervures se rejoignent
et se prolongent les unes les autres pour faire ensemble une trame croisée
commune bien régulière.
Sur les côtés, les nervures se concentrent en bouquets
bien individualisés, bouquets qui sont autant de pôles autonomes
qui se marquent tout en participant à la trame commune.
La zone où se tisse la trame commune est clairement distincte
des lieux où se regroupent les pôles autonomes : il s'agit
donc d'une expression analytique du paradoxe.
Les bourgeonnements des clefs qui chevauchent les nervures orthogonales
forment ensemble des alignements rectilignes clairement repérables,
et l'on ne peut pas séparer l'effet par lequel les clefs font ensemble
ces alignements de l'effet par lequel elles surgissent isolément
les unes des autres sur les nervures.
Cette inséparabilité de l'affirmation d'autonomie et
de l'effet d'ensemble, signe une expression de type synthétique.
On retrouve cette particularité dans la façon dont les
nervures d'un même bouquet affirment leur autonomie les unes des
autres : elles éclatent toutes ensemble, comme un feu d'artifice,
et l'effet par lequel chacune monte isolément pour se sortir du
paquet groupé en partie basse et affirmer ainsi son autonomie, est
inséparable de l'effet par lequel toutes les nervures, en agissant
ainsi isolément, font ensemble l'éclosion collective du bouquet.
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suite : la façade de la cathédrale de Strasbourg |
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