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:
la rose sud d'Amiens |
Pour aller aux autres exemples de gothique du 15ème et du 16ème
siècles analysés :
à la rose de la Sainte-Chapelle de PARIS (15ème
siècle)
à la tapisserie de la Dame à la Licorne (15ème
siècle)
à la rose sud de la cathédrale d'AMIENS (16ème
siècle)
le tableau qui résume l'évolution de la musique et de l'architecture
pendant le moyen-âge
les généralités sur les effets paradoxaux que l'on
trouve dans l'architecture gothique au 16ème siècle
Pour charger l'image de l'exemple analysé
: un
décor flamboyant à la chapelle du Saint-Esprit de RUE (France
- département de la Somme) - 16ème siècle
(s'ouvre en principe dans une autre fenêtre)
Source de l'image utilisée :
François CALI - "L'Ordre Flamboyant" - Editions ARTHAUD -
1967
L'image que l'on propose ne montre qu'un extrait de la frise de Rue.
Dans la réalité elle se prolonge à l'identique en
longue bande horizontale.
Le
paradoxe dominant : le centre à la périphérie
-1-
inévitablement notre regard est attiré par les tracés
qui se rapprochent jusqu'à presque se toucher mais sans jamais s'atteindre.
Ces tracés sortent de dessous le gros tracé des formes en
flammes qui chacune enferme deux alvéoles, et inévitablement
nous remontons vers ces gros tracés pour savoir d'où peuvent
donc venir les tracés plus fins qui se rapprochent. De fait, notre
attention bascule en permanence entre la perception de ces rencontres manquées
et la perception du contour d'où l'on voit sortir les tracés
qui se rapprochent. La rencontre ratée se passe au centre de la
forme, et nous cherchons d'où elle provient en inspectant sa périphérie
: notre attention bascule donc en permanence entre le centre de l'effet
et sa périphérie.
Cet effet est de nature analytique : nous basculons réellement
entre le centre et la périphérie.
-2-
le second effet que nous allons envisager est de nature synthétique.
Pour cette raison il ne met pas réellement en dialogue un centre
et une périphérie, mais il installe en nous l'instabilité
incessante de perception que nous devons éprouver si nous renonçons
à situer le centre de nous même au centre de nous même.
Si l'appui central de notre perception se dérobe, en effet la perception
devient instable et les formes que nous voulons saisir deviennent insaisissables.
Cette instabilité de perception se rencontre ici à l'occasion
de la lecture de la forme des deux alvéoles séparées
par les traits qui se rapprochent sans s'atteindre : par un aspect nous
les lisons comme deux alvéoles séparées, l'une petite
et l'autre plus allongée, mais par un autre aspect nous les lisons
comme une forme unique abritée par une grande forme de flamme. Cet
effet est d'ailleurs totalement imbriqué avec l'effet que nous avons
analysé précédemment : quand nous ressentons le pincement
que forment les tracés qui se rapprochent, nous lisons deux formes,
mais quand nous jetons un coup d'oeil au contour d'où sortent ces
tracés, nous lisons une seule forme plus globale.
-3-
le troisième effet est également de nature synthétique
et il fonctionne de façon semblable au précédent,
mais cette fois nous sautons à une échelle de lecture plus
grande. À plus grande échelle en effet, nous percevons des
espèces de formes en poire symétrique dont la queue serait
placée en bas, mais nous ne pouvons percevoir ces grandes formes
sans percevoir simultanément comment chacune se divise en deux flammes
emboîtées.
En fait, nous ne pouvons pas saisir la forme en poire, car aussitôt
nous saisissons qu'il faut la décomposer en deux, et nous ne pouvons
pas non plus saisir chacune de ses moitiés, car aussitôt nous
saisissons comment leur emboîtement tête-bêche forme
une plus grande forme que nous ne pouvons ignorer.
-4-
le dernier effet que nous devons considérer est de nature analytique
: les formes "en poire" se butent les unes contre les autres par leurs
flancs, et par leurs pointes elles se butent contre une barre horizontale
qui les arrête sur le dessus et contre des plots ponctuels qui les
arrêtent sur le dessous. L'équilibre de chacune de ces formes
en poire est donc donné par la butée simultanée et
équilibrée qu'elle fait sur les quatre côtés
de sa périphérie, ses deux flancs et ses deux pointes.
La même chose vaut pour les deux flammes qui divisent chaque poire
et qui semblent pousser l'une contre l'autre avec le maximum d'énergie.
-1- les tracés qui se rapprochent sans se toucher, se relient . . . tout en restant détachés l'un de l'autre.
-2- dans la partie éloignée de leur point de "non-contact", ces tracés se confondent avec le contour qui dessine les formes de grandes flammes : ils sont donc complètement reliés à ce contour sur une grande partie de leur parcours. Mais pour venir se rencontrer, ils quittent ce contour, ils en sortent : ils s'en détachent.
-3- la présence de la paroi interne ondulante qui sépare en deux les formes de poire, donne une densité de tracés qui force à lire l'ensemble de la frise comme une suite de tracés ondulants attachés les uns aux autres. Cela résulte notamment du parallélisme qui s'instaure entre le parcours de chaque paroi interne et une partie du tracé périphérique de la poire qui "répond" en échos aux ondulations de la paroi interne. De cette lecture d'un lacis de tracés ondulants, nous pouvons cependant "sortir", détacher, la forme des poires.
-4-
la bande horizontale qui coiffe la frise relie toutes les poires entre
elles, et les poires s'en détachent.
Les poires se relient les unes aux autres par le tracé de leurs
flancs, et le tracé de deux poires voisines se sépare vers
le haut et vers le bas de ce lien médian, ce qui détache
les poires les unes des autres. A l'intérieur de chacune des poires,
le tracé médian qui les divise se détache lui aussi
de leur contour tout en s'y reliant tangeantiellement.
Les excroissances sur lesquelles le bas des poires vient buter sont reliées
aux poires par leurs pointes, mais du fait de leur apparition inattendue
elles se détachent violemment du fond du mur.
Le
2ème paradoxe enrôlé : le centre à la
périphérie se sert de l'entraîné / retenu
Dans le texte consacré
à la rose sud d'Amiens, on a été amené
à signaler la présence du paradoxe "un / multiple" parmi
les paradoxes que nous n'analysons pas dans cette version du site mais
qui agissent cependant à un autre niveau.
Ce paradoxe on le retrouve ici, et il sera spécialement instructif
de noter comment il se lie de façon étroite à l'effet
du paradoxe entraîné / retenu.
Dans la rose d'Amiens le paradoxe "un / multiple" était utilisé
sous son aspect "auto-similitude d'échelle", c'est-à-dire
"l'unité de la forme retrouvée dans ses multiples divisions".
Ici nous allons voir un autre aspect plus facile à comprendre de
ce paradoxe : c'est à la fois un et deux, ou, plus généralement,
c'est à la fois un et plusieurs.
-1-
immanquablement nous sommes entraînés à lire que les
deux tracés viennent se toucher, tellement ils s'élancent
l'un vers l'autre pour y parvenir, et tellement ils sont proches de le
faire. Mais nous sommes retenus d'aller jusqu'au bout de cette perception,
car nous voyons bien que finalement ils ne vont pas jusqu'à ce toucher.
Notez : deux traits qui sont à la fois séparés (donc
deux) et reliés (donc un). C'est l'aspect un / multiple de cet effet.
-2- la surface lisse du fond des alvéoles se poursuit en continu d'une alvéole à l'autre, et notre regard est entraîné à passer de l'une à l'autre. Mais si l'on considère la barre que réalise presque les deux tracés qui sont sur le point de se toucher, nous sommes retenus de lire la surface en continu et nous lisons plutôt deux surfaces l'une au bout de l'autre et séparées par cette barre. Notez : "deux" alvéoles ou "une seule" forme continue. C'est l'aspect un / multiple de cet effet.
-3- à plus grande échelle nous hésitons de la même manière : faut-il lire deux flammes emboîtées tête-bêche, ou faut-il lire une grande forme en poire qui les regroupe ? Ces deux lectures se font concurrence : lorsque nous nous laissons entraîner par l'une, nécessairement nous nous retenons de suivre la seconde, et réciproquement. Notez que là encore c'est "un ou deux" (paradoxe un / multiple).
-4-
la bande horizontale supérieure forme un tracé continu que
l'on est entraîné à suivre sur toute sa longueur puisque
que rien ne contrarie cette lecture. Dans le sens croisé, notre
regard, quand il suit le tracé des poires ou de leurs divisions,
vient buter contre cette bande. Dans un sens notre regard est donc entraîné
à suivre la bande horizontale, et dans l'autre sens cette bande
le retient d'aller plus loin. Notez : "une" bande contre laquelle viennent
buter "des" tracés (paradoxe un / multiple).
Les poires se gonflent latéralement, mais elles se butent les unes
contre les autres. On est entraîné à les lire plus
rondes qu'elles ne le sont car la forme ronde s'inscrit plus rapidement
en nous qu'une forme en ovale, mais nous ressentons que la poussée
des poires les unes contre les autres les retient de s'élargir d'avantage.
Notez : "une" bande faite de "multiples" poires butées les unes
contre les autres (paradoxe un / multiple).
Par en bas le dessin des poires s'affine en pointes que nous sommes entraînés
à suivre du regard. Mais notre regard bute alors contre des excroissances
en boule, et nous sommes retenus d'aller plus loin. Notez que chacun de
ces effets de butée se fabrique avec une excroissance pour retenir,
et un ensemble de trajets pour venir s'y cogner. Pour "chacun" des effets
il faut donc "deux" éléments : celui qui sert à buter
et celui qui vient se buter (paradoxe un / multiple).
-1- ensemble les deux tracés viennent se rapprocher jusqu'à se toucher. Pour réaliser ce parfait mouvement d'ensemble, ils sortent chacun depuis le dessous de tracés qui sont complètement opposés : ils proviennent donc de régions parfaitement autonomes.
-2- deux alvéoles autonomes forment ensemble une flamme unique. Non seulement les deux alvéoles qui forment une même flamme sont nettement séparées l'une de l'autre, mais encore elles sont autonomes l'une de l'autre par leurs formes : l'une est plutôt trapue (et même presque circulaire lorsqu'elle est située en position haute), tandis que l'autre est très allongée et très dissymétrique puisque l'une de ses extrémités se termine en arrondi tandis que l'autre se termine en pointe effilée.
-3- les grandes flammes s'imbriquent par deux avec une dynamique très autonome l'une de l'autre : l'une va vers la gauche pendant que l'autre va vers la droite, et l'une va vers le haut pendant que l'autre va vers le bas. Cet accolement de deux formes autonomes produit pourtant une forme d'ensemble équilibrée nettement repérable, celle que nous avons appelée "une poire".
-4-
en partie haute, ces poires, bien séparées donc bien autonomes
l'une de l'autre, butent en parfait ensemble sur la bande horizontale qui
arrête la frise.
En partie basse, les excroissances contre lesquelles butent les pointes
sont parfaitement autonomes l'une de l'autre, car on ne voit aucun mouvement
préparant leur apparition, leur sortie du mur. Pourtant, elles forment
toutes ensembles un alignement régulier qui est le produit collectif
de leurs présences autonomes.
Les poires accolées sont des formes autonomes, puisque distinctes
l'une de l'autre. Mais entre deux poires accolées et en dessous
d'elles, du fait de la réunion de leurs deux pointes, se forme une
nouvelle forme en ogive qui est leur produit commun.
L'autonome de cette ogive, produite par deux contours indépendants,
est par ailleurs affirmée par les tracés qui sortent de dessous
ces contours et qui forment un effet de "rapprochement sans contact" qui
rappelle l'effet produit par les tracés situés à l'intérieur
des flammes. Les tracés des ogives situées en partie basse
et les tracés des flammes situées au dessus, forment donc
sous cet aspect là aussi un effet d'ensemble (celui de tous se rapprocher
sans se toucher), tout en étant situés dans des zones parfaitement
autonomes les unes des autres, puisque les uns sont à l'intérieur
des poires tandis que les autres sont au dehors.
Pour finir, notons que les parties hautes des poires et la frise horizontale
qui leur est autonome, forment en commun une forme en triangle.
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