L’effort fait par la France d’outre-mer dans la guerre a été
considérable. Dès la déclaration de guerre, les mesures prévues par les plans
de mobilisation s’exécutèrent. Les troupes combattantes commencèrent leur
mobilisation. Elles furent dirigées sur les emplacements prévus. Front
métropolitain, Levant et autres points stratégiques. Les approvisionnements
commencèrent à être expédiés par les mêmes transports. Enfin, les premiers
travailleurs indochinois débarquèrent à Marseille en décembre 1939 ; en
mai 1940, près de 20.000 étaient dans les usines de la métropole ;
beaucoup d’autres allaient suivre. Des Malgaches étaient prêts à s’embarquer,
ensuite des hommes de l’Afrique noire s’apprêtaient à venir former de la
main-d’œuvre forestière. De nombreux ouvriers de l’Afrique du Nord étaient
également venus dans nos chantiers et usines.
La débâcle arrêta tout. Mais, dès août et septembre 1940,
les colonies de l’A. E. F. et du Cameroun, à la voix du gouverneur
Éboué (originaire de la Guyane), se ralliaient au général de Gaulle. Le
Mouvement de libération par les efforts de la France libre commençait en
s’appuyant sur une base française. Brazzaville devenait le centre de la
Résistance.
Sans perdre de temps, un effort immense fut entrepris, des
troupes levées, formées et encadrées par les éléments locaux de l’armée
coloniale, renforcées par les évadés de la métropole et de captivité. Nos
alliés anglais et américains fournirent le matériel que, plus tard, les prises
à l’ennemi complétèrent.
Il fallut aménager nos territoires africains pour servir de
base et effectuer le transit.
En A. E. F., le port de Pointe-Noire vit prolonger
ses digues extérieures et intérieures, de nouveaux quais furent construits, des
marais asséchés, l’outillage portuaire amélioré permettant de tripler le
tonnage manutentionné. La navigation fluviale sur le Congo et l’Oubangui fut
améliorée. Cent soixante mille litres d’essence pour la division Leclerc furent
transportés sur des radeaux de Brazzaville à Bangui.
Au Cameroun, à Douala, les moyens de réparation et de
carénage furent renforcés. Le chenal fut creusé pour permettre l’accès aux
navires de sept mètres de tirant d’eau.
Les chemins de fer furent maintenus en état.
Les routes subirent des transformations complètes. Du gros
matériel américain et 100 camions mis à la disposition du Génie militaire,
ainsi que 10.000 travailleurs pourvus d’outils individuels permirent
d’ouvrir douze chantiers qui marchèrent à la vitesse de deux kilomètres par
jour et achevèrent leur besogne en 1942.
La route de l’ouest à l’est part de Yaoundé, passe à Bangui,
Bangassou, Juba, pour aboutir au Soudan anglo-égyptien. Il n’y a plus de
bacs ; des ponts en ciment armé pour camions de quatorze tonnes les
remplacent.
Les routes du sud au nord vont de Bangui à Fort-Archambault,
Fort-Lamy, Moussoro, vers la Libye, l’Afrique-Orientale italienne et le
Proche-Orient.
Une usine procédant à la réparation des véhicules et des
pneumatiques a été établie à Brazzaville.
Grâce à cette préparation routière, on a pu réaliser des
transports considérables. En 1942-1943, le ravitaillement de la division
Leclerc a nécessité le passage de 3.000 camions, puis d’autres encore pour
des transports de renforts pour le Proche-Orient.
En A. O. F., quatre routes ou pistes
transsahariennes vont en Afrique du Nord.
La première va de Dakar à Agadir par Nouakchott, Akioult,
Atar, Fort-Gouraud, Fort-Trinquet et Tindouf.
La seconde va de Bamako à Oran par Gao, Tabankort et
Bidon-5.
La troisième part de Bamako, passe à Bobo-Dioullassou,
Ouagadougou, Niamey, Zinder, Agadès, Laperrine, In-Salah, Fort-Miribel, El Goléa,
Ghardaïa, puis arrive à Alger.
La quatrième va de Zinder à Fort-Archambault, Largeau, Faya,
Téguerre, Mourzouk, pour se terminer à Sehba-Tripoli.
Les communications aériennes furent assurées par une ligne
américaine utilisant les plus grands avions (exigeant un solide bétonnage des
aérodromes), allant de Beyrouth à New-York par Miami, Natal, Pointe-Noire,
Brazzaville, Fort-Lamy. (De septembre 1942 à juillet 1943, il transita par
cette voie 25.000 avions.)
Une autre ligne venant des U. S. A. aborde
l’Afrique à Takoradi (Côte-de-1’Or), passe à Kano (Nigeria), Fort-Lamy,
Khartoum (Soudan anglo-égyptien). Le Caire, et se termine au Proche-Orient.
Un grand poste de T. S. F. construit à Brazzaville
assura la transmission de tous les messages utiles, en même temps qu’il tenait
les métropolitains au courant de la libération.
De nombreuses fournitures de matières premières furent
faites aux Alliés ; nous en parlerons ultérieurement.
Maintenant il faudrait pouvoir opérer la relève du personnel
d’origine métropolitaine fatigué ou malade par suite d’un trop long séjour et
du surmenage résultant de la préparation de la campagne. Or bateaux et avions
en nombre suffisant font défaut. Marchandises et passagers attendent dans les
ports coloniaux, tandis que le personnel de relève en instance de départ se
morfond dans la métropole en attendant son embarquement.
Pendant ce temps, nous pensons tous que matières premières
et denrées coloniales finiront bien par nous arriver ... selon la formule
des vieux connaissements : ...s’il plaît à Dieu !!!
Victor TILLINAC.
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