Accueil  > Années 1948 et 1949  > N°624 Février 1949  > Page 331 Tous droits réservés


Le « CHASSEUR FRANÇAIS » sollicite la collaboration de ses abonnés
et se fait un plaisir de publier les articles intéressants qui lui sont adressés.

L'arboriculture fruitière au Maroc

Si le Maroc est un pays que certains connaissent bien, il est malheureusement par beaucoup d’autres complètement ignoré.

Le Maroc, rappelons-le, est un pays extrêmement varié, extrêmement riche, et peu exploité parce qu’il est un pays neuf. Que ce soit au point de vue minier ou agricole, le peu qui a été fait jusqu’à ce jour peut être considéré comme un sondage et tout reste à faire.

Parlons aujourd’hui de la question « arboriculture fruitière », qui nous intéresse tout particulièrement.

Les régions actuellement déterminées, et dans lesquelles se plantent annuellement des centaines d’hectares d’arbres fruitiers (orangers, clémentiniers, mandariniers, pomelos, abricotiers et pêchers), sont :

    1° La région de Meknès-Fez ;

    2° La région de Sidi-Slimane-Ksiri ;

    3° La région côtière de Port-Lyautey à Mazagan ;

    4° Les plaines du Sud (Marrakech-Beni-Mellal-Tadla ;

    5° Le Maroc oriental (plaine des Triffas) ;

    6° Le Sous.

Les plaines du Sud sont les plus neuves et encore complètement inexploitées, car elles ont été colonisées il y a peu de temps.

La région de Beni-Mellal-Tadla, notamment, que l’on nomme avec juste raison la Californie du Maroc, n’a été ouverte à la colonisation qu’en 1933, date de l’arrivée des premiers pionniers. Ce sont des terres d’alluvion d’une extrême richesse, situées au pied de l’Atlas, couvert de neige l’hiver. Elles forment une immense plaine comprenant des centaines de milliers d’hectares qui seront dans quelques années entièrement irrigués par des barrages gigantesques en cours de construction et destinés à capter l’eau des oueds descendant des montagnes de l’Atlas.

La température y est très douce l’hiver, le thermomètre ne descendant à 0° qu’au moment des grands froids, et ce pendant un ou deux jours seulement, généralement fin janvier, avant le départ de la végétation. Les gelées printanières ne sont pas à craindre ... En juillet et août, il y fait très chaud : 40 à 45° à l’ombre. C’est grâce à cette chaleur et à l’eau qui, plus tard, coulera en abondance à travers ces milliers d’hectares qu’il est permis de dire que cette région, la moins exploitée du Maroc, est appelée au plus grand avenir. Des plantations importantes d’orangers et d’abricotiers ont déjà été faites. Des vergers de 10, 20, 30 et 50 hectares sont déjà en plein rapport, et les plantations s’accélèrent à une allure record, limitées actuellement, et pour quelques années encore, aux possibilités d’irrigation, en attendant l’ouverture des grands barrages.

L’abricotier dans cette région y prospère tout particulièrement, remarquablement greffé sur l’abricotier du pays appelé Mech-Mech. On le plante en scion d’un an, pour lui donner par la suite la forme gobelet, qui lui convient le mieux ici. On le taille une fois en hiver et, l’été, on lui fait subir deux pincements : l’un en juin, l’autre en septembre. Comme on le voit, il faut que sa végétation soit extraordinaire pour pouvoir supporter ces trois tailles annuelles. Sa fructification est parfaite et régulière. Cette année, dans des plantations bien conduites, des gobelets de trois ans de plantation, donc âgés de quatre ans, ont produit une moyenne de 18 à 20 kilogrammes de fruits par arbre, achetés sur pied par les usines locales 45 francs le kilogramme.

La plantation de ces arbres se fait à intervalles réguliers de 6 X 6 ou 7 X 7, ce qui donne une densité de 250 à 150 arbres à l’hectare. Les frais d’entretien sont pour ainsi dire nuls ; une ou deux irrigations par an suffisent à en assurer la bonne marche. Cette année même, en raison du printemps pluvieux, certaines plantations n’ont pas été irriguées. Les variétés qui ont le plus de vogue sont : Canino, Giletano, Blenheim. Le poids moyen de ces fruits est de 75 à 85 grammes.

Devant la perspective de toutes ces plantations futures, on est en droit de se poser la question suivante : « Comment écouler toute cette production ? » La question est d’avance résolue. De nombreuses usines surgissent annuellement pour absorber celle déjà existante et celle à venir. On y procède à la mise en conserve, à la fabrication des jus de fruit, au séchage, à la fabrication des confitures ; on y traite aussi les pulpes. Dans la région de Marrakech notamment, la production actuelle est absorbée par plus de trente usines. Cette année, des expéditions massives de fruits frais ont été faites sur l’Europe par avion ou par bateau, en empruntant la chaîne du froid. Les meilleurs résultats ont été obtenus, et il est certain que, l’an prochain, les expéditions seront plus importantes.

En résumé, le Maroc sera certainement, dans une dizaine d’années, un pays de ressources inestimables. Beaucoup de métropolitains, d’ailleurs, l’ont compris depuis la fin de la guerre. Que l’on en juge par les immigrations massives de ces dernières années (10 à 12.000 nouveaux arrivants mensuellement). On le comprendra d’autant mieux que Casablanca n’est plus qu’à cinq heures de Paris par avion.

André GAUJARD,

Arboriculteur-pomologue.

Le Chasseur Français N°624 Février 1949 Page 331