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Courrier cynégétique

Sanglier contre camionnette.

— Le 15 août 1949, à la tombée de la nuit, les deux quadrettes de la J. S. A., qui venait de remporter les deux premiers prix du concours de boules de Yakouren, avaient pris place sur une camionnette, et nos boulomanes, tout heureux de leur victoire, devisaient gaîment pendant que le véhicule, les phares allumés, s'engageait sur la descente menant à Azazga. À l'Aïn-Ceur, un énorme sanglier, sorti des bois et aveuglé par les phares, leur barra le passage. Le chauffeur, ne perdant pas son sang-froid, fonça carrément sur l'animal qui passa sous la voiture et fut traîné sur une distance d'une dizaine de mètres environ. Heureux de cette aubaine et à la pensée des jambons et du pâté de tête qui leur étaient gratuitement offert, nos boulomanes descendirent à terre pour retirer leur victime. Malheureusement, le sanglier, qui n'était que légèrement blessé, réussit à sortir de dessous le véhicule et, à grands coups de boutoir, s'en prit à la carrosserie qu'il troua en maints endroits. Ce fut une véritable corrida, et nos braves boulomanes, armés seulement de leurs boules, se précipitèrent comme un seul homme sur la camionnette, leur unique refuge. La bête, déçue de ne trouver plus aucune résistance, prit son élan et disparut dans la brousse. La camionnette, dont la direction avait été faussée, dut être remorquée à Azazga, et nos boulomanes, heureux de s'en être tirés à si bon compte, jurèrent qu'à la prochaine battue ils auraient raison de l'animal.

La région forestière de Kabylie, où la « bagarre » s'est produite, recèle de nombreuses hardes de sangliers, mais leur chasse en est pénible, car les forêts sont denses, à sous-bois fourrés et coupés de peu de chemins praticables. La route d'Alger à Bougie par Tizi-Ouzou, Azazga, Yagouren est la seule route carrossable. Elle connaît un important trafic.

Dr DECHENNE, abonné, Saint-Eugène (Alger).

À propos du faucon pèlerin.

— Le faucon pèlerin, oiseau de haut vol que je qualifierais de noble, est, à mon avis, un oiseau qui devrait être protégé ; il livre bataille aux corbeaux, dont il suit les migrations, et en diminue le nombre en harcelant leurs bandes.

Je l'ai souvent observé aux prises avec des corneilles mantelées et autres. Vers la fin octobre-novembre, un de mes amis, M. L. Salomon, en abattit un au cours d'un violent combat contre trois corneilles mantelées.

L'effectif de ces oiseaux en France semble assez restreint quant aux oiseaux sédentaires, c'est surtout des migrateurs qui nous visitent. J'en ai reçu un, il y a deux ans, tué à Bruille, Saint-Amand (Nord), qui avait été tué à Riga, mais je n'ai pu connaître encore sa date de baguage.

Le faucon pèlerin est excessivement farouche, il vient au grand duc avec une exceptionnelle rapidité et s'éloigne de même.

Il préserve plus qu'il ne détruit.

Le hobereau et la crécelle sont également très utiles. J'ai trouvé des carapaces de doryphores dans un jabot de hobereau, et ceci en très grand nombre.

E. DEWALLE, membre de la Société française d'ornithologie, naturaliste à Anzin (Nord).

Chasse au renard peu banale.

— Un jour de juin dernier, en ouvrant la porte de la ressence de son moulin à huile de Figanière, Mme Émile R ... aperçut, tapi dans les grignons d'un des bassins, un renard de belle taille. Elle referma vivement la porte. Seule en ce moment, et sans arme, elle téléphona à notre bon ami commun, M. Roger G ..., aussi bon fusil que redoutable joueur de boules, pour le prier de venir tout de suite tuer maître Goupil. Un renard au moulin, à quelques portées de fusil du village ! C'était, évidemment une galéjade, et certes Mme R ... n'en était pas à la première ; il s'abstint. Arriva enfin le maître du moulin, qui se procura un fusil, abattit sans peine, il faut bien le reconnaître, le renard et le porta tout chaud encore à notre ami qui n'en est pas encore revenu.

Cette chasse ( !) s'est passée en Provence, dans le Var, ce n'est pourtant pas une « blague ». Si vous croyez, amis chasseurs, que c'est « ésagéré », demandez plutôt à Mme R ..., ou mieux montez aux Chênes, et là, devant une bouteille de rosé comme vous en buvez rarement, Roger G ... vous narrera l'histoire du renard de la ressence.

B. R …, Fayence ( Var).

Exploit d'un doyen.

— M. Daynac, ancien président du Tribunal civil de Gourdon, âgé de quatre-vingt-dix ans, a tué, sans chien, en se servant d'un bâton pour battre les buissons, un lapin et un superbe renard. M. Daynac est un excellent marcheur et monte toujours à bicyclette.

J. MAURY, abonné, Floirac (Lot).

La voracité des aigles.

— Le 6 mai dernier, un garde tirait à Bossuet (Algérie) sur un aigle qu'il eut la chance de désailer, et la malchance de ne pouvoir retrouver. Le lendemain, à l'affût, il abattait le deuxième occupant de l'aire qu'il avait repéré. Il s'agissait cette fois de la femelle, qui atteignait à peu près deux mètres d'envergure.

Après cet exploit, non encore satisfait, il grimpait à l'assaut du nid dans lequel il capturait deux aiglons duveteux, et déjà fort bien armés. Un festin de choix leur était servi : trois perdreaux, deux lapins, un lièvre, à l'état frais, mais trituré par les serres des parents.

Tout autour de l'aire, il ramassait près de deux cents pattes de perdreaux, chiffre d'ailleurs contrôlé par M. Payré de Bel-Abbès.

André SCHAMANN, abonné.

Busard contre Corbeau.

— Il y a quelques jours, au cours d'une de ses tournées, notre sympathique facteur M. Chapignac entendit un bruit anormal dans un fourré de bruyères. S'approchant, il vit un corbeau et un busard se livrant un combat si acharné qu'ils se laissèrent prendre sans difficulté. Le corbeau tenait dans une de ses pattes une patte de busard et ne voulait pas lâcher prise. M. Chapignac parvint à les séparer de force et les emporta chez lui ... Le corbeau mourut le soir même et le busard le lendemain des blessures qu'ils s'étaient faites à coup de bec.

Adrien MASSEBŒUF, abonné, Dunière-sur-Eyrieux (Ardèche).

Les hirondelles étaient en avance ...

— À Grasse, les hirondelles ont tenu conseil le 15 août au soir sur les fils télégraphiques, le lendemain elles avaient totalement disparu de la région. Le temps était pourtant très beau et très chaud, et n'a d'ailleurs pas cessé de l'être depuis cette date. Ce départ des hirondelles a-t-il été général en France ? Quelle peut en être la cause ?

M. BARTHELEMY, abonné, Grasse.

Busards Saint-Martin. Fantaisie ou coutume ?

— Ayant découvert dans une brande un nid de busards Saint-Martin avec quatre petits, j'ai eu à plusieurs reprises l'occasion d'assister à des acrobaties dans leur ravitaillement. La femelle, rousse, croupion blanc, très visible en vol, serait-elle la seule pourvoyeuse de la nichée ? Je n'ai pu, durant mes observations, voir le mâle descendre jusqu'au nid avec une proie. Mais ce que j'ai bien pu voir, c'est que, lorsque ce dernier, de dimensions moindres, arrivant avec une prise, s'annonçait d'un piaillement, la femelle surgissait, répondant à cet appel. Alors, en plein vol, le mâle effectuait une sorte de looping, projetant vers sa femelle située bien plus bas sa capture : passereau, mulot, que celle-ci happait avec une adresse remarquable et s'empressait d'apporter à la nichée, tandis que le mâle, débarrassé, virait promptement et repartait en chasse. J'ai fait remarquer ce tour de force à deux de mes camarades.

Commun dans le Centre, et le Nord de la France, le busard Saint-Martin est fréquent dans nos Pyrénées, où il arrive de mars à avril, pour repartir fin octobre-novembre. Il niche à terre, particulièrement dans les étendues incultes, brandes, bruyères, dans lesquelles il élit en plus remise nocturne pendant son séjour. Il pond de quatre à six œufs, d'un blanc azuré, immaculé ou tacheté de blanc. L'incubation est faite par la femelle seule et dure un mois environ.

Traqueur inlassable de nos plaines, il se nourrit de mammifères et d'oiseaux qu'il capture par surprise au cours de ses randonnées d'un vol rasant, paisible et silencieux. Si le fond de ses captures est fait de rongeurs, voire même de quelques reptiles, il demeure néanmoins l'ennemi redoutable de notre gibier sédentaire, principalement à partir de l'éclosion des jeunes compagnies de perdrix, qu'il décime dans sa zone d'évolutions, autour de la friche, la brande où il possède nichée et remise. C'est d'ailleurs dans cet élément que sa chasse m'est apparue la plus efficace, au crépuscule, après avoir soigneusement repéré les poses de ces nuisibles dans les hautes herbes.

Témoin d'innombrables méfaits de ce rapace, j'estime que tout bon chasseur, société de chasse, pouvoirs publics doivent s'employer de leur mieux à sa suppression.

Henri DEBATS, abonné, Lafitole (H.-P.).

Le Chasseur Français N°636 Février 1950 Page 79