Episode 5X05 : Post-Modern Prometheus

(c) Fox

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Le titre de cet épisode n'est pas vraiment original, mais plutôt référentiel, puisque le "Frankenstein" de Mary Shelley est sous-titré "Le Prométhée Moderne".
Dans la mythologie Grecque, Prométhée était un personnage de la race des Titans, initiateur de la première civilisation humaine. Il déroba le feu du ciel et le transmit aux hommes. Zeus, pour le punir l'enchaîna sur le Caucase, où un aigle lui rongeait le foie, qui repoussait sans cesse. Héraclès finit par le délivrer de cette torture.
Si le titre de cet épisode se réfère à la mythologie, son histoire a tout du conte pour enfant, ne serait-ce que par sa forme (unique épisode d'X-Files en
Noir et Blanc, musique enfantine, forme narrative, ouverture et fermeture du livre au début et à la fin de l'épisode, etc.).

Le problème, ici, est de savoir par où commencer tant cet épisode écrit et réalisé par Chris Carter développe de facettes différentes...
Commençons par l'argument : Les deux agents sont à la poursuite d'un monstre difforme (entre "Frankenstein" et "Elephantman") dans une contrée reculée de l'Indiana. De quoi s'agit-il réellement ?

1°) Une critique de la télévision :

Cette critique se traduit tout d'abord par un constat qui fait aujourd'hui de ce média de masse la référence suprême. Citons au hasard :
SCULLY (reading Shaineh's letter) : I got your name off the TV.
(...)
SHAINEH : you know something you’re not saying, about alien abductions. They said on the "Jerry Springer Show" you’re, like, an expert.
(lisant la lettre de Shaineh) : J'ai connu votre nom grâce à la télé.
(...)
Vous ne dites pas tout ce que vous savez, sur les enlèvements par les extra-terrestres. Ils ont dit à la télé que vous étiez une sorte d'expert.

Ainsi, aujourd'hui on n'est réellement quelqu'un que lorsque l'on est passé à la télé. On observe d'ailleurs que de plus en plus de scientifiques et d'écrivains interviennent sur ce média ; et des oeuvres littéraires qui étaient inconnues du grand public dans leur format d'origine ont connu le succès via le petit (ou le grand) écran...

Je ne sais plus qui a dit que, dans le futur, chacun passerait au moins une fois à la télé...

La critique vise aussi la Trash TV via le "Jerry Springer Show", dont l'animateur, s'il fait preuve dans cette épisode d'une bonne dose d'autodérision, n'en est pas moins inquiétant puisqu'il semble être conscient de la médiocrité de son émission... ( Ce qui quelque part relève de l'intelligence)
Mais Chris Carter fait également son autocritique, puisqu'il dénonce ici ce genre de show, alors que les X-Files utilise également parfois ce genre de monstre (enfant né recouvert de poils ou pourvus d'une queue, vampires, etc.).

2°) Une critique des communautés de l'Amérique profonde :

Scully résume : "Je crois que nous avons à faire ici à un exemple de sous-culture dans laquelle les Talk-shows, les Reality Shows et la presse à scandale servent de référence absolue et ont plus de réalité que la vie réelle, une culture si obsédée par les médias et le désir d'autodramatisation que son seul critère de valeur est l'éclat des projecteurs."

Cet épisode critique donc allègrement les populations de l'Amérique très profonde, dont la nourriture de base se limite au beurre de cacahuète, dont la seule culture vient du "Jerry Springer Show", et dont l'ultime rêve serait de le voir venir dans leur ville où les habitants sont tous plus bizarres les uns que les autres. Ceci fait dire au Docteur qu'il veut fuir "ce désert de conscience".

Mais cet épisode dénonce aussi l'effet de masse qui veut que les gens soient manipulables quand ils sont en groupe (ils veulent aller brûler le monstre, leurs opinions sont très versatiles). Carter y compare d'ailleurs régulièrement les habitants de la ville à des animaux.

3°) Un hymne - très politiquement correct - à la tolérance :

Comme le répète régulièrement le fermier : "il n'y a pas de monstre".
Or, il n'y pas de monstre puisque cet être difforme n'aspire finalement qu'à une vie normale : il veut des amis, il "s'éclate" sur Cher , il pleure la mort de son père qui faisait tout pour le rendre heureux (la télé déforme les têtes des intervenants pour faire croire au "monstre" que tout le monde est comme lui).
Finalement, il est plus humain que les gens "normaux" et il a lui-même une réflexion très juste sur la société...

Mais on peut toutefois regretter que cet hymne à la tolérance soit trop appuyé, ce qui retire un peu de son impact...

4°) Une critique des hommes de science :

C'est bien sûr Mulder - plus intuitif que scientifique qui (s')interroge :
MULDER : Why would you do that ?
Dr. POLLIDORI : Because I can.
Pourquoi faites-vous çà ?
Parce que je sais le faire.

Dans ces deux phrases est résumée toute l'idée de la science, car cet épisode, à l'instar du "Frankenstein" de Mary Shelley, montre que l'homme a une soif de savoir sans limite qui le pousse à toutes les expériences même les plus atroces...
Il
dénonce aussi la folie d'un certain type d'homme, le "savant fou", qui pense plus à la gloire ("que préfères-tu avoir un enfant ou le prix Nobel ?") qu'au bien-être de l'humanité, ceci étant encore accentué par la façon dont est filmé le docteur Pollidori.

5°) La désormais traditionnelle touche humoristique :

En effet, cet épisode recèle encore une fois des trésors d'humour ; ne serait-ce qu'à travers la caricature de la population du village, mais aussi à travers la façon même de filmer, ou encore l'irrésistible journaliste bourrée de tics...
Il est également difficile de résister devant la comédie musicale du "monstre"...

6°) Une pierre à l'édifice des rapports Mulder/Scully : L'épisode conclut sur une danse complice entre Mulder et Scully. Mais il a également d'autres éléments :
Scully demande : "Y-a t'il quelque chose à quoi tu ne crois pas ?"
En effet, Mulder est très ouvert par nature, et pourtant il dit quand même à Shaineh, à propos des enlèvements :
"Je ne sais même pas si je crois encore à toutes ces histoires..."
Mulder ne sait donc plus comment se positionner ; peut-être à cause des révélations de Gethsemane, Redux I et Redux II ?

Il y a enfin une image intéressante à la fin de cet épisode montrant Mulder, Scully et le "monstre" dans une voiture. En voyant ce tableau on ne peut s'empêcher de penser à une petite famille, surtout avec le monstre entre Mulder et Scully à l'arrière...
Ainsi, les fruits de l'amour de Mulder et Scully ne pourraient être que monstrueux, parce qu'issus d'un homme qui croit en tout et d'une femme cartésienne (on peut également avoir une autre vision, qui corroborerait une rumeur selon laquelle Mulder et Scully seraient frère et soeur, ce qui expliquerait l'impossibilité inconsciente pour eux de conclure, car, si cela venait à arriver, la consanguinité aurait peut être des conséquences...)

En conclusion, je trouve que tous ces éléments font de cette histoire un excellent épisode loufoque qui aurait pu conclure les X-Files ...

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The Great Mutato

Noir et Blanc : Je crois que c'est aussi pour rendre hommage à Bela Lugosi et aux autres acteurs des films d'horreur des débuts du cinéma.

Qui a dit : Je crois que c'est Marshall MacLuhan ou Andy Warhol qui a dit que chacun connaîtrait un quart d'heure de célébrité médiatique.

Intelligence : Je parlerais personnellement d'opportunisme et de cynisme. "Je fais de la m... mais ça rapporte, alors pourquoi s'en priver ?"

Le fermier : comme le chauffeur de l'autocar scolaire qui déclare qu'il en a assez des remarques racistes et qu'il n'y a plus ni noirs ni blancs dans son véhicule. Tout le monde est bleu. Avant d'ajouter : "Les bleus clairs montent devant et les bleus foncés derrière."

Dénoncer la science : Quand Carter fait la morale aux petits enfants, il donne la parole à Scully :
SCULLY : Mulder, even if they could, no scientist would even dare to perform this kind of experiment on a human.
MULDER : Well, then why do them at all ?
SCULLY : To unlock the mysteries of genetics, to understand how it is that even though we share the same genes we develop arms instead of wings. We become humans instead of flies or monsters.
MULDER : But, given the power, who could resist the temptation to create life in his own image ?
SCULLY : We already have that ability, Mulder. It’s called "procreation."
Mulder, même s'il le pouvait, aucun scientifique n'oserait ne serait-ce que tenter ce genre d'expérience sur un être humain.
Alors, à quoi bon les faire quand même ?
Pour découvrir les mystères de la génétique, pour comprendre comment il se fait que, bien que nous ayons les mêmes gènes, nous avons des bras au lieu d'avoir des ailes, nous devenons des humains et non des mouches ou des monstres.
Mais avec un tel pouvoir, qui pourrait résister à la tentation de créer la vie à sa propre image ?
Nous avons déjà cette capacité, Mulder. Cela s'appelle la "procréation".

Peut-être : surtout parce que "si l'on a l'air aussi c... que Shaineh lorsqu'on croit aux extra-terrestres, alors il vaut mieux ne pas y croire", se dit Mulder.

Les fruits/feux de l'amour : Je pencherais plutôt pour la première hypothèse : Mulder et Scully sont en accord parfait du moment qu'il s'agit... de monstres justement (et/ou de phénomènes paranormaux) ; mais dans la vie ordinaire ils sont effectivement totalement opposés (cf. la vie qu'ils mènent à Arcadia)

Conclure : Dans ce cas je m'achète un billet pour L.A. et je vais moi-même flinguer Chris Carter pour foutage de gueule intégral... Ce conte pour enfants pue tellement les bons sentiments et la moralisation qu'il en est presque louche. Refermons donc vite ce livre poussiéreux que Carter aurait mieux fait, à mon avis, de ne pas ouvrir. Heureusement, il n'a pas perdu toute autodérision :
MULDER : Well, where’s the writer ? I want to speak to the writer. Bon, où est l'auteur ? Je veux parler à l'auteur.

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