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Pour illustrer cette
métamorphose des tourbillons spiralant associés en tourbillons
ronds tournant isolément, nous donnons une reproduction de deux
simulations numériques.
è
[autre fenêtre] L'une est la simulation des tourbillons
qui se forment dans l'air à l'entrée d'un réacteur
: les tourbillons continuent encore à s'enchaîner dans des
spirales qui se dessinent entre l'un et l'autre, mais leur noyau est déjà
un disque autonome qui tourne sur lui-même. [cliché E.
David, LEGI-Dassault]
è
[autre fenêtre] Dans l'autre la structure commune a presque
complètement disparue, et seules des amorces de spirales servent
encore à chaque noyau isolé pour échanger son fluide
avec les autres. [cliché M. Farge, Paris- version en noir et
blanc ci-dessous]
Il importe de bien
sentir la différence entre ce paradoxe et le paradoxe "continu /
coupé" qui caractérisait le fonctionnement du fluide ou de
la société à l'étape
précédente :
- être coupé ce n'est pas exactement être indépendant,
car dans la coupure on insiste sur le fait que l'on est séparé
des autres, alors que dans l'indépendance on insiste sur le fait
que notre fonctionnement interne marche tout seul.
- de la même façon, être continu ce n'est pas exactement
être relié, car dans la notion de continu on insiste sur le
fait que la société forme une dynamique d'ensemble qui passe
de façon ininterrompue de l'un à l'autre des individus qui
la constituent, alors que dans la notion de relié il y a seulement
l'idée que cela entre et sort de nous. On est lié à
une attache, mais nous ne sommes pas pour autant directement attachés
à une autre personne précisément repérable.
Cette modification
du paradoxe est de la même nature que la modification du fonctionnement
de la dynamique : dans l'allée de von Karman chaque spirale est
directement attachée à deux autres spirales, tandis que les
tourbillons isolés ne sont pas attachés directement les uns
aux autres. Cela a une influence sur leur dynamique réciproque :
les spirales qui s'enchaînent sont encore très interdépendantes
l'une de l'autre et dépendantes de la régularité de
leur structure d'ensemble, tandis que les noyaux circulaires isolés
fonctionnent par échange avec leur environnement immédiat,
sans que la structure d'ensemble ait grande importante pour eux. Quand
l'une des spirales d'une allée de von Karman veut se gonfler, se
rétrécir ou s'éloigner de la bande, il en résulte
une réaction immédiate de toutes les autres spirales alentour
qui empêchent cette évolution, tandis que dans une nappe de
tourbillons à noyaux circulaires, l'un peut gonfler, se rétracter
ou se déplacer, sans que les noyaux du voisinage aient une capacité
significative de réagir et de contrer cette transformation.
Une société
liée / indépendante
Un mot maintenant
sur la société occidentale réelle, et non plus son
dynamisme envisagé abstraitement. À quel phénomène
historique repérable peut-on associer ce gonflement de chaque tourbillon
sur lui-même au détriment de la structure d'ensemble ? Comme
pour le liquide, on peut raisonner en terme d'accentuation du mécanisme
précédent, et rechercher si les nationalismes précédemment
ressurgis et qui ne sont plus bridés par la nécessité
de rester dans un rapport équilibré avec leurs voisins, ont
eux aussi fait gonfler chaque nation au détriment de la régularité
de l'interdépendance des économies ? Comment expliquer autrement
le ressurgissement de l'Allemagne et son regonflement avant le début
de la seconde guerre mondiale, son mouvement d'annexion progressive de
tous les pays voisins dans l'enthousiasme des populations allemandes qui
s'y trouvaient et qui ne rêvaient que de s'incorporer dans le Grand
Reich en train de gonfler ? Mais on peut tout aussi bien associer à
ce phénomène l'incorporation toujours plus profonde de l'économie
et de la culture des colonies dans le cycle interne à l'économie
et à la culture de chaque pays bénéficiant d'un empire
colonial, l'Angleterre et la France en premier rang. On peut y associer
aussi la tentative d'autres pays, tels l'Italie, de se gonfler en constituant
à leur tour un empire colonial et annexant pour cela l'Éthiopie,
ou du Japon annexant la Chine.
Mais ce n'est pas
seulement la seconde guerre mondiale qui résulta de cette tendance
de certaines nations à grossir au fur et à mesure que leur
dynamique propre s'emballait, la guerre froide qui suivit fut aussi le
résultat de la tendance des deux blocs qui s'étaient formés
à grossir au détriment de l'autre, en annexant dans leur
giron le maximum de nations, ou en s'efforçant d'empêcher
qu'elles ne basculent dans la "sphère d'influence" de l'autre. Que
l'on parle de sphères d'influence ou de tourbillons qui tournent
en rond sur eux-même, ne parle t'on pas fondamentalement du même
genre de dynamique ?
Il y a un autre aspect
caractéristique qui résulte de ce genre de dynamique, mais
qui concerne cette fois l'évolution interne : on n'est plus au stade
de la spirale qui s'arrange pour imbriquer harmonieusement et en douceur
ses contradictions internes, on est au stade du tourbillon circulaire où
toutes les contradictions sont effacées pour que cela tourne impeccablement
rond, et les seules différences qui subsistent sont celles qui ont
trait à la proximité plus ou moins grande du centre du tourbillon.
Et pour que cela tourne rond, il n'y a pas des tas de solutions, il faut
que tout ce qui fait contraste soit laminé ou éjecté.
Cela aussi on l'a vu dans la dynamique sociale de cette époque :
les juifs, les tziganes et quelques autres peuples un peu trop "différents"
en ont fait l'expérience, et pas seulement en Allemagne, mais dans
presque tous les pays d'Europe, y compris en Russie.
Pendant la guerre
froide qui suivit la seconde guerre mondiale, la chasse aux sorcières
communistes dans l'Amérique maccarthyste, et la chasses aux vipères
capitalo-trostkistes dans l'URRSS stalinienne, ressortaient du même
besoin d'éjecter du fonctionnement interne toute personne susceptible
d'entraver l'uniforme régularité de ce fonctionnement. Ce
besoin de laminer était d'ailleurs tellement inhérent au
fonctionnement social, que dans les deux cas il fallut inventer de toutes
pièces de tels suppôts supposés vendus au camp adverse
. . . pour avoir suffisamment à éjecter.
On ne pouvait passer au dessus de ces aspects
déplaisants qu'a revêtu le fonctionnement de la société
occidentale à un moment donné du développement de
son organisation, mais qui tout bien pesé ne sont pas plus déplaisants
que les Saint-Barthélémy des guerres de religions, la Terreur
de l'époque révolutionnaire, les guerres Napoléoniennes,
ou la Terreur blanche de l'époque post-napoléonienne . .
. tout cela pour ne parler que de la France.
Traduction
dans l'art et la musique du paradoxe "lié / indépendant"
Pour une raison que
nous expliquons ailleurs [ F
voir cette explication] ce n'est qu'à l'étape suivante
de l'évolution de la société que ce paradoxe sera
le paradoxe caractéristique de l'architecture. Du fait de la transformation
de plus en plus rapide de la société, ce fonctionnement commence
à s'installer avant même que le précédent n'ait
eu le temps de se généraliser, de telle sorte que les artistes
qui correspondent à des étapes successives de la complexité
se retrouvent en fait parfaitement contemporains. Pour cette raison pendant
plusieurs étapes nous avons affaire à des artistes qui sont
habituellement classés ensemble dans le "mouvement moderne", ce
qui était déjà le cas lors de nos deux dernières
étapes.
è
architecture deux exemples d'architectures
qui fonctionnent en lié / indépendant :
Le Corbusier : maisons à Pessac
Niemeyer : la Cathédrale de Brasilia
(cet exemple est analysé plus complètement dans la
brève histoire de l'art)
è
musique les expressions
caractéristiques de cet effet
Et l'architecture
de la société qui fonctionne de façon "liée
/ indépendante" ?
Comme indiqué
au début du paragraphe précédent, le paradoxe en jeu
dans l'architecture d'une époque est toujours en retard d'une étape
sur l'évolution des paradoxes en jeu dans la dynamique même
de la société.
La dynamique précédente
de la société était fondée sur le paradoxe
"continu / coupé", c'est donc ce paradoxe qui fonctionne dans l'architecture
des architectes qui vivent dans une société qui fonctionne
de façon "liée / indépendante".
On peut :
è
aller voir l'explication de la cause de cette situation paradoxale "continue
/ coupée"
è
voir directement des exemples de l'architecture "continue / coupée"
qui forme ce que nous appellerons par commodité l'Art Moderne -2-
(Eero Saarinen : terminal TWA à New York Idlewild
et Mies Van der Rohe : la Villa Tugendhat à Brünn)
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