Cathy et Jean-Louis | Galice |
Vendredi 25 juillet au 22 août 2012 |
Jean-Louis et moi découvrons la Galice tranquillement, en marchant, ce qui nous permet de faire des rencontres intéressantes. J'ai consulté avant de partir en voyage le site Internet de la province sur lequel j'ai vu les nouveaux parcours pédestres récemment créés pour faire découvrir le pays autrement qu'en suivant les chemins du pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle. J'ai ainsi choisi quelques points de chute où nous nous rendons par train ou bus. Après un transit rapide depuis Irun par Leon, Ponferrada et Ourense, nous entrons dans le vif du sujet avec le "Parque Natural Baixa Limia-Serra do Xurés", un nom aux sonorités déjà portugaises, bien que les Galiciens s'en défendent, puisqu'il jouxte le parc naturel Peneda Gerès situé de l'autre côté de la frontière et qui en est le (très grand) prolongement. - Photo : Signalétique de la Via Nova (près de Lobios). -
Notre premier "camp de base" est situé à Lobios, un village encadré de montagnes pas très hautes d'où s'écoulent une multitude de cours d'eau. Près de là, à Os Baños, une source d'eau chaude (Rio Caldo) est exploitée dans une station thermale au bâtiment pompeux mais en meilleur état et bien moins lugubre qu'aux Eaux Bonnes ou Eaux Chaudes de nos vallées pyrénéennes. Apparemment, il y en a beaucoup dans la région. Lors de notre escale à Ourense, nous avons fui la ville surchauffée qui nous paraissait au premier abord bien moins accueillante que Leon et Ponferrada, laide et trop peuplée. Sur la Plaza Mayor, nous avons pris (un peu honteux) le petit train touristique, une faiblesse que nous avons expiée en supportant l'inconfort sur les pavés et les voies cimentées irrégulières de wagons dépourvus de suspensions. Il nous a emmenés nous détendre dans les bassins d'eaux thermales qui ponctuent la rive droite du rio Miño, testant d'abord la station la plus éloignée, située à quelques kilomètres du centre ville. - Photo : Bassins extérieurs d'eau thermale (Ourense). -
Insérés dans un petit parc arboré, ils ont été spécialement aménagés en cercles de rochers à l'air libre qui recueillent l'eau chaude des profondeurs, tempérée par un peu d'eau froide, car sinon nous nous brûlerions ! Un employé pointilleux à l'extrême surveille que chacun passe bien sous la douche pour préserver la propreté des lieux, et il empêche même Jean-Louis de lire au bord, de peur que son livre ne tombe à l'eau et ne la pollue ! Il plonge régulièrement un thermomètre dans chaque bassin, car la température des eaux qui remontent des profondeurs terrestres varie en permanence, je crois, et il faut tenir compte du soleil qui tape dur et n'a pas de peine à réchauffer ces piscines peu profondes. Nous avons alterné avec une trempette dans la rivière bien plus fraîche, c'était génial ! En retournant en ville à pied, nous avons vu une source d'eau thermale différente (El Tinteiro), relativement tempérée (43°C), mais aux vertus médicinales avérées, en raison de sa teneur particulière en sels minéraux. Elle soigne principalement les problèmes de peau de gens malades, brûlés ou blessés, d'après les dires d'un employé de la ville qui fait une pause à l'ombre avec un collègue. Ravigorés et dans de meilleures dispositions, nous nous sommes rendus dans le centre ville où nous avons effleuré prestement l'eau de la source qui jaillit de la fontaine As Burgas, tout près de la Plaza Mayor : elle "fume" tant elle est brûlante, et il faut passer la main très rapidement pour tester sa température, je crois qu'elle monte à 70°C ! Les minéraux dont elle est chargée se déposent en couches colorées depuis l'année de sa construction : il va finir par y avoir une stalagmite ! Juste à côté, dans un cadre bien plus urbain, une piscine à ciel ouvert offre aux citadins moyennant une petite obole la possibilité de s'immerger à des horaires très espagnols, en fin de matinée et le soir, jusqu'à 11 heures. - Photo : La fontaine d'eau thermale chaude As Burgas à Ourense. -
A Lobios, notre première visite a été pour le centre d'interprétation du parc naturel où une jeune femme nous a indiqué les circuits balisés dans les montagnes alentour. Le problème, c'est que les points de départ étaient tous situés à quelques kilomètres de la ville, et que nous étions à pied. Choisissant le plus proche, il a fallu démarrer en marchant le long de la route qui mène au Portugal, dur-dur ! Elle n'est pas très fréquentée, sillonne en pleine campagne et dans la forêt, mais nous n'avons pas hésité à la quitter très vite, dès que j'ai reconnu le nom de la Via Novasur un poteau. L'employée ne nous en avait pas parlé, mais c'est la situation du village sur son parcours qui avait motivé mon choix de cette première destination. Il s'agit de l'ancienne route romaine d'Antonin qui reliait Asturica Augusta (Astorga) à Bracara Augusta (Braga, Portugal), dont il ne reste que quelques petits tronçons, mais dont le parcours a été reconstitué et transformé en sentier de randonnée. Nous avons ainsi bifurqué et coupé par ce chemin bucolique et odorant tracé à mi-pente, alors que la route actuelle passe par le fond de la vallée. Abominablement mal signalé avec très peu de poteaux indicateurs, mal placés de surcroît, il nous permet de passer par une voie absolument déserte (en ce qui concerne les humains), mais emplie d'un bruissement et bourdonnement permanent que nous n'avions pas entendu depuis fort longtemps. La nature semble avoir apprécié la déprise agricole et les insectes en tous genres prolifèrent au-dessus des ajoncs, genêts et bruyères en fleurs. Je ne sais où donner de la tête tant il y a de papillons de toutes les couleurs et de libellules bleues, dorées, tigrées. - Photos : Portion de la Via Nova (Lobios). - Très petite grenouille (Via Nova, Lobios). -
Les apiculteurs l'ont aussi remarqué et ils disposent leurs ruches à portée de cette manne, près des hameaux. Par contre, nous retrouvons avec plus de déplaisir l'insistance des mouches et moucherons qui aimeraient s'abreuver à la sueur de notre visage, aux humeurs de nos yeux ou de nos narines, quitte à plonger dans notre bouche sans crier gare ! Heureusement, il n'y a pas de taons, puisqu'il n'y a plus de bétail dans les prés. Dans une grande flaque du sentier alimentée par un filet d'eau permanent se trouvent quantités de petites grenouilles qui plongent instantanément dans la vase et nous donnent l'impression d'avoir rêvé ce mouvement fugace tant elles y demeurent longtemps immobiles et invisibles. - Photos : Flambé (Iphiclides podalirius) ou Voilier blanc (Iphiclides feisthameli) ? (Noia) - Ci-dessous : "Lili la Tigresse", libellule (Cordulégastre ?) au "décollage" fulgurant et au vol très rapide. -
A proximité de Os Baños, la Via Nova longe une villa romaine "Aquis Originis" au soubassement de pierres, dont les vestiges intérieurs montrent que le sol était chauffé grâce à un "hypocaustum", système de chauffage thermal privé composé d'une chaudière (praefurnio) alimentée inialement en eau thermale brûlante qui réchauffait l'air enfermé dans un volume dessiné par un alignement de sept arches en briques supportant le sol suspendu formé de dalles de céramique de 60 cm de côté sur lesquelles était disposé le pavement. Plus loin près d'un pont, nous trouverons un ensemble de minces colonnes romaines cylindriques sans chapiteau ("los miliarios") qui ponctuaient la route tous les mille "passus" (double pas romain), chaque "milla romana" équivalant à 1481 mètres. Le tronçon de voie romaine que nous voyons sur notre trajet est remarquablement bien construit avec un solide pavement de grosses pierres traversé de loin en loin par un système d'écoulement des eaux de pluie pour éviter le ravinement . - Photo : Maison romaine Aquae Originis. -
Le son rafraîchissant du rio Vilamea monte d'un ravin au fond duquel nous apercevons depuis notre Via Nova une belle cascade et des vasques magnifiques, bleues, vertes ou blondes qui nous attirent comme un aimant. En le rejoignant par une descente un peu escarpée et acrobatique dans les ajoncs, nous constatons que nous débouchons juste sur le petit pont situé à l'extrémité amont du circuit des "Muiños" (mot galicien équivalent à "molinos" en espagnol) que nous nous proposions de découvrir. En descendant sur la rive gauche vers le point de départ "officiel", nous voyons une enfilade de petits moulins situés de part et d'autre du torrent. Aujourd'hui désaffectés, ils ont été joliment restaurés grâce à un financement de la province, avec un toit de chaume, de bois ou de pierre. Ils fonctionnaient grâce à un système ingénieux de rigole de pierre maintenant à peine visible (le chemin latéral où nous circulons) qui déviait une partie du courant et se terminait par un puits de quelques mètres par lequel l'eau chutait sous le petit bâtiment, de manière à actionner la roue horizontale qui entraînait dans sa rotation la paire de grosses meules à l'étage supérieur. Le grain stocké dans un entonnoir se déversait entre les deux pierres par un orifice central. Nous faisons halte pour nous baigner dans ce cadre naturel somptueux. Les pierres granitiques blondes ou grises lissées par le torrent émergent d'une végétation mélangée, moitié méditerranéenne, moitié atlantique. Les Espagnols y ont ajouté l'eucalyptus d'Australie dont certains arbres atteignent des proportions remarquables et dominent les chênes et les pins d'une bonne dizaine de mètres, si ce n'est vingt. Avec le soleil radieux, grand bleu, chaleur et brise légère, tout embaume et prend un air de paradis terrestre. - Photos : Cascade et moulin (Circuit des Muiños, Lobios). -
Partout, des murets de pierres sèches bordent les chemins et quadrillent le paysage qui garde ainsi la mémoire des anciennes terrasses et limites de propriétés, malgré l'envahissement des broussailles et le désordre engendré par les troncs qui s'enracinent à leur base et descellent les pierres. Nous sommes étonnés devant la taille de certains blocs qui n'ont pas pu être déplacés par une personne seule. C'est l'indice d'une société communautaire qui perdura pendant des centaines, et voire même des milliers d'années. Le "Museo do Pobo Galego" (du peuple galicien) de Saint Jacques de Compostelle, très bien conçu et fort intéressant, décrit un monde à l'organisation très proche de celle du peuple basque analysée dans le livre de Claude Labat "Libre parcours dans la mythologie basque, avant qu'elle ne soit enfermée dans un parc d'attractions". Cette société si stable, qui a su perdurer alors que d'autres peuples européens basculaient dans le capitalisme industriel, a été taxée d'immobilisme par ceux-ci, estimant que cette mentalité paysanne - ou villageoise - était dépourvue de culture, d'éducation, de savoir et seulement vouée à la routine et la superstition. - Photo : Moulins (roue et meules) du circuit des Muiños, Lobios. -
Le musée met en exergue au contraire tout un système de valeurs qui permettait à ce peuple de s'autosuffire avec quasiment pour seules sources d'énergie le bois et les forces animales et humaines. Il vivait en parfaite adéquation avec son environnement, condition de sa survie sur le long terme. Les villageois s'unissaient pour les travaux saisonniers. Périodiquement étaient organisées des foires commerciales et des fêtes religieuses, ce qui n'excluait pas les festivités laïques qui multipliaient les occasions de rencontres entre les diverses communautés. Le musée met en évidence la conception d'un temps cyclique, au contraire de la flèche du temps et de l'idée de progrès qui lui est associée dans notre mode de pensée actuel. Le choc de cultures qui a bouleversé cet ordre établi à partir des années 1960 est parfaitement décrit dans un très beau style, avec quelques portraits peints au vitriol, par Laurie Lee dans son livre "Un beau matin d'été". Il s'agit d'un récit autobiographique où il relate, trente ans plus tard, le souvenir de son périple de jeune Anglais de 20 ans qui parcourt à pied l'Espagne en 1935-1936. Bien qu'il soit lui-même d'extraction villageoise et paysanne, il dit son étonnement devant le "retard" de ce pays qui lui semble encore vivre comme au Moyen-Age. Un témoignage un peu plus ancien, savoureux et plein de verve, est rapporté par Lev Trotski, expulsé de France vers l'Espagne en 1916, où il est arrêté sous le prétexte fallacieux que les autorités françaises l'ont désigné comme un dangereux fauteur de trouble potentiel. Dans son petit recueil intitulé "Mis Peripecias en España", il rapporte que les policiers lui disent qu'il a des idées "trop avancées" pour l'Espagne, raison pour laquelle il va être de nouveau expulsé vers une autre destination. Lors d'un séjour à Istanbul en 1929, il réunit ses notes en un petit recueil immédiatement traduit en espagnol, et qui vient juste d'être réédité en 2012 dans cette langue et illustré de façon très humoristique par K. Rotova. Il donne une image fort différente de celui qui fut président du soviet de Petrograd lors de la révolution russe de 1905, et qui sera le principal dirigeant, avec Lénine, de la révolution d'Octobre (1917), l'un des vainqueurs essentiels de la guerre civile russe de 1918-1921, ainsi que l'un des plus importants dirigeants du nouveau régime bolchevik. - Photo : Moisson en Galice, Museo do Pobo Galego, Santiago. -
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