Cathy et Jean-Louis
Galice
Vendredi 25 juillet au 22 août 2012

Une autre expérience m'a particulièrement impressionnée. Il s'agit de la procession à laquelle nous avons assisté à Baiona qui était en fête durant notre séjour. Elle figurait au programme affiché sur la place de la mairie où l'harmonie municipale composée de musiciens de tous âges offrait un concert sympathique. Le soir venu, nous n'y pensions plus, occupés à chercher un restaurant pour le dîner, lorsque nous nous sommes trouvés sur une place près d'une église où beaucoup de monde était rassemblé, visiblement en attente d'un événement. Des hommes en chemise et chaussures blanches, pantalon noir ceinturé de rouge (sauf un homme tout en blanc), armés d'une longue épée fine, discutaient avec les gens. A cause de leur costume, nous nous demandions si des vachettes allaient être précipitées dans les rues, mais non, il s'agissait de danseurs qui allaient clore la procession par une danse spéciale, le clou du spectacle attendu par tous. Nous avons pensé à aller manger dans l'intervalle, mais, saisis par l'ambiance, nous avons suivi la procession tout au long des rues de la vieille ville avant de revenir au point de départ où un espace avait été aménagé devant l'église, encadré par les gens qui avaient préféré demeurer là pour être en bonne place. - Photos : Graine d'eucalyptus fraîche. - Poissons des Iles Cies. -

Je suis en train de déguster à petite dose pour mieux le savourer le livre de Gonzalo Torrente Ballester, "Compostela y su angel", qui allie le lyrisme et la poésie à une grande culture aussi bien religieuse qu'historique, pour retracer la fondation et l'évolution de la ville de Saint Jacques de Compostelle. Dans un paragraphe où il tente de faire comprendre au lecteur actuel les motivations de l'homme médiéval qui le poussaient à quitter sa maison et tout abandonner pour partir en pèlerinage, il fait un parallèle intéressant entre la notion de "pecado mortal" (péché mortel) et celle de "complejo psicologico" (complexe psychologique), alléguant que l'homme médiéval aurait ri aux larmes à l'idée qu'un médecin puisse le délivrer de ses péchés. - Photos : Documentation - Un danseur de la procession de Baiona. -

C'est en effet dans le Moyen Age que nous avons eu l'impression de plonger, très impressionnés par la mise en scène de la procession. D'abord au milieu d'un complet silence, les enfants de choeur se sont mis gravement en marche. Revêtus d'une aube blanche, ils étaient suivis par un "simple d'esprit" que nous avions déjà remarqué lors du concert de l'après-midi. Au centre, encadré de deux porteurs de lanterne, le plus jeune tenait un long bâton au bois travaillé qui se terminait par une croix métallique. Juste derrière, la Vierge visitée par l'Ange figurait sur un grand étendart brodé dont deux garçons en habits de marin tenait les cordons à glands. Puis trois filles avançaient, toutes de blanc vêtues, leurs cheveux coiffés en chignon pour soutenir la coiffe noire traditionnelle prolongée d'un long voile de dentelle, noir également, qui retombait sur leurs épaules et dans le dos. Ensuite des femmes, parées de leurs vêtements noirs les plus chics, assortis de la haute coiffe et du voile, étaient suivies de deux petites filles en robe de mariée tenant un bouquet de fleurs, puis de deux autres en aube blanche où était accrochée une paire de grandes ailes vaporeuses d'ange. - Photos : Procession de Baiona. -

Egalement emprunts d'une grande solennité dans leur allure et leur maintien, un groupe d'hommes portait en se relayant un lourd brancard surmonté d'un volumineux coussin entièrement piqué de roses blanches, où se dressait la vierge accompagnée d'un petit ange juché au sommet d'une colonne avec, à ses pieds, un bateau. La procession se poursuivait avec des fidèles, hommes et femmes, un policier très occupé avec un talkie-walkie, deux prêtres en chasuble blanche brodée d'or, des couples avec les épouses sur leur 31, chaussures à talon haut, jupe parfois bien courte et coiffe traditionnelle, suivis des danseurs. L'ensemble de ces participants, jeunes et adultes, affichait un grand sérieux, qui se propageait à travers la foule des spectateurs. Tout d'un coup, le silence fut rompu par l'orchestre que nous avions écouté l'après-midi, mené par son chef. Nous n'avons d'abord entendu que les tambours, frappés sur un rythme lent et solennel, inquiétant même, sur lequel se réglaient tous les pas, la Vierge se balançant en mesure. C'est à ce moment-là qu'a véritablement débuté la procession, dans une ambiance grave, dramatique, véritable supplique adressée au Ciel et à la Madonne dont l'effigie, sortie de son réceptacle dans l'église, était présentée aux fidèles et sillonnait les rues de la ville. Puis ont éclaté les cymbales et les cuivres. Pour faire bonne mesure, au moment où la procession passait en contrebas de l'église après avoir viré sur la place pour pénétrer dans la rue la plus proche, un servant se mit à actionner à toute vitesse le battant d'une cloche dont le son domina largement la musique humaine, assourdissant le sonneur par la même occasion. Un goéland, juché au sommet du clocher, ne bougea pas une plume, certain de se venger cette nuit en criant une fois que tous ces humains se seraient endormis. - Photos : Procession de Baiona. -

Finalement, peu de fidèles ont effectué le parcours à pied qui durait plus d'une heure. Ils attendaient la danse. Avec cette bruine qui tombait par intermittence, il faisait quasiment noir lorsque nous sommes revenus. Sitôt posé le lourd fardeau, les prêtres se sont postés près de nous et le danseur au tambourin est venu leur baiser la main avant d'entraîner les autres dans une ronde effrénée, chacun tenant la pointe de l'épée du suivant. Se postant en dernier, bien reconnaissable avec sa tenue barrée d'un ruban rouge et or, il faisait office de bouffon. Tout en courant comme un dératé en bout de file, il maniait son tambourin dont il ne manquait pas, une fois ou l'autre, de frapper un jeune spectateur, une jolie femme, ou même le prêtre ! Tout le monde riait aux éclats et soulignaient de leurs applaudissements nourris les figures virtuoses effectuées par les danseurs, évoluant pour dessiner des compositions du genre de celles des ouvertures de jeux olympiques, passant dessus, dessous, se croisant pour former des couloirs, des croix, des orbes en tous sens. D'un dynamisme communicatif, ils ont couru presque tout du long, malgré l'âge avancé de certains danseurs, et la prestation s'est conclue par une immense ovation. Nous étions épuisés ! - Photos : Clocher de Baiona et danse à l'épée. -

Que dire de plus, sinon que nous n'étions pas partis que nous souhaitions déjà revenir en Galice ! Nous n'avons fait que butiner, de ci, de là, récoltant des impressions, tempérées par la variété des sites visités qui nous empêchaient de rester sur une opinion définitive. Ce qui nous a paru le plus difficile, c'était de nous mettre au rythme espagnol, et ne pas espérer dormir avant minuit bien sonné. De retour en France, nous sommes décalés et n'arrivons plus à nous réveiller le matin... Notre plus grand étonnement, c'est d'avoir vu le soleil se lever sur la mer !!! Nous ne devions pas être les seuls à être plongés dans une perplexité sans nom, car sur la promenade, la municipalité de Foz a fait peindre une grande rose des vents. De quoi en perdre le Nord ! - Photos : Envol (Baiona) - Rose des vents (Foz). -

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PHOTOS Leon Ponferrada/Ourense Lobios Noia Noia (suite) Santiago Pontedeume Cedeira Foz Ribadeo