Episode 8X16 : Three Words / Confiance

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Une fois n'est pas coutume, le titre français est aussi bon que le titre anglais. "Three Words" fait référence au mot de passe recherché pendant une bonne partie de l'épisode ; et "Confiance" fait référence aux relations Mulder/Scully, Mulder/Reyes, Mulder/Doggett, Scully/Doggett, Reyes/Doggett, etc.
Cet épisode très réussi met en place beaucoup de choses, tant au niveau de la mythologie qu'au niveau des personnages.

1°) Le grand retour de Mulder :

Il suffit d'une réplique pour que nous sachions que notre agent favori est de retour parmi les vivants. Contrairement à Billy Miles (voir 8X15 DeadAlive) il n'est pas devenu un "zombie". D'une façon assez similaire à 2X17 End Game, c'est une thérapie non-orthodoxe qui l'a sauvé. Skinner a débranché ses machines et le virus extra-terrestre n'a pas été assez fort pour survivre au traitement antiviral. Scully et le Dr. Lim entrent dans sa chambre pour lui annoncer son complet et quasi miraculeux rétablissement :

SCULLY: Whatever neurological disorder you were suffering from, it's no longer detectable. After a course of transfusions and antivirals it has rid your body of the virus that was invading it. The scars on your face on your hands, on your feet, on your chest, they, they seem to be repairing themselves.
(MULDER touches the scars self-consciously.)
SCULLY: Mulder, you are in perfect health.
MULDER: (not sounding thrilled) Wow.
DR. LIM: How do you feel, Agent Mulder?
MULDER: Like Austin Powers.
Quelque soit le désordre neurologique dont tu souffrais, il n'est plus détectable. Une série de transfusions et d'antiviraux a débarrassé ton corps du virus qui l'envahissait. Les cicatrices sur tes mains, sur tes pieds, sur ta poitrine semblent se réparer d'elles-mêmes.
(Mulder touche ses cicatrices inconsciemment.)
Mulder, tu es en parfaite santé.
(Il n'a pas l'air renversé.) Ouah !
Comment vous sentez-vous, Agent Mulder ?
Comme Austin Powers.

Ceci n'est que le début d'une longue série de mulderismes dont nous avions perdu l'habitude. Mais ne nous y trompons pas, le charme est rompu. Mulder a été changé par l'expérience traumatisante qu'il a vécue. Les tortures insoutenables, la "near death expérience", le retour à la vie en ont fait un être déboussolé et distant :

MULDER: I'm sorry. I don't mean to be cold or ungrateful. I just... I have no idea where I fit in. Right now. I just, uh... I'm having a little trouble... processing... everything. Je suis désolé. Je ne veux pas paraître froid ou ingrat. C'est juste que je... Je ne sais plus où j'en suis. En ce moment précis. Je... J'ai un peu de mal à... assimiler... tout ça.

2°) Le mal de vivre de Mulder :

Ainsi, si Mulder affiche un bilan de santé physique exceptionnel, il en va autrement de son bien être psychique qui reste très marqué par les expériences dont il a été l'objet. Et de ce fait, Mulder va se trouver incapable de donner à Scully ce qu'elle attend ,ce qui transparait très nettement dans une scène exceptionnelle.
Mulder rentre enfin chez lui, précédé par Scully - qui affiche un ventre de plus en plus arrondi - tels de jeunes parents ( Notons que c'est Scully qui, malgré son état, porte le sac de Mulder... Elle aura vraiment tout assumé jusqu'au bout ) ... La tension est forte à ce moment entre Scully qui cherche à parler sérieusement à
Mulder et ce dernier qui fait tout pour reculer l'inéluctable explication. En effet, c'est la première fois depuis la résurrection de Mulder qu'ils se retrouvent tous les deux, sûrs de ne pas être dérangés. Alors, pour détendre l'atmosphère on parle de chose et d'autres ( l'appartement rangé de Mulder, ses poissons ). Mais, ce n'était que reculer pour mieux sauter finalement, Scully se jette à l'eau ...

SCULLY: Mulder... I don't know if you'll ever understand what it was like. First learning of your abduction... and then searching for you and finding you dead. And now to have you back and, uh...
(Her voice breaks.)
MULDER: Well, you act like you're surprised.
(MULDER chuckles at his own joke. SCULLY doesn't. MULDER stops laughing and looks away.)
SCULLY: I prayed a lot. And my prayers have been answered.
(MULDER looks at her stomach.)
MULDER: In more ways than one.
(SCULLY looks at her stomach.)
SCULLY: Yeah.
MULDER: I'm happy for you. I think I know... how much that means to you.
(SCULLY hesitates. It looks like she is about to cry. She starts to speak.)
SCULLY : Mulder ...Je ne sais pas si tu te rends compte de toutes les épreuves que j'ai endurées. D'abord, j'ai appris ton enlèvement ...Ensuite, nous t'avons cherché, retrouvé mort. Et tu es revenu maintenant ...
(sa voix se casse.)
MULDER : On dirait que tu es surprise.
(Mulder rit à sa propre blague , mais pas Scully. Mulder cesse de rire et regarde ailleurs .)( Il essaie de fuir la conversation)
SCULLY : J'ai prié si tu savais ... Et mes prières ont enfin été exhaucées.
(MULDER regarde son ventre.)
MULDER : Plus que tu ne l'espérais
(SCULLY regarde son ventre.)
SCULLY: Oui.
MULDER:Je suis heureux pour toi ... Je crois savoir ...tout ce que cela représente pour toi.

(SCULLY hésite. Elle semble prête à pleurer . Elle commence à parler.)

En réalité, Scully a réellement pris conscience de l'amour qu'elle portait à Mulder au moment de la disparition de celui-ci ( elle se l'est enfin avoué ) et de ce fait, elle attendait bien plus de son retour. Et en premier lieu du réconfort...de l'attention... de l'amour ... Mais, Mulder se montre très distant et semble même ne pas vouloir assumer sa paternité. Le choc est rude pour Scully qui espérait enfin pouvoir souffler et se reposer sur les épaules de Mulder.
Mulder sait très bien ce que Scully attend de lui, mais il est incapable de lui donner pour l'instant ... Il n'est pas en mesure de lui donner son amour, car il ne sait même plus à ce moment qui il est réellement... Et finalement, il lui a dit dès le début de l'épisode ...
Il ne peut pas encore assumer et affronter ses actes et ses sentiments (il ne peut pas se tenir debout face à eux), mais il a besoin de faire le point, de se retrouver, de rester assis pour réfléchir. Tout ce qu'il demande à Scully, c'est du temps ... Il précise d'ailleurs dans ces deux phrases que ce n'est que temporaire ("Right now", pour l'instant ; "not yet", pas encore ).

3°) L'éviction de Mulder :

Si Mulder ne sait pas où il en est, Kersh, lui, n'en veut plus aux Affaires Non Classées. Il veut que Doggett prenne définitivement sa place, ce qui met de facto celui-ci en porte-à-faux vis-à-vis de son prédécesseur. L'idée scénaristique est astucieuse : la rivalité entre les deux hommes va se développer sur un qui pro quo que ni l'un ni l'autre n'ont vu venir. L'intention de Kersh est transparente : il veut torpiller les affaires Non Classées en dressant les deux agents l'un contre l'autre.
C'est Mulder, dont l'intuition n'a rien perdu de son acuité, qui pressent les enjeux :

MULDER: Kersh wants to put me behind a desk? That is not what Kersh wants.
SCULLY: No, I think Kersh wants you to quit, Mulder.
SKINNER: It's more than that. He wants to punish you, to hurt you.
MULDER: And you by putting you in this position. And Agent Scully, for not giving up on me. Truth is, this is a bullet that was fired about eight years ago. It's a magic bullet that's been going round and round and right now it seems poised to hit me right in the back of the head.
SCULLY: Well, I think the question is, Mulder, are we going to sit here and let this happen?
MULDER: Scully, you're going to give birth in a couple months. You can talk as tough as you like but you know and I know and they know that in a little while you're going to have more important things than whether or not the X-Files remains open.
SKINNER: They're not closing the X-Files. Kersh aims to keep them open with Agent Doggett running them.
MULDER: Agent who?
(SCULLY avoids MULDER's eyes.)
SCULLY: I've had a partner for the last several months. He was assigned to help me find you.
MULDER: Mission accomplished. Does he know what he's doing at all, this guy?
SKINNER: About the paranormal? Not much.
MULDER: I see. Then maybe the question is not who fired this magic bullet, but whether or not it was a lone gunman.
SCULLY: Agent Doggett is above reproach, Mulder. He's being maneuvered just like you.
MULDER: Well, good. At least he's maneuverable.
Kersh voudrait me mettre derrière un bureau ? Non ce n'est ça qu'il veut.
Non. Je pense que Kersh veut que tu partes, Mulder.
C'est plus que ça. Il veut vous punir, vous faire mal.
Et vous aussi en vous mettant dans cette situation. Et l'Agent Scully, pour ne m'avoir pas laissé tomber. La vérité, c'est qu'il s'agit d'une balle qui a été tirée il y a huit ans. Une balle magique qui a tournée et qui s'apprête à me rattraper maintenant dans la nuque.
Et bien je pense que la question, Mulder, c'est : allons-nous rester assis là à attendre que ça arrive ?
Scully, tu vas donner naissance dans quelques mois. Tu peux parler aussi bravement que tu veux, mais tu sais, et je sais, et ils savent que tu vas avoir des choses bien plus importantes à penser que le maintien ou non des Affaires Non Classées.
Ils ne ferment pas les Affaires Non Classées. Kersh veut les confier à l'Agent Doggett.
L'Agent quoi ?
(Scully évite le regard de Mulder.)
J'ai travaillé avec un autre partenaire ces derniers mois. Il m'a aidé à te retrouver.
Mission accomplie. Sait-il au moins ce qu'il fait, ce type ?
Sur le paranormal ? Pas tellement.
Je vois. Alors la question n'est peut-être pas : qui a tiré cette balle magique, mais s'il s'agissait ou pas d'un Bandit Solitaire.
L'Agent Doggett est au-dessus de tout reproche, Mulder. Il a été manœuvré, tout comme toi.
Et bien au moins, ça prouve qu'il est manœuvrable.

Mulder ne croit pas si bien dire...

4°) Le grand retour aux sources :

Le retour de Mulder coïncide avec un très net recentrage de la série autour des valeurs sûres qui assurèrent son succès en 1993 :
- une équipe de scénaristes restreinte et cohérente (Chris Carter et Frank Spotnitz s'accaparent à eux deux 15 des 21 épisodes de cette 8ème saison, Greg Walker et Steven Maeda chacun deux autres, et un chacun pour Vince Gilligan et Jeffrey Bell) ;
- une intrigue mêlant étroitement personnages et événements (Doggett est pris en otage par Absalom et il est manipulé par son informateur Knowle Rohrer) ;
- une interaction réaliste entre les protagonistes (Mulder et Doggett se "frottent" l'un à l'autre) ;
- un montage "haletant" et des répliques énigmatiques pour ne pas laisser le temps au spectateur de comprendre ce qui se passe (pourquoi Absalom vérifie-t-il que Doggett est bien lui-même ?) ;

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Tous ces ingrédients étaient déjà présent au début de la série et les "blasés" auront beau jeu de dire que l'on se répète. Sauf que les circonstances et les personnages sont différents et que le savoir-faire de Carter est toujours là. Doggett n'est pas Mulder et manipuler un flic de terrain réputé vertueux, brave et incorruptible n'est pas la même chose que mener en bateau un fou de paranormal perturbé par une enfance plutôt chaotique. Là où Gorge Profonde et M. X trouvent un terreau favorable à leurs "plausibles mensonges", Rohrer un terrain aride et hostile. Il doit manœuvrer Doggett à l'inverse de Mulder.
MAIS les deux agents, devenus tous deux partenaires de Scully, ont un point commun majeur : ce sont deux obsessionnels (au sens psychanalytique du terme). Ils sont tous les deux des bourreaux de travail parce qu'ils cherchent (inconsciemment) à se perdre/retrouver dans leur emploi du temps afin d'oublier un traumatisme. Doggett fuit sa vérité (quant à la mort de son fils) et Mulder... aussi ! Car s'il est vrai qu'il cherche LA vérité c'est pour mieux ne pas se pencher sur sa vérité personnelle ; à savoir un homme seul, qui n'a personne à qui demander des comptes maintenant que ses parents sont morts sans qu'il ait jamais eu le courage de les interroger à fond. Il a fallu attendre 7X10 Sein und Zeit et 7X11 Closure pour qu'il comprenne que sa sœur n'avait pas été enlevée par des extra-terrestres mais par des collègues de son propre père. Le traumatisme a été tellement grand qu'il en a quitté la réalité pour "rejoindre" Samantha où il voulait qu'elle soit (dans les étoiles !).

5°) Vous avez dit Confiance ?

Évidemment le maître-mot de toute la série devait bien un jour devenir un titre d'épisode (ce sera le cas dans la 9ème saison (9X08 Trust No 1). Saluons donc l'intuition des traducteurs français qui, pour une fois, montrent qu'ils ont compris ce qui fait le socle même des X-Files. Ces "trois mots" si convoités qu'ils en deviennent un mot de passe - c'est-à-dire par définition un symbole de confiance absolue - ne sauraient être mieux choisis que "Combattre le futur". Si le titre du film fait aujourd'hui flores dans la série c'est parce que la formule est emblématique du drame qui ronge Mulder et Doggett. Comment peut-on affronter l'avenir (en anglais, "fight the future") quand on manque totalement de "confiance" ?
Il y eut une première tentative de réponse au début de la série. Un autre mot de passe, donnant accès à d'autres informations capitales, fut donné à Scully par Gorge Profonde : "Purity Control". A l'époque, Scully et surtout Mulder croyait encore qu'il était possible d'affronter l'avenir en "découvrant la vérité" et/ou en "contrôlant la pureté" des intentions de ses semblables ; ceci est typique de la névrose obsessionnelle (relisez Freud et Lacan !). Or l'histoire a prouvé combien Mulder se trompait (et était trompé !).
Car le "contrôle de pureté" mène à la congélation (mort) des embryons d'aliens, de même que la quête de la vérité absolue. Si la vérité humaine n'est pas absolue, c'est parce qu'elle est dite et faite par les hommes ; la vérité absolue est "ailleurs" ("out there"), donc hors du champ terrestre, dans les étoiles, là où Mulder a fini par se retrouver. Mais une telle vérité est inhumaine ; pour l'affronter, il faut endurer des souffrances épouvantables (cf. les flash-backs de Mulder sur les tortures qu'il a subies dans le vaisseau). Le jeu en vaut-il la chandelle ? En réel obsessionnel, il est tellement prêt à souffrir pour accéder à la vérité qu'il suffit de lui donner de la souffrance (pour peu qu'elle soit sérieuse) pour qu'il croit être dans le vrai. C'est ainsi qu'il se fera longtemps manipuler.
Doggett est confronté au problème inverse mais - paradoxalement - il a le même type de névrose que Mulder : la mort de son fils qu'il n'a pas pu empêcher l'obsède tellement (perte de "contrôle") qu'il surcharge son emploi du temps professionnel (l'obsessionnel fait des listes) et traque tout se qui pourrait troubler sa petite organisation. La scène où Absalom vérifie sa nuque pour "s'assurer que Doggett est bien lui-même" ("make sure you're still you" dit-il dans la V.O.) est symptomatique de ce qui hante Doggett au quotidien : il déteste perdre le contrôle de ses actes (cf. le cauchemar de 8X07 Via Negativa) non par orgueil mais par angoisse (de revivre la disparition de son fils).
Les deux agents sont le deux faces d'une même médaille : celle de la névrose obsessionnelle. Mulder cherche ailleurs une vérité qui lui échappe depuis que ses parents lui ont caché les circonstances réelles de la disparition de sa sœur ; Doggett s'étourdit dans la recherche d'autres vérités, parce que la sienne est trop lourde à assumer. Chez l'un comme chez l'autre, la névrose leur propose des stratégies (opposées) de fuite du réel (ce qui est "normal"); Mulder se réfugie dans le paranormal et Doggett dans l'hyperprofessionalisme. Leurs positions outrancières leur donnent l'illusion qu'ils se protègent de l'angoisse. Mais leurs manipulateurs savent appuyer là où ça fait mal.

6°) Le grand retour des conspirateurs :

Les rebelles et les colonisateurs se livrent à présent une guerre quasi ouverte sur la Terre (voir aussi le chapitre mythologie).
- Absalom, le prédicateur millénariste, est l'instrument consentant des rebelles (avec Jeremiah Smith) et l'annonce de l'assassinat d'un homme qui voulait parler au Président des États-Unis le force à s'évader pour faire parvenir le message aux autorités. Quel message ? Que la colonisation est en marche. Il utilise Doggett pour entrer dans les archives du bureau du recensement national mais les services secrets veillent et abattent Absalom sans sommation sous les yeux de Doggett.
- Knowle Rohrer, le mystérieux informateur qui avait glissé le dossier Gibson Praise sous la porte de Doggett, est un agent des services secrets. Il manipule son viel ami pour l'empêcher de démêler l'écheveau des complicités entre humains et extra-terrestres au plus haut niveau de l'état. Nous découvrons à la fin de l'épisode qu'il n'est plus ce qu'il était (cf. les propos d'Absalom) mais un sosie extra-terrestre (comme Billy Miles qui a "mué").
C'est donc in extremis que Doggett comprend qu'en faisant passer le code "fight the future" à Mulder il l'a amené dans un guet-apens. Il va le délivrer juste avant que celui-ci ne tente de pirater les données piégées.

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Saluons au passage le fair-play des extra-terrestres qui une fois encore (après le petit doigt des Envahisseurs et le sang vert des saisons précédentes) sont dôtés d'une particularité physique (une excroissance à la base du cou qui les rapproche des "reptiliens" de la série V), qui nous permet de les reconnaître ... On ne pourra pas dire qu'ils ne nous ont pas aidé !!!

Nous apprenons donc que les colonisateurs ont fait de nouveaux progrès :
- en matière de fécondation (cf. 8X13 Per Manum) ;
- en infiltration des services de l'état (ils ont remplacé les premiers agents devenus rebelles comme Jeremiah Smith) ;
- en "déguisement" (il peuvent virtuellement prendre n'importe quelle apparence).

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