Le Vice

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Sentiment étrange de se dire qu’on a la possibilité d’être quelqu’un de bien vis-à-vis des autres mais surtout par rapport à soi-même alors qu’en fait, on sait pertinemment qu’on n’est pas si bien que cela.

Il ne s’agit pas de modestie, mais simplement d’admettre qu’on ait des vices.
Il est facile de se laisser aller à ses faiblesses, mais il semble tout aussi facile d’y résister, seulement cette voie nous apporterait-elle autant de plaisir ?
Il faut choisir entre la satisfaction d’être une personne bien, honnête, sans vice, et le plaisir d’être l’acteur d’une jouissance qui s’équilibre avec la honte qui en résulte. Au final, le niveau émotionnel est équivalent, mais cette honte qui découle du vice nous fait tendre à être meilleur et bon.
Ce serait un vrai plaisir de remplacer un vice par une qualité, mais la perspective de ne plus avoir de vice présente quelques défauts.
D’abord il n’y a plus cette jouissance coupable qui pimente la vie, donc en fait une certaine lassitude, une linéarité dont on ne veut pas.
Ensuite, on se dit que tout le monde a des vices, et ne plus en avoir, c’est ce mettre au-dessus des autres, être meilleur qu’eux, plus fort, être capable de résister au mal.
À partir de là, on veut être tellement bon et meilleur qu’on se doit d’être humble, pour ne pas être écrasant, mais en faisant cela on se refuse la satisfaction de nos efforts pour se mettre au même niveau que notre entourage.
Au total, on n’a plus de vice, personne n’en sait rien car on ne s’en vante pas pour être humble, on perd ces moments de jouissance intense, on se retrouve envahi de morale, de justesse, de toutes les vertus que la société s’impose à elle même.

Maintenant, cette voie ne nous convient pas et nous décidons de conserver nos vices. Deux choix s’offrent à nous : soit les refouler et les considérer avec honte, soit vivre avec et devenir publiquement une personne immorale…

On distingue trois voies, une qui est empreinte de lâcheté et deux qui demande du courage : il faut du courage pour renoncer à ses vices, il en faut aussi pour s’afficher avec.
En revanche, se mentir à soi-même et aux autres en se faisant passer pour quelqu’un de bien tout en vivant ses vices dans le secret, relève de la lâcheté.

Phyleas

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