Considérant Kurt Saxon, sa chasse aux sorcières et ses idées radicales comme les origines du mouvement, il est compréhensible que l’image du survivalisme n’ait pas pu, même en France, se détacher de celle des milices paranoïaques américaines. Et même après la mise au clair sur la distanciation du survivalisme européen vis-à-vis de ce lourd héritage, on pourrait penser qu’il faut bien être paranoïaque pour croire plausible la fin de la civilisation dans nos sociétés occidentales toujours plus sûres. C’est la deuxième idée reçue.

Pourtant, il faut rappeler que si la crainte d’un avenir incertain se fait de plus en plus pressante, ce n’est pas parce que des groupuscules propageraient leur pessimisme mais parce que les nouvelles provenant de la communauté scientifique ne sont vraiment pas très bonnes. Beaucoup estiment que nous arrivons à un point de rupture. Selon une enquête Ipsos réalisée en 2012, 14% de la population mondiale pense connaître la fin du monde de son vivant.

Quels sont les grands risques qu'encourt notre monde ?



Depuis 1990, le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) a publié cinq rapports sur les changements climatiques qui, aussi menaçant soient-ils, n’ont aucunement bouleversé nos modes de vie. Les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine pourraient provoquer une augmentation en fréquence et en intensité des catastrophes naturelles mais aussi une perte massive des rendements agricoles, ce qui n’arrange pas le risque suivant.
Il s’agit là d’une liste non exhaustive qui ne comprend pas, par exemple, notre surconsommation d’antibiotiques et le développement de bactéries multi-résistantes (responsables en France de trois fois plus de décès que les accidents de voiture), le contact aux produits chimiques, le déclin de l’eau potable, la surpêche ou simplement les guerres que pourraient engendrer l’ensemble de ces phénomènes.

Le désir de catastrophe


La combinaison de ces risques complexifient une équation déjà bardée d’inconnues. La situation peut paraître inextricable, d’autant plus si l’on considère notre penchant naturel pour l’inertie. Pour Bertrand Vidal, c'est ce qui a conduit certains survivalistes à ne pas seulement prendre des précautions mais à embrasser pratiquement la catastrophe, espérer la voir venir.
Mais le désir de catastrophe ne se limite pas aux survivalistes. Nous connaissons tous un sentiment de satisfaction ou d’apaisement lorsque nous faisons table rase du passé pour mieux repartir. Le désir de catastrophe est le prolongement de ce sentiment, appliqué à l’ensemble de l’humanité.

Il naît de la prise de conscience qu’il nous est devenu impossible de faire table rase d’une société qui ne convient plus à nos aspirations car elle continuerait - quoi qu’il arrive - de nous impacter. Par exemple, même si nous parvenions à trouver un endroit qui n’ait pas déjà été colonisé par l’Homme et dans lequel nous pourrions vivre en ermite, nous continuerions de subir les conséquences du changement climatique.


De ce désir est en partie liée notre fascination pour les oeuvres post-apocalyptiques. Le post-apocalyptique est un sous-genre de la science-fiction mettant en scène la vie après une catastrophe ayant détruit la civilisation. Le plus souvent, ce qui reste de l'humanité fait alors face à une grande régression technologique et sociétale, comme l’absence d’électricité dans la série télévisée Revolution ou la disparition de l’Etat dans The Walking Dead. Le genre post-apocalyptique est ainsi souvent l’occasion d’évoquer les relations humaines en dehors du cadre des lois et le retour à une réalité physique implacable (la faim, le froid et le dénuement).




Il traduit aussi les plus grandes peurs d’une société. Des années 50 (qui coïncident avec l’explosion du genre) jusqu’à la fin des années 90, la grande majorité des productions culturelles post-apocalyptiques mettaient en scène une catastrophe nucléaire. Aujourd’hui, ces productions décrivent la réalisation de risques plus variés comme le changement climatique dans l’adaptation cinématographique de Transperçeneige, une catastrophe sanitaire dans le jeu-vidéo The Last of Us ou la surconsommation dans le film d’animation WALL-E.