Le survivalisme est né aux États-Unis, dans les années 70. La crainte d’un conflit nucléaire, dans un pays en pleine guerre froide, sert alors les intérêts d’un libertarien du nom de Donald Sisco (voir photo ci-dessus). D’abord membre du Parti nazi américain, de l'Église de Scientologie et de l'Église de Satan, Donald Sisco rompt avec un passé trouble, change de nom et devient Kurt Saxon. Kurt Saxon parce qu'il se considérait lui-même comme curt (« brusque ») et saxon.

Dans les années 70, il écrit et prospère grâce à une série de livres intitulée « The Poor Man's James Bond » dans laquelle il décrit la fabrication maison d'explosifs, de poisons et de pistolets. Ses livres, fréquemment vendus dans les salons d'armes à feu, deviennent largement populaires chez les survivalistes américains.

Il revendique également la création du mot « survivaliste » et théorise un mouvement qu’il résume à un objectif : se préparer à « un effondrement de la société et/ou une catastrophe majeure ».

Kurt Saxon, anticommuniste convaincu, encourage la possession d’armes à feu. Pas seulement dans une utilité de protection mais aussi parce que le port d’armes donne corps à l’esprit des pionniers de l’Ouest américain. En mai dernier, la police retrouve chez Saxon, alors âgé de 83 ans, des produits explosibles. Ses voisins, interrogés par le journal local d'Harrison, décrireront Saxon « comme un bon voisin qui faisait occasionnellement exploser des choses ».


Le premier volume de Kurt Saxon.


Mais Kurt Saxon n'est pas la seule figure du mouvement. Toujours dans les années 70, Don Stephens, un architecte moins excentrique, préfère populariser le terme de retreater (ceux qui se réfugient). Certes, Don Stephens contribue d'une manière bien différente de Kurt Saxon mais ses travaux vont inspirer un grand nombre de survivalistes. Grâce à d'importantes compétences en architecture et en ingénierie, il publie un ouvrage dans lequel il préfigure un incontournable du survivalisme d’aujourd’hui : la BAD (Base Autonome Durable), un habitat auto-suffisant.


Bob Mills, un humoriste britannique, met en relief la très singulière posture de Kurt Saxon en s'appuyant sur des extraits de son DVD. Son anticommunisme exacerbé est désopilant, à 9:12.
Puissant inspirateur des milices américaines, le survivalisme tel qu’il a été imaginé il y a 50 ans par Donald Sisco n’a pourtant jamais existé en France. Ces idées ne pouvaient que perçer faiblement dans un pays dont la culture des armes à feu est bien moins prégnante. Pour Bertrand Vidal, sociologue de l’Université de Nîmes, c’est pour cela qu’il est préférable de parler de mouvement prepper (ceux qui se préparent) ou « néosurvivaliste » pour qualifier le survivalisme européen.




Il n’est apparu en France qu’au milieu des années 2000 et beaucoup de ses sympathisants ont ressenti le besoin de se distancier des connotations sectaires ou extrémistes du précurseur Kurt Saxon. L’émergence du survivalisme en France est intimement lié aux préoccupations écologiques, à une volonté de retour aux sources ou parfois, simplement, à la recherche d’économies alors que le chômage est à son plus haut.


«Tout le monde peut,
un jour, devenir survivaliste.»

Bertrand Vidal Sociologue


Pourtant, par facilité de langage, le terme « survivalisme » (plus connu que celui de prepper) est encore couramment utilisé et entretient une certaine confusion. Car une nébuleuse de groupes gravite dans cet univers particulier, distinguant ceux qui ont fait du survivalisme un hobby ludique connecté à la nature (les bushcrafters) et ceux qui intègrent directement les préceptes d’autonomie et de résilience dans leur quotidien, comme la permaculture.

Le survivalisme, bien que toujours envisagé comme une forme d’assurance, est devenu moins centré sur la préparation à des risques systémiques pour devenir davantage un mode de vie ou une attitude quotidienne rejetant les dérives consuméristes du capitalisme. La recherche d’autonomie et de résilience n’était par exemple plus compatible avec la plus faible qualité ou durée de vie des produits issus de la mondialisation. Selon Bertrand Vidal, « tout le monde peut, un jour, devenir survivaliste. Aujourd’hui, le mouvement est protéiforme, multiple, trans-générationnel ».