Peu de médias d’information n’ont fait référence au survivalisme sans le détacher de la croyance en un futur apocalyptique. Pourtant, aucun des témoignages que nous avons recueillis ne nous a permis de dresser le portrait d’un survivalisme particulièrement défaitiste.
Si le désir de catastrophe existe bel et bien, la prise de conscience des risques qu’encourent nos sociétés a aussi été l’opportunité pour bon nombre de survivalistes européens d’influer positivement sur les évolutions en cours. En effet, si les survivalistes ne partagent pas forcément les préoccupations écologiques, leur recherche d’autonomie et de sobriété pave le chemin de la décroissance, un idéal de société qui contredit le fonctionnement de nos économies basées sur la croissance.

Par opposition à high-tech, le low-tech qualifie les techniques simples et économiques, faisant parfois appel à des savoir-faire anciens. Initiées par les décroissants, les low-techs, réputées plus soutenables écologiquement, ont aussi été investies par les survivalistes. L’idée selon laquelle nos ancêtres ont beaucoup à nous apprendre sur des technologies populaires et efficaces est d’ailleurs une rhétorique omniprésente dans leurs discours.
Mais investir les low-techs ne sous-entend pas seulement la volonté de réinvestir des techniques tombées en désuétude. C’est un nouveau champ d’étude qui peut être à l’origine d’innovations. C’est en tout cas ce que pense l’ingénieur Philippe Bihouix (en photo ci-dessus), un spécialiste de la finitude des ressources minières. Dans son ouvrage “L’Âge des low-techs”, il explique que le low-tech est « d’abord une attitude qui vise à mieux se servir des produits high-techs disponibles».
« La voiture propre n’existe pas, c’est un mensonge. Plus la voiture va vers le high-tech pour polluer un peu moins, moins la voiture est recyclable. L'approche industrielle low-tech, c'est une voiture simple, légère, dépourvue ou presque d'électronique et équipée d'un moteur bridé. C'est la deux-chevaux avec un filtre à particules et des gommes inusables », résume-t-il dans une interview accordée au Nouvel Obs et un article des Echos.
L'intervention de Philippe Bihouix, dans l'émission Ce soir ou jamais.
Dans sa quête d'autonomie, Artem, un survivaliste du sud de la France, prépare depuis plusieurs mois un projet de BAD (Base Autonome Durable). La BAD est un éco-habitat, autosuffisant en énergie et en nourriture, tel que celui théorisé par l'architecte Don Stephens.
Mais investir les low-techs ne sous-entend pas seulement la volonté de réinvestir des techniques tombées en désuétude. C’est un nouveau champ d’étude qui peut être à l’origine d’innovations. C’est en tout cas ce que pense l’ingénieur Philippe Bihouix (en photo ci-dessus), un spécialiste de la finitude des ressources minières. Dans son ouvrage “L’Âge des low-techs”, il explique que le low-tech est « d’abord une attitude qui vise à mieux se servir des produits high-techs disponibles».
« La voiture propre n’existe pas, c’est un mensonge. Plus la voiture va vers le high-tech pour polluer un peu moins, moins la voiture est recyclable. L'approche industrielle low-tech, c'est une voiture simple, légère, dépourvue ou presque d'électronique et équipée d'un moteur bridé. C'est la deux-chevaux avec un filtre à particules et des gommes inusables », résume-t-il dans une interview accordée au Nouvel Obs et un article des Echos.
Dans sa quête d'autonomie, Artem, un survivaliste du sud de la France, prépare depuis plusieurs mois un projet de BAD (Base Autonome Durable). La BAD est un éco-habitat, autosuffisant en énergie et en nourriture, tel que celui théorisé par l'architecte Don Stephens.
Tous les travaux d’Artem ne sont pas forcément soutenables. Les panneaux photovoltaïques souffrent par exemple d’une controverse sur le caractère non-recyclable de leurs composants. De même que la création d’un cheptel d’abeilles par domicile ne serait pas vertueux s’il était généralisé à la population entière.
Artem est un passionné des savoirs paysans. Il cherche avant tout à faire ses propres expériences pour pouvoir acquérir des compétences, qui lui seront peut-être utiles dans une situation future. Les survivalistes ont coutume de dire que, pour servir une communauté qui serait forcée de retourner à la terre, il est important que chacun connaisse les bases de trois ou quatre métiers différents. Artem, homme à tout faire, en connait bien plus.
Artem est un passionné des savoirs paysans. Il cherche avant tout à faire ses propres expériences pour pouvoir acquérir des compétences, qui lui seront peut-être utiles dans une situation future. Les survivalistes ont coutume de dire que, pour servir une communauté qui serait forcée de retourner à la terre, il est important que chacun connaisse les bases de trois ou quatre métiers différents. Artem, homme à tout faire, en connait bien plus.
En mettant l’ingéniosité de ses membres au service du low-tech, le survivalisme participe en tout cas à l’innovation technologique ou, au moins, alimente le débat sur ce qui est soutenable et ce qui l’est moins.
Le survivalisme, un hobby comme les autres ?
Le survivalisme est souvent considéré comme une démarche profondément individualiste, sa pratique serait-elle vraiment incompatible avec le vivre-ensemble ? Selon Bertrand Vidal, lorsqu'ils cultivent des savoir-faire dans une démarche positive, les « preppers n'ont pas de quoi faire peur. La plupart sont loin de l'image du survivaliste enterré dans son bunker et prônent une approche bien plus communautaire qu'individualiste ». Le chercheur ne refuse pas un parallèle avec le monde du scoutisme laïque en terme de transmission de valeurs et d'impact social.
Tous les survivalistes ne se préparent pas à l’effondrement de notre système économique, par exemple, mais accumulent des savoirs qui leur permettront de faire face à des dangers plus probables comme un incendie domestique, un accident de voiture ou une période de chômage. Le survivalisme gagne alors le titre de hobby socialement utile.
Il est difficile de mesurer la taille du mouvement, le nombre de ses adeptes. Les tendances de recherche des mots survivaliste et survivalisme sur Google ont explosé depuis 2011. Et grâce aux nombreux groupes et forums qui se propagent sur Internet et les réseaux sociaux, on pourrait lancer des chiffres approximatifs. Certaines pages comptent plusieurs milliers de «j'aime» et les groupes privés, quelques centaines de membres.
Mais ce serait oublier la grande discrétion avec laquelle évoluent la plupart des personnes qui s’intéressent au survivalisme sans s’en revendiquer. Élodie (une des femmes rencontrées sur un groupe Facebook survivaliste et qui a accepté de témoigner) nous a expliqué qu’elle était avant tout écologiste et que le survivalisme n’était qu’un outil intellectuel de plus dans sa panoplie militante.
«Je ne ressens pas le besoin
de me coller une étiquette.»
« Je ne ressens pas le besoin de me coller une étiquette de survivaliste, je fais simplement ce que je pense devoir faire pour limiter mon impact écologique et pour ma propre santé. Pour moi, l’important c'est d’avoir conscience de la folie consumériste dans laquelle nous sommes tombés, et de faire tout son possible pour en sortir et retrouver notre autonomie. »
L’apport d’Élodie à notre grand remue-méninges a été l’occasion de changer totalement de perspective. Il n’y a pas de survivalistes, ça n’existe pas. En fait, il y a des gens qui pratiquent le survivalisme, se l’approprient et agrègent cette expérience singulière à leur propre vision des choses. C’est ainsi que l’on peut être écolo, anarchiste, anticapitaliste, libertarien, nationaliste ou simplement parent inquiet… et survivaliste. C’est aussi ce qui explique l’extrême diversité de points de vue qui parfois cohabitent et parfois s’évitent sur les réseaux survivalistes.
Une question de bon sens
Passés les regards interloqués à l’évocation de notre sujet, nos proches nous ont souvent demandé au cours de notre enquête qu’est-ce qui marque le passage d’un mode de vie standard à un mode de vie survivaliste. Autrement dit, « comment ferait-on pour devenir survivaliste ? » Si s’interroger sur les raisons qui nous pousseraient à le devenir constitueraient une première bonne étape, la seconde passerait inévitablement par les réseaux sociaux que nous évoquions plus tôt.
Les réseaux sociaux, et le lien social de manière générale, constituent une gigantesque plateforme collaborative pour les survivalistes. On y échange essentiellement des savoir-faire et des retours d’expériences. Il est très facile de trouver sur Youtube des vidéos expliquant comment fabriquer ses propres outils, un moulin à eau ou installer une éolienne et des panneaux photovoltaïques. Le savoir des survivalistes réunis, comme l’illustre bien notre rencontre avec Artem, est encyclopédique.
Devenir survivaliste, c’est faire son introspection et s’engager (plus ou moins) dans la quête d’une autonomie partielle. Oui, c’est une définition large. Le survivalisme n’a pas de préceptes : il est aussi vague qu’un état d’esprit, qu’une volonté de se reconnecter à la nature ou que la débrouillardise. Ainsi, une personne qui ne fait que des réserves et celle qui bâtit au quotidien son autonomie sont logées à la même enseigne. Rien ne distingue a priori les survivalistes qui s’engagent le plus de ceux qui s’engagent le moins.
Mais le mouvement est en plein essor, il finira peut-être par se structurer. Et alors, nous ne parlerons peut-être plus de survivalisme mais envisagerons d’employer de nouveaux mots et les multiples distinctions qui compartimentent déjà le mouvement : bushcrafter, prepper, autonomiste… Ou alors le survivalisme disparaîtra. Et ce serait sans doute une bonne nouvelle. Cela signifierait qu’il aurait réussi, avec tous les mouvements écologistes qui oeuvrent plus largement, à transmettre sa culture du bon sens au grand public.