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tableau historique |
tableau
des 16 paradoxes
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avant
:
porche "à entonnoir"
d'AULNAY |
suite
:
l'art
gothique classique |
le
chevet de N.D. du Port à
CLERMONT-FERRAND
Pour aller aux autres exemples d'art roman analysés :
un démon sculpté sur un chapiteau de CIVAUX
les bandes lombardes de la façade latérale de TOURNUS
la baie en plein cintre au château de HEDINGHAM
le porche "à entonnoir" d'AULNAY
le tableau qui résume l'évolution de la musique et de l'architecture
pendant le moyen-âge
les généralités sur les effets paradoxaux que l'on
trouve dans l'art roman
Pour charger l'image de l'exemple analysé
: le
chevet de Notre-Dame du Port à CLERMONT FERRAND en Auvergne (France)
- vers 1100 / 1150 (s'ouvre en principe dans une autre fenêtre)
Source de l'image utilisée :
Cliché Josette Diot reproduit d'après une monographie
de l'Église des éditions G. De Bussac
Ce chevet, d'ailleurs très semblable à celui de l'Église
Saint-Austremoine d'ISSOIRE, est à mon avis l'une des expressions
les plus accomplies de l'art roman dans sa maturité.
Une
chapelle rayonnante
Avant d'envisager l'articulation d'ensemble du chevet, l'occasion est
donnée d'analyser isolément l'une des chapelles dont la disposition
est très fréquente dans l'architecture romane de bien d'autres
régions.
Pour cela il ne faut pas considérer la chapelle centrale sur
l'image et dont les murs sont doublés de contreforts terminés
par un biais dans le haut, mais l'une ou l'autre des deux chapelles qui
sont situées de part et d'autre de l'image et dont le mur est doublé
de colonnes qui montent jusqu'au toit.
C'est ce principe d'un mur circulaire doublé à l'extérieur
par un ensemble de colonnes qui portent le toit que nous allons examiner.
Le paradoxe fermé
/ ouvert (expression synthétique) :
En fait, on peut dire que la chapelle dispose de deux enveloppes :
un mur plein massif cintré (si l'on néglige sa baie), et,
posé à cheval par-dessus, un "tabouret" formé par
des colonnes et par un toit. L'enveloppe du mur massif est fermée,
tandis que le tabouret dont les colonnes sont les pieds est presque complètement
ouvert, et il ouvre . . . sur le mur fermé. C'est une expression
synthétique du paradoxe.
Dans l'architecture de l'époque révolutionnaire dont
on montre dans une autre page du site que ce paradoxe
ouvert / fermé y est dominant, on trouve souvent des bâtiments
sur lesquels deux peaux se superposent, l'une fait d'un mur continu très
fermé et l'autre faite d'une colonnade très ouverte.
C'est par exemple le cas de la façade sur jardin du Petit Trianon
de l'architecte Gabriel à Versailles (1763-1768), ou le cas de la
façade sur cour de l'école de Médecine de Paris dessinée
par Gondoin (1769-1775). [sur le site il n'est pas donné d'images
de ces deux exemples]
L'exemple le plus frappant de similitude est l'hôtel de Salm
de Paris (1782-1785, aujourd'hui Palais de la Légion d'Honneur)
de l'architecte Rousseau, dont on donne ici
une reproduction (s'ouvre en principe dans une autre fenêtre).
On y trouve la même disposition d'ensemble que dans les chapelles
romanes, mais ici cette disposition forme l'effet principal de l'architecture.
Dans l'architecture romane cette disposition est côte à côte
avec d'autres effets, et elle doit pour cela se contenter de concerner
une chapelle latérale et non l'axe majeur de la composition.
Envisageons rapidement les autres effets produits par cette disposition
:
Le paradoxe fermé
/ ouvert (expression analytique) :
Les colonnes buttent en haut sur la courbe du bord du toit (parcours
fermé par un obstacle) alors que dans le sens horizontal ce bord
de toit passe librement au-dessus de cette colonne, tout comme d'ailleurs
il passe librement au-dessus des autres colonnes (parcours ouvert).
Le paradoxe ça
se suit sans se suivre (expression analytique) :
La paroi en pierre se poursuit sans interruption sur le mur plein et
sur la périphérie des colonnes qui sont accolées à
ce mur, mais d'un autre point de vue les colonnes coupent la continuité
du mur.
Le paradoxe ça
se suit sans se suivre (expression synthétique) :
Deux modes de lecture nous sont suggérés, celui horizontal
qui suit la courbe de la chapelle, ou celui vertical du "tabouret" des
colonnes dressé sur ses pieds. Dans un mode les colonnes suivent
la courbe de la chapelle, et dans l'autre elles ne la suivent pas puisqu'elles
vont en sens croisé.
Le paradoxe homogène
/ hétérogène (expression analytique) :
Le toit forme un couvercle homogène, tandis que le mur et les
colonnes forment un ensemble de formes hétérogènes.
Le paradoxe homogène
/ hétérogène (expression synthétique) :
Les colonnes et la forme d'ensemble de la chapelle ont la même
forme ronde, mais leurs diamètre sont très dissemblables.
Le paradoxe rassembler
/ séparer (expression analytique) :
Le toit rassemble sous lui l'ensemble de la chapelle, tandis que les
colonnes la divisent verticalement en secteurs séparés.
Le paradoxe rassembler
/ séparer (expression synthétique) :
Le mur courbe et le tabouret (colonnes + toit) sont enchâssés
l'un sur l'autre, de telle sorte qu'ils sont rassemblés en un ensemble
bien compact, alors même que l'on peut clairement les séparer
dans notre perception.
On peut remarquer aussi que, par sa forme en arc de cercle qui s'extrait
du volume principal de l'église, la chapelle dans son ensemble produit
un effet ouvert / fermé : quand le mur en arrondi s'écarte
du mur principal au démarrage de la chapelle, il agrandit le volume
de l'église, l'ouvre vers l'extérieur, puis, après
avoir accompli un morceau de cercle, il vient buter à nouveau sur
le mur principal de l'autre côté ce qui referme la béance
qu'il avait ouverte dans la paroi.
Cet effet d'ouverture / fermeture produite aux deux extrémités
de la chapelle, se conjugue d'ailleurs avec le dynamisme même produit
par la forme en arrondi : elle ouvre donc le volume principal en l'agrandissant
d'une excroissance, mais pendant toute la durée de son développement
elle exécute une forme en boucle, c'est-à-dire une forme
dont la dynamique consiste à se refermer sur elle-même.
Après avoir examiné une chapelle isolément, envisageons
maintenant les relations de formes qui sont proposées par l'ensemble
du chevet et du transept qui se hisse au-dessus.
Du centre vers la périphérie, le chevet se compose du
choeur qui est le massif le plus haut, puis d'un déambulatoire qui
cerne le choeur, puis de chapelles rayonnantes qui s'accrochent sur le
déambulatoire.
Le transept est le massif perpendiculaire à la nef et qui porte
le clocher en sa partie centrale.
Le
1er paradoxe : fermé / ouvert
La façon précisément dont le transept se dresse
au-dessus des toits du choeur et de son déambulatoire est une expression
de ce paradoxe : le toit s'ouvre, et une tranche de bâtiment monte,
s'expose à l'extérieur, révélant son intérieur
. . . qui se révèle finalement très aveugle et fermé.
Le même effet se retrouve dans la façon dont le haut massif
du choeur se hisse au-dessus du toit du déambulatoire, comme un
bouchon poussé vers le haut et qui laisse voir sa paroi opaque auparavant
à l'intérieur.
expression synthétique du paradoxe ouvert
/ fermé :
le toit s'ouvre pour laisser monter une tranche
de bâtiment . . . aveugle et fermée
Cet effet est ici tellement systématique que de petits frontons
de murs triangulaires se hissent au-dessus de chaque toiture de chapelle
et au-dessus de la toiture arrondie du choeur : quelque chose s'ouvre donc
au-dessus du toit fermé de chaque chapelle, monte verticalement
par la fente qu'il s'est ouvert dans la continuité du toit, et ce
quelque chose est un mur complètement aveugle, donc complètement
fermé.
Cet effet est une expression synthétique du paradoxe fermé
/ ouvert.
expression synthétique du paradoxe ouvert
/ fermé :
le dessus du toit de chaque chapelle s'ouvre pour
laisser monter un bout de mur sans ouverture
L'effet d'ouverture produit par le mur du transept et tous les petits
frontons qui se hissent au-dessus des toits est d'autant plus vif que cet
effet intervient aussi dans l'expression analytique de ce paradoxe : ils
se hissent en l'air, ce qui implique que leur trajet est ouvert, qu'ils
peuvent librement monter, tandis que les toits viennent buter sur eux.
Ils butent sur toute leur surface, mais ils butent encore plus fortement
au niveau de leur bord inférieur arrondi que l'on voit courir librement
sur tout le périmètre du toit, franchir librement la rencontre
avec les colonnes des chapelles, puis s'arrêter brutalement sur un
mur ou sur un fronton qui ferme son parcours.
expression analytique du paradoxe ouvert /
fermé :
les frontons montent librement au-dessus des toits,
alors que les toits butent sur eux (croquis de gauche)
Le bord du toit passe librement sur les colonnes
(parcours ouvert) mais ses extrémités ont leur parcours fermé
Le
2ème paradoxe : ça se suit sans se suivre
Comme très souvent pour ce paradoxe, deux modes de lecture contradictoires
nous sont proposés : on peut lire l'ensemble des chapelles comme
une frise linéaire qui se déroule en cercle continu autour
du toit qui fait le tour du choeur, et l'on peut aussi considérer
l'ensemble comme un motif concentrique formé d'un grand arrondi
(le choeur) qui se prolonge de tous côtés par des petites
chapelles rayonnantes qui reproduisent sa forme à plus petite échelle.
La forme du toit du déambulatoire intègre clairement
cette dualité : il forme une bande continue qui tourne autour du
choeur, mais il connaît des ressauts qui sont des petits toits rayonnants
depuis le choeur vers les chapelles.
Les divers éléments de l'architecture ne se suivent pas
dans le même ordre selon que l'on adopte l'un ou l'autre de ces deux
modes de lecture, puisque l'un est en cercle et linéaire, tandis
que l'autre est rayonnant à partir d'un point central.
Il s'agit là d'une expression synthétique du paradoxe.
expression synthétique du paradoxe ça
se suit sans se suivre :
deux modes de lectures se combinent qui ne classent
pas les formes dans le même sens, donc dans le même ordre
La chapelle isolée sur le mur du transept joue un rôle
analogue, mais dans le cadre d'une expression analytique : on la lit comme
participant à la ribambelle des petites chapelles qui se blottissent
au pied de l'édifice, mais on lit aussi clairement qu'elle adhère
au massif plan du transept et non au mur arrondi du déambulatoire.
Les chapelles se suivent donc dans la même ribambelle, mais elles
ne suivent pas toutes le même corps de bâtiment.
expression analytique du paradoxe ça
se suit sans se suivre :
la chapelle isolée se lit à la suite
des autres, mais elle se colle au transept alors que les autres suivent
le choeur
Les murs et frontons qui se dressent au-dessus des toits interviennent
aussi dans cet effet : ils suivent certainement les toits puisqu'ils les
prolongent par en haut, mais on ne peut les confondre avec des toits puisqu'ils
ne sont pas revêtus du même matériau et n'ont pas la
même pente. Donc ils ne les suivent pas et semblent plutôt
sortir de dessous les toits et ne suivre que des parties de mur inférieures
cachées derrière les toits.
expression analytique du paradoxe ça
se suit sans se suivre :
le fronton suit le toit en le prolongeant, mais
il se lit verticalement alors que le toit se lit comme une surface qui
se développe horizontalement.
Ce sont là deux lectures croisées
et non deux lectures qui se suivent
Le
3ème paradoxe : homogène / hétérogène
La même relation de forme que nous avions vue entre les colonnes
et la forme d'ensemble de chaque chapelle se retrouve entre les petites
chapelles, le massif arrondi du coeur et celui du déambulatoire
: à chaque fois nous avons affaire de façon homogène
à une forme en arrondi, tandis que la dimension de l'arrondi et
donc la vitesse à laquelle il se referme, est très hétérogène
d'une forme à l'autre (expression synthétique).
expression synthétique du paradoxe homogène
/ hétérogène :
les chapelles, le choeur et le déambulatoire
ont tous la même forme en arrondi, mais leurs diamètres sont
très différents
Dans le même esprit, les frontons qui surmontent les toits des
chapelles reprennent en plus petit la forme du fronton qui domine le toit
en arrondi du choeur, et le transept qui surmonte l'ensemble du chevet
fait également un effet homogène avec celui des frontons
(un mur nu qui dépasse au-dessus du toit), mais cela à une
échelle très différente, donc hétérogène.
La partie centrale du narthex esquisse dans le haut une forme triangulaire
qui aide d'ailleurs à lui donner la même allure que les petits
frontons.
C'est aussi ce même paradoxe qui explique que certaines chapelles
reçoivent des colonnes extérieures, tandis que d'autres disposent
de contreforts à section carrée : comme ils sont en même
position l'allure d'ensemble des chapelles est homogène, mais les
formes arrondies dans un cas et carrées dans l'autre mettent de
l'hétérogénéité dans cette homogénéité.
expression synthétique du paradoxe homogène
/ hétérogène :
les divers frontons et le transept répètent
la forme du triangle, mais les dimensions de ces triangles sont très
hétérogènes
L'expression analytique de ce paradoxe est apportée par le contraste
entre le grand mur presque nu du transept (homogénéité
de la forme plane) et la cohorte de formes variées (hétérogénéité)
qui s'interpénètrent à ses pieds : des ronds, des
rectangles, des triangles, des biais, etc. et cela dans toutes les tailles.
expression analytique du paradoxe homogène
/ hétérogène :
le plan uniforme du grand mur du transept s'oppose
à l'hétérogénéité des formes
qui s'entassent à ses pieds
Le
4ème paradoxe : rassembler / séparer
Le transept et le chevet au choeur et aux chapelles arrondies sont tassés
l'un contre l'autre, rassemblés donc. Pourtant ils restent de formes
très étrangères, et l'ensemble apparaît comme
étant un chevet collé contre le transept et non pas deux
volumes fusionnés ensemble dans une même forme : dans notre
perception ils restent donc deux entités bien séparées,
d'autant que l'un se dresse verticalement, tandis que l'autre est plutôt
une forme qui s'étale (expression analytique).
expression analytique du paradoxe rassembler
/ séparer :
les chapelles et le choeur se tassent contre le
transept, mais les deux ensembles restent clairement séparés
dans notre perception
L'expression synthétique est donnée par le chevet et
ses multiples chapelles qui se groupent autour du massif arrondi du choeur
qui les domine : elles se rassemblent autour de lui, s'amassent à
lui, mais restent clairement perceptibles en tant que chapelle individuelle
faisant saillie sur le volume d'ensemble, c'est-à-dire se séparant
du volume d'ensemble.
expression synthétique du paradoxe rassembler
/ séparer :
les chapelles se groupent en amas autour du choeur,
et en même temps chacune d'elle s'extrait du déambulatoire,
montrant qu'elle forme un volume indépendant du volume général,
un volume que l'on peut donc repérer de façon séparée