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paradoxe 2

 
cycle du noeud
phase du classement - paradoxe 1
 
 
Couches laminaires dans un fluide
Société au milieu du XIXème siècle
 
 
 
         Quand on chauffe doucement un fluide, la chaleur diffuse dans toutes les directions et égalise sa température. C'est ce que l'on a vu à l'étape précédente.
         Mais si l'on chauffe trop vite pour que le mouvement brownien ait le temps de procéder au classement perpétuel des températures, que se passe t'il ? La réponse à cette question sera l'occasion de notre nouvelle étape.
         [nota : on peut trouver une présentation de ce phénomène physique dans l'analyse du 1er paradoxe de la Vénus de Lespugue dans la brève histoire de l'art]
 
         Quand par exemple le soleil chauffe très fort le sol, la chaleur renvoyée par le sol n'a pas le temps de se répandre dans l'air par diffusion, une colonne d'air chaud se forme alors et monte, son humidité se condensant plus haut sous la forme d'un nuage. On trouve le même effet provoqué par l'extrémité allumée d'une cigarette qui fait monter l'air au dessus d'elle è [autre fenêtre].
         Dans ces deux exemples un mouvement d'ensemble spontané des molécules est donc apparu pour former la colonne d'air, et c'est là le fait nouveau : un fluide dont le mouvement de diffusion est débordé par un trop grand décalage des températures ou des vitesses, soudain se délite en couches qui glissent les unes sur les autres.
         On appelle souvent "convection" ce mouvement par lequel l'eau ou l'air se fend soudain et se met en mouvement en couches séparées. Mais on se réfère à la convection en pensant aux cellules qui se forment parce que ces couches se referment en boucle les unes à côté des autres. Ce phénomène de boucle est dû au fait que les couches n'ont pas la place de se développer librement et qu'elles sont donc contraintes à se refermer. Ici, nous avons besoin d'isoler l'effet de délitage du fluide, sans tenir compte de l'effet de boucle qui s'y rajoute dans le processus de convection.
         Pour ce faire nous allons cesser d'observer l'augmentation de température, et nous allons plutôt observer l'effet des différences de vitesses qui se produisent dans un fluide. À ce stade, cela revient exactement au même, puisque le mouvement de convection que la chaleur ouvre dans le liquide est causé par une différence de vitesse entre molécules qui est trop importante pour que s'opère un rangement régulier et progressif des vitesses : les molécules se rangent alors par lits aux vitesses brutalement différentes, et ces lits glissent les uns sur les autres. C'est seulement à l'intérieur de chacune des couches que s'opère maintenant l'uniformisation perpétuelle des vitesses par le mouvement brownien. Chaque fois que l'épaisseur de la couche ou que la différence des vitesses à unifier dans une même couche devient trop grande, la couche se délite en plusieurs dont les vitesses moyennes sont différentes.
         On peut aussi considérer que les différences de vitesses que le mouvement brownien ne parvient plus à résorber sont dues à une autre cause que la chaleur. Cette cause peut être le déplacement d'un corps dans le fluide, à condition que sa vitesse ne soit trop grande et ne cause pas de tourbillons. Comme dans le cas de l'échauffement qui produit la convection, le déplacement du corps décompose le fluide en lames qui glissent les unes sur les autres. Les plus proches de l'objet ont une vitesse voisine de la sienne, et les plus éloignées on la vitesse moyenne du fluide. Chaque lame intermédiaire a une vitesse intermédiaire, et les vitesses de toutes ces lames se rangent en ordre régulier.
         Les physiciens appellent cela : un "courant laminaire".
 
 
écoulement laminaire autour de la voile d'un bateau
[d'après photo d'Eric Twiname, extraite du "Nouveau Cours de navigation des Glénans" aux éditions du Seuil]
 
         L'image ci-dessus est celle du courant laminaire qui se forme dans l'air le long d'une voile de bateau convenablement orientée, et qui ralentit le vent dans lequel elle est plongée.
         Un tel courant se produit aussi le long du profil d'une aile d'avion. Dans le cas du bateau, la stratification des vitesses est causée par le freinage de l'air qu'impose la présence de la voile. Dans le cas de l'aile d'avion c'est la cause inverse, puisque l'aile entraîne l'air et accélère sa vitesse. Freinage ou à l'inverse accélération, ce qui pour nous importe c'est qu'à chaque fois il y a un différentiel de vitesses que l'agitation brownienne des molécules ne parvient plus à résorber en progression continue : alors le fluide se tranche en couches autonomes et la vitesse moyenne devient brutalement différente entre chaque couche et la suivante.
 
 
Qu'y a t'il de paradoxal dans le délitage d'un fluide en couches laminaires ?
 
         Dans un fluide qui s'est ainsi délité, il n'y a aucune différence de nature entre ses différentes parties : cela reste un même fluide homogène fait des mêmes atomes ou des mêmes molécules. Mais en même temps ces couches définissent des frontières entre lesquelles la vitesse moyenne du fluide est différente, elles correspondent donc à une hétérogénéité du fluide. Dans une telle situation il y a donc simultanément de l'homogène et de l'hétérogène.
         On peut aussi envisager ce paradoxe d'une seconde manière : le délitage en couches est un moyen de préserver l'homogénéité de vitesse moyenne des molécules à l'intérieur de chaque couche au prix de la création d'un clivage brutal entre chacune. La naissance de couches laminaires permet donc de conserver l'homogène en créant des discontinuités, donc de l'hétérogène.
 
 
 
Une société tranchée en classes et en couches sociales

         Après la période révolutionnaire de la fin du XVIIIème siècle, la société occidentale continue à s'accélérer sous l'effet du développement technologique et économique de son capitalisme industriel en pleine expansion. Cette accélération atteint alors le stade où la société ne parvient plus à se ranger et à se lisser suffisamment au fur et à mesure que de nouvelles richesses se créent. Des inégalités se créent trop vite, qui ne peuvent être résorbées par le lent brassage des générations. Les riches deviennent de plus en plus riches et tout puissants, et les pauvres de plus en plus misérables et asservis. Comme dans un liquide, des stratifications se marquent alors de plus en plus nettement dans la société, et les contemporains ont tout naturellement appelé ces stratifications des "couches" sociales, ou des classes sociales.
         Bien sûr, il y eut alors lutte ouverte entre ces classes qui ne pouvaient plus se fondre suffisamment. Bien sûr Marx et Engels furent les théoriciens de ce fonctionnement particulier de la société, car bien sûr le marxisme est une philosophie du milieu du XIXème siècle et non pas une philosophie du XXème.
         Dans la description marxiste de la société, cette stratification est parfois poussée très loin, puisqu'on y parle par exemple "des paysans moyens de la couche supérieure" ou de "la couche inférieure de la moyenne bourgeoisie".
 
 
 
Traduction dans l'art et la musique du paradoxe "homogène / hétérogène"
 
         Pour une raison que nous expliquons ailleurs [ F voir cette explication] ce n'est qu'à l'étape suivante de l'évolution de la société que ce paradoxe sera le paradoxe caractéristique de l'architecture. Il correspond au fonctionnement de la société occidentale dans le courant du XIXème siècle, mais il ne sera le paradoxe dominant dans l'architecture qu'à la fin de ce siècle et au tournant du suivant, dans le style usuellement appelé de l'Art Nouveau. Cependant nous devrons faire une distinction entre certaines expressions de l'Art Nouveau qui relèvent de ce paradoxe, et d'autres expressions qui relèvent elles du paradoxe suivant de la complexité. Pour les différencier nous les nommerons Art Nouveau -1- et -2-.
 
         è architecture     deux exemples d'architecture de l'Art Nouveau -1- :
                                                Van de Velde : le magasin de la Havana-Compagnie à Berlin
                                                Guimard : station de métro Porte Dauphine à Paris
         è musique          les expressions caractéristiques de cet effet
 
 
 
Et l'architecture au XIXème siècle ?
 
         Comme indiqué au début du paragraphe précédent, le paradoxe en jeu dans l'architecture d'une époque est toujours en retard d'une étape sur l'évolution des paradoxes en jeu dans la dynamique même de la société.
         La dynamique en cours avant le XIXème siècle est celle de la société de la période révolutionnaire de la fin du XVIIIème siècle, fondée sur le paradoxe "ça se suit sans se suivre".
         On peut :
 
         è      aller voir l'explication de la cause de cette situation paradoxale
                   où le classement selon la hiérarchie sociale est à la fois significatif et indifférent
         è      voir directement des exemples d'architecture du milieu du XIXème siècle
                    (Garnier : l'escalier de l'Opéra de Paris
                      et Labrouste : la salle de lecture de la Bibliothèque Nationale à Paris)
 


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