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phase de l'organisation 
paradoxe 0

 
cycle du noeud
phase du classement - paradoxe 3
 
 
Ies couches laminaires
s'enroulent en spirale
Société dans la seconde partie du XIXème siècle
 
 
 
 
         À l'étape précédente nous examinions un fluide qui connaissait en son sein des différences de vitesses trop importantes pour qu'elles se contentent de provoquer son délitage en couches laminaires glissant l'une sur l'autre. On était au début de la turbulence, et celle-ci avait pu résorber les différences de vitesses par des imbrications locales mais nécessairement répétées des deux couches aux vitesses trop hétérogènes pour pouvoir se supporter. C'était une sorte de bricolage sur la frange de ces deux couches, créant entre elles deux une zone tampon chahutée qui épargnait à l'ensemble de la couche d'avoir à composer avec sa voisine.
         Lorsque l'on augmente encore la différence de vitesse au sein du fluide, ce bricolage sur la frange ne peut plus suffire, et c'est tout le volume du fluide qui va devoir se coordonner dans un grand mouvement d'ensemble pour y faire face. La nouvelle organisation caractéristique que se trouve le fluide est alors le tourbillon en spirale. C'est une organisation fréquemment rencontrée dans les phénomènes naturels : le tourbillon en spirale donne sa forme à de nombreuses galaxies, aux cyclones et anticyclones de l'atmosphère, aux tornades, à bon nombre de tourbillons que l'on voit dans l'eau, etc.
         [nota : on peut trouver une présentation de ce phénomène physique dans l'analyse du 3ème paradoxe de la Vénus de Lespugue dans la brève histoire de l'art]
 
 
écoulement cisaillé puis en spirale derrière une voile de bateau trop bordée
[d'après photo d'Eric Twiname, extraite du "Nouveau Cours de navigation des Glénans" aux éditions du Seuil]

         Cette photographie représente la déformation d'un courant d'air dévié par la voile trop bordée d'un voilier. De la gauche vers la droite, on reconnaît d'abord le régime laminaire, puis le régime des cisaillements de l'étape précédente, puis enfin de larges volutes spiralantes qui s'épanouissent et qui sont l'objet de la nouvelle étape que nous envisageons.
         Derrière la voile perpendiculaire au vent incident, l'air ne peut plus rester laminaire car les couches d'air ne peuvent faire un détour aussi brutal sans se décoller l'une de l'autre. La partie située juste derrière la voile est à l'abri du vent qui arrive, ce qui lui permet de supporter sous forme de lames cisaillées le conflit entre des régions d'air immobile et des régions d'air en rapide mouvement. L'air situé plus au large, subit lui de plein fouet le contraste de vitesses entre l'air qui reste prisonnier derrière la voile et l'air qui file à toute allure sur les côtés. Pour concilier lenteur et grande vitesse, cette partie du flux d'air doit trouver un moyen plus radical que celui des petites interpénétrations répétées du régime cisaillé.
         Ce moyen est donc la spirale.
         Avant que le fluide ne commence à se cisailler, nous avions assisté à deux étapes successives du  rangement de ses molécules par ordre de vitesse : d'abord de façon continue par la diffusion brownienne è [rappel dans une autre fenêtre], puis par des sauts brutaux entre des couches laminaires séparées è [rappel dans une autre fenêtre]. La spirale est tout simplement le résultat du retour en force de ces deux modes de rangement auxquels l'épisode des cisaillements ouvre la possibilité d'une nouvelle jeunesse : les cisaillements amorcent des imbrications entre couches, commencent un mélange en profondeur des différentes zones du fluide, puis le classement par diffusion et le classement laminaire profitent de ces amorces pour y cohabiter sans se nuire et amplifient leur collaboration en transformant ces amorces d'imbrication en volutes continues de spirales : dans la spirale en effet les couches cessent d'être cisaillées et entrecoupées, elles redeviennent des couches continues empilées en ordre de vitesses qui augmente graduellement, et à l'intérieur de chacune d'elles un mélange continu par diffusion peut se faire depuis le centre de la spirale vers sa périphérie. Dans la forme de la spirale, on obtient donc un croisement parfait entre le classement sans coupure par diffusion qui s'effectue en tournant avec la spirale, et le classement par couches séparées qui s'effectue lui dans les sens radiaux à la spirale.
 

 
        L'étape de la spirale est donc très exactement la combinaison des trois étapes précédentes : le classement sans coupure (mélange brownien), le classement par coupures (couches laminaires), et le classement par croisements qui fut notre dernière étape. Dans la présentation résumée de l'évolution de l'ensemble de la phase du classement, nous ne manquerons pas bien entendu d'utiliser cette propriété d'addition.

         Que la vitesse soit progressive du centre vers la périphérie de la spirale, cela se comprend facilement : puisque la forme de spirale demeure, toutes ses parties font un tour dans le même laps de temps, et comme les parties externes ont plus de chemin à parcourir que celles proches du centre, elles circulent donc à une vitesse d'autant plus grande qu'elles sont éloignées du centre. Cette ségrégation des vitesses s'accomplit d'abord par diffusion le long du parcours de chaque spire, et comme les spires sont très longues le mélange uniformisant dispose d'une grande longueur pour se réaliser sans à-coup. Puis, dès que cette longueur s'avère insuffisante, une nouvelle couche se sépare, qui divise d'autant le différentiel de vitesse à amortir dans la longueur d'une même spire.
         À son échelle globale, la spirale représente aussi un compromis entre les deux vitesses extrêmes qui se confrontent : elle se déplace à la vitesse de la couche la plus lente (si cette couche est arrêtée la spirale est alors fixe), ce qui permet que cela se déplace globalement à la vitesse la plus lente, et dans le même temps elle tourne à la vitesse imposée par la couche la plus rapide, ce qui permet que cela se déplace aussi à cette vitesse la plus rapide.

         À l'approche du XXème siècle, comme un fluide que la vitesse déforme, on suppose que la société occidentale parvient elle aussi à un stade d'accélération qui ne se suffit plus d'imbrications ponctuelles répétées entre couches sociales. Un nouveau mode de classement de la société doit se trouver pour organiser l'imbrication de classes sociales aux différences de plus en plus marquées et de plus en plus inconciliables.
         Comme pour un fluide, l'organisation en spirale s'offre alors comme la solution qu'impose ce stade de l'accélération de la société.
 
 
 
Qu'y a-t-il de paradoxal dans la forme d'une spirale ?
 
         Le caractère paradoxal de cette situation provient de la synchronisation étonnante que manifeste une organisation en spirale qui s'élargit avec une régularité impeccable, bien qu'elle ne dispose d'aucun axe, d'aucun centre, d'aucun élément continu dans le sens radial. Usuellement, un phénomène régulier dispose de l'un ou de plusieurs de ces caractères géométriques, car ils sont le signe ou le moyen de sa régularité : cela suit un axe régulier, cela tourne régulièrement autour d'un centre, cela s'étale en s'écartant régulièrement d'un même point, etc. Cette synchronisation, obtenue dans une spirale comme par miracle, sans aucun des repères communs habituels qui permettent d'organiser une régularité dans tous les sens et à toutes les échelles, nous l'avons dénommée le paradoxe synchronisé / incommensurable.
 
 
 
Traduction dans l'art et la musique du paradoxe "synchronisé / incommensurable"
 
         Pour une raison que nous expliquons ailleurs [ F voir cette explication] ce n'est qu'à l'étape suivante de l'évolution de la société que ce paradoxe sera le paradoxe caractéristique de l'architecture. Il correspond à un fonctionnement de la société occidentale qui commence à s'installer vers le milieu du XIXème siècle, mais il ne sera un paradoxe dominant dans l'oeuvre de certains architectes qu'au début du siècle suivant. Du fait de la transformation de plus en plus rapide de la société, ce fonctionnement commence à s'installer avant même que le précédent ait eu le temps de se généraliser, de telle sorte que les artistes qui correspondent à des étapes successives de la complexité se retrouvent en fait parfaitement contemporains. Pour cette raison nous avions déjà dû découper en deux le style de l'Art Nouveau, les architectes du "synchronisé / incommensurable" ne sont pas significativement décalés dans le temps des architectes de l'Art Nouveau, mais à leur propos on parle plutôt d'art "moderne".
 
         è architecture     deux exemples d'architectures qui fonctionnent en synchronisé / incommensurable :
                                                Wright : une "maison dans la prairie"
                                                Aalto : Maison de la Laponie à Rovaniemi
         è musique          les expressions caractéristiques de cet effet
 
 
 
Et l'architecture de la société qui "synchronise l'incommensurable" ?
 
         Comme indiqué au début du paragraphe précédent, le paradoxe en jeu dans l'architecture d'une époque est toujours en retard d'une étape sur l'évolution des paradoxes en jeu dans la dynamique même de la société.
         La dynamique précédente de la société était fondée sur le paradoxe "rassemble / sépare", c'est donc ce paradoxe qui fonctionne dans l'architecture des architectes qui vivent dans une société qui fonctionne de façon "synchronisé / incommensurable".
         On peut :
 
         è      aller voir l'explication de la cause de cette situation paradoxale "rassemble / sépare"
         è      voir directement des exemples de l'architecture "rassemble / sépare" qui forme l'Art Nouveau -2-
                    (Mackintosh : la salle de réception de la "Maison d'un Amateur d'Art"
                      et Olbrich : porte de la maison Glückert à Darmstadt )
 


F     Synthèse de l'évolution pendant la phase du classement 
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