a- L’Antiquité
Dans la continuité de
la civilisation mésopotamienne, les
penseurs grecs observent les astres dont ils relèvent les positions.
Malgré la défiance qu’ils éprouvent à l’égard
de leurs sens, ils se laissent abuser par ceux-ci et pensent que les astres
sont fixés sur une sphère céleste qui tourne autour
de la Terre à vitesse uniforme. Aristote, conscient des insuffisances
de ce modèle, le remplace par 55 sphères imbriquées
les unes dans les autres et qui ont en commun leur centre, la Terre. Il
pense que l’état naturel des choses est d’être
au repos. Pour expliquer le mouvement des astres autour de la Terre, il
postule donc l’existence d’un premier moteur, immobile et éternel,
extérieur au cosmos, qui actionne ces sphères. Cependant
il distingue de ce monde parfait le monde sublunaire, qui n’obéit
pas aux mêmes lois, et dont les mouvements ‘naturels’ des éléments
sont rectilignes vers le haut, pour l'air et le feu et vers le bas pour
la terre et l'eau.
Aristarque de Samos (v. 301-v. 250 av. J.-C.) s’élève
contre cette conception et affirme que c’est le Soleil qui est au
centre de l'Univers et que tous les astres errants, y compris la Terre
et à l'exception de la Lune, tournent autour de lui. C'est le modèle
héliocentrique, qui rend très bien compte des phénomènes
observés et que l'on attribuera plus tard à Copernic. Il
ne sera jamais adopté car ses contemporains lui opposent qu’il
est difficile de concevoir que la Terre soit en mouvement alors qu'on ne
le sent pas.
Hipparque (190-120 av. J.-C.) améliore le modèle aristotélicien
en introduisant un artifice. Il fait tourner les planètes sur
des épicycles
(de petits cercles) qui évoluent chacun le long d’un cercle
déférent dont le centre est la Terre. L'élaboration
de ce système constitue un progrès capital dans l'astronomie
antique et rend possible la confection de tables très précises
et très fiables. Elles permettront, par exemple, les premiers
calculs d'éclipse solaire. Dès lors, la théorie
géocentrique,
fût-elle fausse, fonctionne. Le Grec Ptolémée (90-168)
s’en inspirera pour rédiger l’Almageste, un traité d’astronomie
qui aura une forte influence d’abord sur le monde arabo-byzantin
(jusqu’en Inde), puis le monde occidental à partir du XIIe
siècle. Ses tables astronomiques qui déterminent la position
des astres fixeront pendant les 1300 ans à venir le modèle
géocentrique d’Hipparque et serviront aux astronomes, astrologues,
détenteurs de calendriers et navigateurs.
b- Giordano Bruno et Galilée
Inspiré par Copernic qui détrône la Terre du centre du monde pour y placer le Soleil, Giordano Bruno va plus loin et opère une double révolution. Il conçoit un univers infini, empli d’une infinité de mondes, où ni la Terre, ni le Soleil n’occupent une place prépondérante. Ce faisant, il rejette l’idée d’un moteur extérieur et postule que ce monde est naturellement dynamique, et caractérisé par son mouvement intrinsèque. Il détruit la fausse preuve de la fixité de la Terre avancée par Aristote en utilisant une analogie : si on lance une pierre du haut du mât d'un bateau en mouvement, celle-ci tombera toujours au pied du mât, quel que soit le mouvement du bateau par rapport à la rive. Bateau, mât et pierre forment ensemble ce qu'on appellera plus tard un système mécanique, dont il est impossible de déceler le mouvement par des expériences réalisées à bord de ce système. En montrant qu'on ne peut envisager le mouvement d'un corps dans l'absolu, mais seulement de manière relative, en relation avec un système de référence, Bruno ouvre la voie aux travaux de Galilée.
En septembre 1610, dix ans après la condamnation de Giordano Bruno par l’Inquisition italienne à avoir la langue coupée et être brûlé vif, Galilée (1564-1642) découvre dans sa lunette que Vénus présente des phases analogues à celles de la Lune, mais avec une taille et un éclairement variable. Il observe aussi les irrégularités de la surface lunaire, quatre satellites évoluant autour de Jupiter et les innombrables étoiles qui composent la Voie lactée. Ces observations lui donnent l'intuition de la profonde unité du monde terrestre et céleste et la preuve du système héliocentrique. D’autre part, l'étude du mouvement des corps à l'aide d'expériences avec des plans inclinés lui fait découvrir la notion de force et lui permet la première formulation du principe d'inertie : tout corps conserve sa vitesse initiale, à moins qu’une force extérieure (comme celle du frottement par exemple) ne l’oblige à modifier son mouvement, c’est à dire sa vitesse et, éventuellement, sa trajectoire. Ce principe constituera la pierre angulaire de l’œuvre de Newton. Galilée en déduira une autre conséquence, celle de la relativité des mouvements qui sera fondamentale pour Newton et qu’Einstein reformulera : si un observateur regarde un objet se déplacer à une vitesse V, un second observateur qui se déplace par rapport au premier à la vitesse V1 verra l’objet se déplacer à la vitesse V-V1.
c- Descartes
Contemporain de Galilée dont il suit attentivement les réflexions, Descartes (1596-1650) est aussi partisan du système héliocentrique : « Nous expliquons, dit-il, l'état actuel de l'univers en nous figurant que les parties de la matière ont eu dès le début (car la matière et le mouvement ont été créés simultanément) un mouvement tourbillonnant autour de certains centres. Dans ces centres ont dû se rassembler les parties plus petites qui se sont formées pendant le mouvement tourbillonnant par le frottement réciproque des parties plus grandes. De cette façon se sont formés les différents corps célestes grands et petits. Quelques-uns de ces corps célestes ont peu à peu perdu leur indépendance et ont été entraînés par les tourbillons qui circulent autour de corps célestes plus gros. Il en a été ainsi de la Terre. » Pour lui, les lois du mouvement deviennent les lois suprêmes de la nature. De l'immutabilité de Dieu, qui est une partie de Sa perfection, Descartes déduit que la quantité de mouvement produite lors de la création reste invariable. Aucun mouvement ne se perd et aucun ne se crée. Selon lui, c'est la force divine sans cesse active dans le monde qui est constante et dont dérive la constance du mouvement. Descartes croit pouvoir dire d'après sa théorie que la Terre est immobile puisqu'elle ne modifie pas sa place dans le milieu qui l'entraîne dans son tourbillon autour du Soleil.
d- Newton
Newton (1643-1727) unifie la science du mouvement grâce à la notion de force et l’énonciation de la loi de la gravitation universelle : la force qui s’exerce entre les planètes qui composent le monde est une attraction proportionnelle au produit de leur masse et inversement proportionnelle au carré de la distance qui les sépare. Tous les phénomènes physiques sont soumis aux mêmes lois et aux mêmes principes, aussi bien les phénomènes célestes - mouvements des planètes, de leurs satellites et des comètes - que terrestres - mouvements des marées, forme de la terre... Cependant, Newton met en garde ceux qui verraient l'Univers comme une simple machine : « La gravité, dit-il, explique le mouvement des planètes, mais elle ne peut expliquer ce qui les mit en mouvement. Dieu gouverne toutes choses et sait tout ce qui est ou tout ce qui peut être. J'ai expliqué jusqu'ici les phénomènes célestes et ceux de la mer par la force de la gravitation, mais je n'ai assigné nulle part la cause de cette gravitation. » Ses recherches scientifiques visent à intégrer la mécanique et l'alchimie en une synthèse réconciliant la vision corpusculaire et neutre de la matière d'une part et les interactions à distance (ou « affinités ») d'autre part, ce qu'il réalisera grâce à l'introduction du concept de force. Ce dernier, et notamment la force d'attraction gravitationnelle, bien qu'actuellement considéré comme le fondement même de la mécanique, était considéré à l'époque par les mécanistes comme une résurgence de l'occultisme et provoqua de vives réactions comme celle de Christiaan Huygens qui écrit en 1687 quelques jours après la sortie des Principia : « Je souhaite de voir le livre de Newton. Je veux bien qu'il ne soit pas cartésien pourvu qu'il ne nous fasse pas des suppositions comme celle de l'attraction. » Certains considèrent que l'alchimie est présente à des degrés divers dans toute l’œuvre scientifique de Newton et qu'elle permet d'en comprendre la genèse, voire l'unité.
e- Einstein
La loi de la gravitation universelle demeure en vigueur
jusqu’en
1915, date à laquelle Albert Einstein publie la loi de la relativité générale.
Il démontre qu’un corps pesant comme une étoile a un
effet direct sur son environnement spatial et temporel. Les corps passant à son
voisinage sont accélérés et déviés.
L'interprétation du mouvement d'une planète autour de son étoile
au moyen de la relativité générale est la suivante.
L'univers est constitué par un maillage plat (en 4 dimensions !)
- l'espace-temps - déformé par la masse des objets qui s'y
trouve. Plus la masse de l'objet est grande, plus le maillage est déformé.
Le champ de gravité déforme l'espace-temps à la manière
simpliste (en 2 dimensions) d'une toile tendue sur laquelle sont posées
des billes plus ou moins lourdes en guise d'étoiles. La toile se
déforme autour de la bille qui plonge dans son trou. La toile est
courbe au voisinage de la bille. Elle perd sa courbure à grande
distance et devient plate. Une planète suit les géodésiques
créées par son étoile, c’est à dire le
chemin le plus court pour joindre deux points d'une surface courbe.
La principale confirmation de cette loi aura lieu le 29 mai 1919. Deux
expéditions sont envoyées pour observer simultanément
en deux lieux éloignés la position d’une étoile
dont le rayonnement passe tout près du Soleil éclipsé derrière
la Lune. Selon Newton, du fait que les objets s'attirent en raison de leur
masse, la lumière, qui n'en possède pas, ne devrait pas être
déviée en passant auprès d'une étoile. Pour
Einstein au contraire, la lumière suit les géodésiques
de l'espace-temps courbe et elle doit être déviée à proximité de
la masse du Soleil. Les astronomes font leurs mesures et constatent qu’effectivement
l’image de l’étoile paraît déplacée.
L'observation donne raison à Einstein.
Introduction - 1/ Le monde plein ou vide - 2/ Les causes du mouvement - 3/ La lumière - 4/ L’âme - 5/ La matière - Conclusion
Exposé de Cathy Constant-Elissagaray devant les membres de l'association Astronomie Côte Basque | Un univers réel ou un monde imaginé ? |
5 mars 2010 |