Le contexte :
Mulder a donc disparu, il va falloir s'y faire... C'est l'Agent Spécial John Doggett - et non Scully, sa partenaire, ou Skinner son supérieur - qui est chargé de l'enquête. Il est nommé par le nouveau directeur-adjoint Kersh dont le but semi-avoué est de torpiller les Affaires Non Classées...
Le double niveau de lecture :
- La fiction : Les changements considérables qui surviennent au FBI semblent directement liés et comme permis par la disparition de Mulder. Kirsh ne cache pas son hostilité envers toute théorie "ufologique". John Doggett est un ancien policier de terrain (au New York Police Department) et la chasse à l'homme est organisée selon la procédure standard ; des hordes d'agents investissent d'innombrables lieux et "épluchent" d'énormes quantités de paperasse. C'est d'ailleurs par ce biais que Scully entre en contact avec Doggett, lequel a fait saisir la moitié des cartons du bureau de Mulder.
- La réalité : D'entrée de jeu, donc, Chris Carter sonne la reprise en main. Puisque Duchovny fait des caprices de star et joue l'arlésienne, le créateur de la série recentre celle-ci sur ses valeurs fondatrices : une qualité graphique irréprochable, un scénario mêlant habilement les pistes contradictoires et surtout des personnages fouillés et des acteurs à la hauteur. Paradoxalement, l'absence de l'acteur fétiche des X-Files redonne de la vigueur à tous les autres (surtout Gillian Anderson et Mitch Pileggi, excellents de bout en bout). Robert Patrick, dans le rôle de John Doggett fait une entrée remarquable et remarquée. La preuve est faite dès ce début de saison que les absents ont toujours tort.
Le spectre de Mulder :
Car, malgré cela, Mulder est omniprésent !
1°) Le prégénérique nous montre un cauchemar de Scully. Mulder baigne dans une espèce de liquide amniotique et un cordon lui sort de la bouche. 2°) Dès leur première conversation, Scully et Doggett se livrent à un duel dont le vainqueur gagnera la médaille du plus fidèle serviteur de Mulder. Doggett, qui commence par taire son identité, tente d'emblée d'affaiblir Scully par des rumeurs plus ou moins infamantes qui piquent la jalousie de cette dernière. Dans cette joute, il remporte incontestablement la première manche. Le gobelet d'eau que Scully, outr(ag)ée, lui lance à la figure l'atteste. |
3°) L'épisode est également "entrelardé" de scènes où Mulder, à l'intérieur d'un vaisseau extra-terrestre est soumis à diverses tortures (apparemment les mêmes que Duane Barry dans 2X05/06 Duane Barry/Ascension).
Dans une scène émouvante - qui est un écho inversé de celle où Mulder regardait la pierre tombale de Scully dans 2X08 One Breath/Coma - Scully contemple la pierre où le nom de son coéquipier est inscrit. |
4°) Enfin, Mulder est vu vivant par plusieurs témoins (le propriétaire de Scully, les caméras de surveillance du FBI à Washington, Gibson Praise puis Doggett), transformant celui-ci en Lazare ressuscité des morts ! C'est Scully qui comprend la vérité : le tueur extra-terrestre a pris son apparence pour dérober les ordinateurs de Mulder et Scully, ainsi que les dossiers X, avant de tenter de kidnapper Gibson Praise. Doggett l'intercepte à temps, mais le faux Mulder se jette dans le vide et se relève d'une chute de cinquante mètres ! |
Le chaînon manquant :
L'habileté du scénario repose sur la réintroduction de deux éléments anciens :
- le dérèglement (hyperactivité) cérébral de Mulder, découvert à la fin de la 6ème et au début de la 7ème saison (voir 6X22 Biogenesis et 7X01/02 The Sixth Extinction I/II). Ce rappel permet à Doggett d'avancer la thèse selon laquelle Mulder, se sachant atteint d'un cancer à évolution ultra-rapide, aurait décidé d'organiser sa propre disparition afin de gagner du temps pour achever sa quête. Théorie suffisamment plausible pour ébranler un instant Scully et même Skinner qui fut pourtant témoin oculaire de l'enlèvement de Mulder.
- l'enfant prodige Gibson Praise, dont une anomalie génétique lui permet d'entendre les pensées des autres. Sa réapparition coïncide, comme la première fois (voir 5X20 The End et 6X01 The Beginning) avec celle du tueur extra-terrestre. Rappel : son cerveau, qui synthétise naturellement le "virus des abeilles" (voir film), a la faculté d'entrer en communication sensorielle avec la créature alien, elle-même issue d'une mutation du "pétrole noir".
Le retour des informateurs anonymes :
Cette ficelle narrative - usuelle dans les X-Files (cf. Gorge Profonde, X, Les Lone Gunmen, etc.) - profite maintenant à Doggett. Le but recherché est double :
1°) nous présenter ce nouveau personnage comme fiable et compétant mais aussi en partie mystérieux ; d'où tient-il cet énigmatique "contact" providentiel qui glisse le dossier de Gibson sous sa porte ?
2°) placer d'emblée Doggett sur un pied d'égalité avec Scully où Skinner. Il a ses sources, ses méthodes, ses théories et elles valent bien celles des autres.
Du coup, Scully enquête de son côté avec Skinner et les deux équipes (l'officielle et l'officieuse) se tirent dans les pattes ! Comment ne pas y voir une critique à peine voilée du fonctionnement des services de renseignement américains. Des agences rivales qui enquêtent sur un même sujet et se paralysent mutuellement, voilà qui ne relève guère de la fiction mais de la triste réalité. sans parler des espions amateurs (tels les pittoresques Lone Gunmen) qui risquent toujours d'entraver la progression d'une investigation, voir d'empêcher l'appréhension d'un coupable (cf. le non moins sympathique Max Fenig dans 1X09 Fallen Angel).
Tout se passe donc comme si, depuis la disparition de Mulder, la paranoïa avait contaminé tous les personnages (voir suite : 8X02 Without/Chasse à l'homme II).
Matthieu's review | 8X02 Without/Chasse à l'homme (2/2) |