Passion Carillon

Un instrument de fou !


 

Autrefois, dans les cours princières et royales, les clochettes et grelots étaient le symbole des bouffons et des fous. Mais, ne faut-il pas encore être "fou" pour mettre en branle ces instruments si curieux, composés de cloches et que l'on nomme "Carillon"?

La plupart des musiciens possèdent et soignent avec un soin jaloux leur propre instrument qu'ils connaissent du bout des doigts et qu'ils emmènent partout avec eux. Ils peuvent ainsi répéter et s'entraîner des heures durant chez eux, à l'abri du bruit et des oreilles indiscrètes. Dans le pire des cas, pour les organistes, il faudra aller jusqu'à l'église la plus proche. Mais, pour le carillon ? Si vous voulez vous mettre au carillon, que vous faudra t-il faire car ici, pas question de posséder son propre instrument à moins d'être Roquefeller en personne !

Pour carillonner, il faudra tout d'abord remplir trois conditions indispensables :

- 1 - Habiter dans une ville possédant un carillon (soit, en France, a peu prés une chance sur mille !)

- 2 - Que ce carillon soit en état de marche (ce qui n'est pas toujours évident...) et qu'il ne soit, "électrique".

- 3 - Obtenir enfin toutes les autorisations municipales ou ecclésiastiques, voir les deux, quand les deux autorités ne se renvoient pas la balle..., de même que la "bénédiction" du titulaire, s'il y en a un.

Quand ces trois conditions sine qua non sont remplies, commencent alors seulement les difficultés...

Ils sont fous ces carillonneurs…

Tout d'abord, ce sera un nombre respectable de marches qui attendra le postulant à chaque fois qu'il voudra jouer de son instrument. Pour cela, il devra parfois "escalader" jusqu'à 360 marches comme à Saint Amand les Eaux, au milieu d'escaliers (voire d'échelles...) plus ou moins tortueux, plus ou moins abrités des intempéries et des volatiles les plus divers...

Ils sont fous ces carillonneurs...

Une fois arrivé au sommet de la tour, il se trouvera, la plupart du temps, dans un espace exigu, face à une sorte de clavier de géant dont les touches archaïques sont si espacées qu'il faudra en jouer des poings, les seuls doigts ne suffisant plus... Souvent, pour corser encore la difficulté, on a trouvé bon de rajouter un pédalier ! (comme si la seule montée ne constituait pas en elle même une gymnastique suffisante!)

Ils sont fous ces carillonneurs...

Et encore, jusque là vous n'avez pas "touché" le clavier ! Quand vous aurez essayé, vous comprendrez pourquoi les poings sont nécessaires car il s'agira pour jouer, de mettre en branle des tonnes et des tonnes de bronze ! Gare à l'imprudent qui essayera sans protection car il risque bien de redescendre les mains en sang ou tout au moins, avec de belles cloques (et non cloches...).

Ils sont fous ces carillonneurs...

Bien entendu, compte tenu des particularités de l'instrument, semblable à aucun autre, il faudra apprendre… (ou réapprendre si l'on joue déjà d'un instrument !). Et, là aussi, ça se corse ! Où apprendre, où s'entraîner ailleurs que sur le carillon lui-même, ce qui, outre les difficultés évoquées plus haut, soulève un autre problème : le voisinage ! On aura tôt fait de vous faire observer que les voisins se plaignent et qu'ils ne supportent plus tout ce bruit. (On ne vous parlera évidemment pas de ceux qui ouvrent leurs fenêtres pour écouter mais qui eux, sont beaucoup plus discrets...). De même, pour vous encourager dans votre dur apprentissage, les collègues de travail sauront vous faire observer que "c'était pas fameux aujourd'hui !".

Ils sont fous ces carillonneurs...

Si l'on veut travailler son instrument, il faudra alors recourir à un ersatz : un "clavier d'étude", pas facile à trouver et, la plupart du temps faux... Reste alors la solution de "bricoler" son propre clavier pour pouvoir travailler chez soi, tout en sachant que ni le toucher, ni le son, ni le résultat sonore ne seront les mêmes que sur le grand carillon !

Ils sont fous ces carillonneurs...

Il faut dire d'ailleurs que pour jouer de cet instrument, il vaut mieux savoir bricoler ! Le temps n'est plus certes où le carillonneur devait construire son clavier à son entrée en poste, mais il faut encore savoir jongler avec les élastiques, chambres à air et autres bouts de fil de fer, quand il ne faut pas faire l'acrobate pour réparer une transmission cassée au dessus de la cabine...

Ils sont fous ces carillonneurs...

Il faut dire aussi que l'entretien n'est pas facile et que très souvent il laisse à désirer... Encore, reste t-il à souhaiter pour vous que l'instrument soit ''juste " car ici, pas d'accordage possible...

Ils sont fous ces carillonneurs...

Même, si un jour vous arrivez à passer maître dans le jeu de l'instrument, les difficultés ne seront pas totalement aplanies car on vous demandera alors d'assurer X prestations, sans toujours avoir la juste contrepartie financière. Par ailleurs, si vous avez la chance d'être invité à jouer sur un autre carillon, il vous faudra vous "réhabituer", chaque clavier étant unique, ou presque !

Ils sont fous ces carillonneurs...

En résumé, que diriez-vous d'un musicien qui voudrait jouer d'un instrument rarissime et archaïque, qu'il ne peut posséder et qui pose tant de problèmes les plus divers qu'il faut une sacré persévérance (ou inconscience !) pour continuer à s'y intéresser ? C'est un fou !

Et oui! Et pourtant, des carillonneurs, j'en ai rencontré. Est-ce à dire qu'ils (ou elles) sont tous bons pour l'asile ? Certes non ! (D'ailleurs rares sont les maisons de repos qui possèdent un carillon !). Simplement, s'ils sont "fous"... c'est de leur instrument !

Le Jacquemart*

 

* D'après Alain Jouffray; le "Jacques (qui) Martel(le)"

Mise à jour : lundi 08 décembre 2014