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Poeme : Le Carillon

Le carillon du beffroi de Bergues - Articles divers

LE CARILLON DE SAINT-WINOC

Autrefois, le carillon du Beffroi avait un rival sérieux à l'Abbaye de Saint-Winoc, où Dom Charles II d'Argenteau en 1643, avait fait monter sur la Tour Blanche, un carillon qui, avec les autres cloches du monastère, avait coûté 32.000 florins. Mais en 1657, sur les conseils du Marquis de Caracena, prévoyant la prise de la ville par les Français, il avait vendu ses cloches à Bruges et à Gand pour les soustraire à la rapacité du vainqueur.

Durant plus de quarante ans les tours restèrent vides et silencieuses, jusqu'au moment où Dom Jansseune en I700 donna mission aux frères Toussaint et Pierre Cambron, de Lille, de fondre un ensemble de quarante cloches. Cette importante opération, qui s'accomplit par fractions dans les cours de l'Abbaye, dura près d'un an ; la première cloche, appelée Winoc, la plus grande du pays, naquit le 23 août 1700 ; et la dernière de toutes, celle du réfectoire, ne vit le jour que le 14 juin 1701. A chacune on donna le nom d’un saint ou d'une sainte, et le P. Vandenbogaerde, religieux et chantre de l'Abbaye, composa en vers latins une série d'inscriptions originales que l'on grava en relief sur le bronze.

Grande et impressionnante fut la cérémonie du 12 juin 1701, quand le Révérendissime procéda à la bénédiction solennelle de trente-deux cloches, en présence d'un immense concours de peuple. Elles étaient suspendues, les unes dans le chœur, les autres devant l'entrée. Après la bénédiction le prélat officiant passa dans les rangs de ce bataillon de bronze, et, mettant en branle les battants, fit parler toutes ces dames sonnantes, l'une après l'autre, depuis le ton le plus grave jusqu'au plus aigu.

Le 11 août suivant, toutes les cloches étant placées, trente-cinq dans la Tour Blanche, cinq dans la Tour Bleue. Le mécanisme étant réglé, le carillon, qui comprenait trente cloches, commença son jeu.

Cet orgue aérien était, paraît-il une merveille ; les sons bien timbrés et bien purs se fondaient pour assurer une harmonie parfaite qui enchantait l'oreille. A cet égard c'était l'opinion générale que le carillon de l'abbaye l'emportait de beaucoup sur celui du Beffroi. On venait de loin pour l'entendre; sa réputation bien établie avait franchi les frontières; et, au milieu du XVIIIè siècle, lorsque le carillon de Bruges fut détruit par un incendie, le Magistrat de cette ville offrit à Dom Ryckewaert, abbé de St Winoc, 40.000 florins argent de Brabant pour le carillon seul, non comprises les trois grosses cloches qui pesaient à elles seules plus que toutes les autres ensemble.

En 1782, l'artiste que le Magistrat de Bergues fit venir pour refondre la cloche du Ban, estima toutes celles de St Winoc, dont il admira le son, à, 60.000 écus.

Sous la Révolution, tous les biens des communautés religieuses ayant été mis par un décret de la Constituante, à la disposition de la nation, les cloches de St Winoc étaient destinées au sacrifice comme tout le reste. Elles furent descendues en 1791 et rassemblées à l'Hôtel de Ville, en attendant qu'elles furent transportées à Lille ou à Paris pour être converties en canons ou en grosse monnaie révolutionnaire.

        A Bergues, les amis des belles choses déploraient la disparition de cet admirable arsenal de musique et s'efforçaient de le sauver de la destruction. Dans une lettre adressée le 22 septembre 1701 à M. Herwyn, député à l'Assemblée Nationale, un avocat, M. Roussel, receveur des Domaines, proposait le moyen suivant: " On parle de fondre toute cette superbe sonnerie qui sans contredit est la plus harmonieuse de toute la France ; la façon vaut beaucoup plus que la matière; en vendant dans la Flandre autrichienne les cloches et le carillon, on verserait certainement en France pour prix de l'achat autant de cuivre pur que les cloches pèsent, ce qui fournirait un bénéfice considérable pour la nation en conservant dans le pays un beau monument de l'antiquité...". Et il ajoutait, mêlant la note pittoresque à beaucoup de sagesse: " Vous n'en ferez pas pour cinquante mille francs de monnaie, et il vous en coûtera le charriage, les frais de fonte et d'alliage, outre le cuivre qu'il faudra ajouter pour pouvoir en battre monnaie. J'appelle cela casser des violons pour avoir du bois de chauffage".

Mais les bons conseils et les observations judicieuses restaient sans poids devant la folie des destructeurs. Ce carillon sentait furieusement l'ancien régime et le fanatisme; il serait détruit, et sa "baroque musique" n'offusquerait plus les oreilles délicates des révolutionnaires.

A t-il été détruit complètement? L'église de Mardyck possédait en 1846 une cloche portant deux écussons, celui de Saint-Winoc et celui de l'abbé Jansseune avec la devise, de ce dernier. A Socx se trouve encore une cloche avec les armes et la devis du même abbé. Sont-ce des épaves de notre ancien carillon ?

Autrefois des hauteurs de Bergues la musique coulait en nappes harmonieuses sur la ville, submergeait le quartier Saint-Winoc, le Pavillon des Officiers, les couvents des Annonciades et des Capucines ; une coulée passait le long de la rue du Collège, et les airs chantants du carillon venaient effleurer le Beffroi. Puis l'harmonie se déployait sur la Grand'Place, et, portée par les souffles des brises, pardessus les maisons s'en allait expirer languissamment, avec des retours de notes et des rebonds espacés, au périmètre de la cité.

Aujourd'hui, quand les vents retiennent le déchaînement tumultueux de leurs orgues dans les couronnes feuillues des arbres de la Plaine, c'est le silence qui déverse ses vagues lourdes entre le troncs des ormes, un silence gonflé de tous les échos éteints d'un long passé, et les tours solitaires semblent attristées de ne plus donner asile à l'orchestre de bronze, qui jadis faisait danser les heures dans leur campanile ajouré.

Charles de Croocq.

22 juin 1928

Mise à jour : lundi 08 décembre 2014
 


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