m a r s e i l l e . u n i v e r s |
Interview :
ET SI CELA NOUS ARRIVAIT ? Le Docteur Véra Perez, psychiatre au sein du service adulte de l’hôpital psychiatrique Edouard Toulouse à Marseille, nous fait profiter un peu de son expérience professionnelle et personnelle Orientée au départ vers la chirurgie, elle a été amenée à rencontrer à l’Institut Paoli-Calmettes des personnes atteintes d’affections très graves. Elle passait beaucoup de temps à discuter avec ces malades. Cette expérience a été révélatrice de l’intérêt qu’elle portait à la psychiatrie par le biais de l’interrogatoire et de l’entretien. Il est vrai que, hormis les explorations neurologiques, il s’agit essentiellement d’une discipline clinique. Elle a donc passé l’internat en 1991 puis l’assistanat et le concours de praticien hospitalier. J’aime rencontrer les gens, discuter avec eux, savoir comment ils vivent, comment ils voient les choses… « J’ai
eu la chance de faire toute ma médecine à Marseille où j’ai opté pour
la Fonction Publique parce que j’aime travailler en équipe et j’apprécie
aussi la confrontation aux pathologies aiguës. Il y a une certaine dimension
d’urgence qui fait souvent défaut dans les cabinets indépendants. On peut
mener les prises en charges du début jusqu’à la fin, dans le cadre d’un
projet médico-social. Ce choix du service public à temps complet me permet
d’avoir l’esprit libre et de me consacrer exclusivement à mes patients.»
« Nous
nous orientons plus volontiers aujourd’hui vers la thérapie cognitive. »
Ces études m’ont permis de m’affirmer, de mieux savoir négocier les difficultés, les déprimes et j’arrive très bien aujourd’hui à cloisonner ma vie professionnelle et ma vie privée bien que parfois les histoires des patients peuvent vous renvoyer à vos propres problèmes. « Il
faut savoir que la psychose est une maladie chronique qui ne se guérit
pas. Les traitements actuels sont beaucoup mieux tolérés que les neuroleptiques
anciens. On
essaie toujours de négocier un traitement par voie orale et d’éviter la
contention, les
injections et les chambres d’isolement. Il faut travailler avec les patients sur l’acceptation
de la maladie et on essaie de leur expliquer que l’interruption implique
une rechute d’autant plus grave. » « Les
insultes, les attitudes négatives des patients ne doivent pas être prises
comme des agressions personnelles puisque ces attitudes envisagées de
manière plus globale peuvent révéler des signes de bonne santé. Notre
réaction, dans ces cas, est de reprendre le patient mais nous ne devons
pas nous sentir atteints personnellement. »
« On
ne peut pas toujours éviter les suicides, j’ai eu moi-même affaire à deux
pendaisons. Nous essayons de déceler le risque suicidaire dans l’entretien
avec une présence, un accompagnement infirmier mais nous ne sommes pas
devins pour prévoir une impulsion suicidaire. Les
patients nous posent souvent la question : que pensez-vous docteur,
que dois-je faire ? Ce n’est pas notre rôle de répondre, nous ne
sommes pas des coaches. Ils doivent prendre les décisions eux-mêmes mais
nous pouvons les accompagner dans leur démarche, notamment chez
les phobiques. » L’hôpital Edouard Toulouse existe depuis les années soixante. Comme la plupart des unités psychiatriques, l’état des locaux est plus que vétuste. Il compte six secteurs adultes et deux secteurs enfants. Dans quatre secteurs adultes il y a deux pavillons d’hospitalisation à temps plein, et deux autres secteurs n’ont qu’un seul pavillon temps plein. Dans le secteur de Véra Perez, il y a deux pavillons de 25 lits chacun et également deux chambres d’isolement. Les pavillons sont mixtes et l’hôpital est ouvert. Des patients sortent, parfois même en pyjama, pour se promener ou faire leurs courses. Ces locaux vont être démolis, les travaux de ce grand projet démarreront l’été prochain. Une maison d’accueil spécialisée sera construite pour prendre en charge des patients très déficitaires. « Le problème numéro un à lheure actuelle est un manque de personnel, ce qui impliquera à terme la réduction de certaines activités. Nous avons les crédits mais nous manquons deffectifs. » La psychiatrie était une des rares disciplines pour laquelle on pouvait embaucher des praticiens généralistes sur des postes de spécialistes dans le cadre de l’hôpital. Ce système permettait de pourvoir certains postes puisque la majeure partie des psychiatres exercent en libéral. Le Médecin Inspecteur Régional a pris des nouvelles mesures réservant ces postes aux seuls psychiatres, ces praticiens risquent donc de ne pas voir leur contrat de travail renouvelé.
« Chaque
service d’urgence de l’hôpital généraliste doit disposer obligatoirement
d’un psychiatre, nous travaillons donc en collaboration avec l’Hôpital
Nord. Le bilan n’est pas toujours très rose mais je peux dire néanmoins
que je suis heureuse professionnellement. Nous avons mis en place un plateau
technique réunissant des consultants généralistes et des spécialistes
(gynécologue, dermatologue) ce qui peut nous éviter de faire appel systématiquement
aux services de l’Hôpital Nord. Nous souhaiterions créer un accueil d’urgence
dans le cadre d’hospitalisation de courte durée. » Si
le patient se présente de lui-même, c’est l’hospitalisation libre. L’hospitalisation
sous contrainte prend deux formes. A la demande d’un tiers, il s’agit
le plus souvent d’un membre de la famille, par ordre de priorité conjoint,
ascendant, descendant qui peut parfois servir de co-thérapeute et dans
ce cas le traitement peut se faire à domicile. Pour une hospitalisation
d’office à point de départ judiciaire nous devons établir un certificat
pour confirmer la décision d’hospitalisation sous 24 heures, puis sous
quinzaine, puis mensuel afin d’éviter un internement abusif. Dans l’ensemble,
les internés sont jeunes, S.D.F. ou RMistes. Edouard Toulouse reçoit des
drogués, des alcooliques, des personnes âgées. Nous disposons d’une salle de musculation, les patients ont des séances de gymnastique, de yoga, nous faisons des sorties à la piscine et à la campagne Pastré (hippothérapie) et même des sorties en mer, notre bateau (Ombrine II) est ancré à l’Estaque. Propos
recueillis par CLV ©
A
voir pour le glossaire et quelques éclaircissements intéressants : |
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la prison * roulades
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