Passion Carillon

De Bruges à Gand...

Le Carillon Carillon de Bergues Carillons Flamands Liens
 

Remonter
Le Carillon du Beffroi
Carillonneur en 1719
Les cloches (Poème)
Ville aux 100 cloches
Le carillon de l'abbaye
Le Carillon de 1628
De Bruges à Gand...
De Bruges à Gand-2
Un instrument de fou !
Poeme : Le Carillon

Le carillon du beffroi de Bergues - Articles divers

Entre les tours de Bruges et Gand...

Ou

A la recherche du carillon de l’abbaye saint Winoc de Bergues


Dans l’une de ses merveilleuses chansons, intitulée "Marieke", Jacques Brel nous promenait, sur un air de carillon très marqué, entre les tours de Bruges et Gand. Ces deux villes certes, comme nombre de leurs consœurs flamandes, s’enorgueillissent d'un beffroi et d'un jeu de cloches important. Mais l'auteur du "Plat Pays" ne savait certainement pas que ces mêmes cloches proviendraient, en partie tout au moins, de notre bonne ville de Bergues St Winoc !

 

Si l'on s'en réfère à l'abbé Charles De Croocq 1 qui a su si bien faire revivre l’histoire de Bergues à travers sa série d'articles intitulée "Poussières d'histoire locale", l'abbaye de St Winoc avait, tout comme le beffroi, son propre carillon 2. L'instrument aurait été commandé par l'abbé Charles II d'Argenteau, en 1643, et installé dans la tour blanche de l’abbaye, à l'entrée du monastère (à l'emplacement approximatif de l'actuelle « tour pointue »). Ce carillon de trente-trois cloches aurait ainsi coûté la somme de 32.000 florins.

 

Cependant, ce carillon dont on sait fort peu de chose, n'aurait sonné que bien peu de temps, puisqu'en 1657, sur les conseils du Marquis de Caracena, gouverneur espagnol de la place, l'abbé avait vendu l'ensemble aux villes de Bruges, Gand et autres villes pour soustraire ses cloches à la rapacité de Turenne qui menaçait la ville. Le conseil et la décision étaient d'ailleurs des plus judicieux si l'on songe que la Ville de Bergues dut racheter à Turenne, les cloches du Beffroi, de son propre carillon !

 

Les tours de l'abbaye allaient ainsi rester silencieuses une quarantaine d'années, jusqu'à ce qu'en 1700, l'abbé Dom Jansseune commande aux frères Toussaint et Pierre Cambron, de Lille, un ensemble de quarante cloches, dont un carillon de 35 cloches.

 

De ce second instrument, aux dires de certains témoins de l'époque, "le plus harmonieux qui fût" et de l'avis général, bien plus juste (et plus étendu) que celui du beffroi, il ne reste rien ou presque, la révolution étant passée par là. Rien ou presque rien : En effet le clocher de l’église de Socx contient une (et vraisemblablement "la") rescapée de ce deuxième carillon de l'abbaye. Datée de 1700, elle s'orne des armes de l'Abbaye, des armes de l'abbé et d'une curieuse danse macabre au cerveau. D'un poids évalué à deux tonnes, elle porte le nom de "Maure". Malheureusement, suite à la destruction partielle de la tour au cours des hostilités de la seconde guerre mondiale, elle est tombée de son nouveau clocher et s' est fêlée...


Or il se trouve qu'il existe également une survivante du premier carillon de l'abbaye, chose ignorée jusqu'alors...

 

Par hasard, en écrivant à un fondeur de cloches hollandais, la fonderie" Royal Eijsbouts," celle-ci annonçait entre autres réalisations, la restauration du carillon de Gand. De là à penser que le dit fondeur y avait relevé le nom de l'abbaye St Winoc, il n'y avait qu'un pas...


Je réécrivais donc afin de savoir si, éventuellement, une cloche fondue là-haut sur le Groenberg 3 ne se trouverait pas encore en terre Gantoise.

 

Malheureusement, aucune n'y chante plus dans le beffroi communal. Impossible même de savoir si quelques-unes y sont vraiment montées, les cloches du carillon de Gand ayant été fondues par Pieter Hémony en 1659 et 1660, soit deux ans après la transaction entre l'abbaye et la ville. Le métal de certaines cloches a t-il été refondu dans le nouveau carillon de 1660 ? Dans ce cas, nos demoiselles de bronze ne furent pas maltraitées, le dit Pierre Hémony, originaire de Lorraine, ayant été surnommé, le "Stradivarius des carillons" ! Resterait à faire des recherches dans les archives gantoises...
 

Néanmoins, si aucune cloche portant le nom de notre bonne ville de Bergues St Winoc n'est visible à Gand, il en est une, rescapée, pieusement conservée par la fonderie Eijsbouts qui, à défaut d'en connaître la provenance, l'a mis en honneur en la faisant figurer dans son musée campanaire 4.
 

Chose curieuse, tout comme la cloche de Socx, elle a pour nom "Maure" et tout comme la première, elle aussi, hélas, est fêlée. Dix fois moins lourde (205 Kg) elle est de 58 ans son aînée. Elle porte gravée en relief sur ses flans, l'inscription suivante :

RD ABBAS G AB ARGENTEAV A° 1642

Prélationis 17 Campanas sub débita –

Tenorum Consonantia Conflari IVSSIT

MIHIQUE NOMEM MAVRE DEDIT "

( Le révérend abbé C d'Argenteau a fait fondre en 1642 17 cloches d'une harmonie de ton nécessaire et m'a donné le nom de "Maure").
 

Cette cloche pose donc un problème. S'il est indéniable que cette cloche est née en terre berguoise, de par le nom de l'abbé, la date de correspond pas. Le cartulaire de l'abbaye dit clairement que l'abbé passa commande d'un carillon en 1643. Or la cloche "Maure" porte elle la date de 1642. On pourrait objecter que le fondeur s'est peut être trompé. Mais outre le fait que ce soit assez peu vraisemblable compte tenu du soin apporté pour faire une cloche, un deuxième élément s'y oppose : si l'inscription parle bien d'un carillon ("cloches d'une harmonie de ton nécessaire", ce qui doit correspondre à ce que l'on avait exigé du fondeur), elle parle d'un carillon de 17 cloches. Or en 1643, dans le cartulaire, il est question d'un instrument de 33 cloches. Chose plus curieuse encore, le même cartulaire qui déjà donnait fort peu de renseignements sur le carillon de 1643, ne mentionne même pas ce carillon de 1642 !

 

Doit-on admettre que la commande de 1643 visait à compléter l'instrument de 1642, le portant ainsi de 17 à 33 cloches ? S'agissait il d'adjoindre 33 nouvelles cloches aux 17 premières mais dans ce cas pourquoi ne parle-t-on pas de ce premier carillon, la fonte d'un tel instrument ne passant pourtant pas inaperçue dans la vie d'une communauté quelle qu’elle soit !
 

Les choses sont loin d'être claires. Ainsi l'on ne connaît même pas le nom du (ou des) fondeur(s), ni par la cloche de 1642 ni par le cartulaire à propos de l'année 1643...

 

Peut être un jour quelqu'un éclaircira t-il ce mystère en trouvant le nom de ce (ou ces) fondeur(s) sur une autre rescapée ou sous la poussière des archives de Bergues, à moins que ce ne soit dans celles de Bruges et Gand ! Affaire à suivre....

 

Jacques MARTEL

Article paru dans « Le journal des Flandres » du 18 janvier 1985

 

1 - Ancien archiviste de Bergues, professeur au Collège St Winoc

2 - Article paru dans le "Journal des Flandres" du 22 Juin 1928 et intitulé "Le Carillon de St Winoc".

3 - Point culminant de Bergues - Colline qui porte les ruines de l'ancienne abbaye de St Winoc - A l'époque, compte tenu des problèmes de transport, les fondeurs venaient fondre les cloches sur place.

4 - Musée National du Carillon, Ostaderstraat 23, 5721 ASTEN, Pays-bas.

 

 

Mise à jour : lundi 08 décembre 2014
 


Précédente Accueil Remonter Suivante