Salvador Dali
(1904 - 1989)
L'énigme de Guillaume Telle
 
"Est un héros celui qui se révolte contre l'autorité paternelle et la vainc" S. Dali

Un jour, en 1929. alors que Dali travaillait dans la maison de son père à Cadaqués en Catalagne arrive un groupe de surréalistes attirés par l’extravagance de sa personnalité et le caractère provoquant de ses oeuvres pleines d’allusions sexuelles et scatologiques. II y a là René Magritte et sa femme, Luis Bunuel, et surtout Paul Éluard et sa femme Gala. Dali est flatté par la venue de Paul Éluard, André Breton et Louis Aragon, maîtres à penser du mouvement surréaliste, mais c’est l’apparition de Gala qui est pour lui la révélation attendue.
Gala est la femme de ses rêveries d’enfance, la personnification des femmes mûres et des adolescentes - celle qu’il attendait depuis longtemps. Il l’a reconnue à son anatomie précisément décrite dans sa "Vie secrète" : "Son corps avait une complexion enfantine, ses omoplates et ses muscles lombaires cette tension un peu brusque des adolescents. En revanche, le creux du dos était extrêmement féminin et liait avec grâce le torse énergique et fier aux fesses très fines que la taille de guêpe rendait encore plus désirables".
Photo, Gala vers 1930

Photo, Dali vers 1929
La "folie" de Dali se manifeste surtout dans son exhibitionnisme, unique dans l’histoire de l’art. La plus grande part de son œuvre n’est qu’un journal de ses envolées excentriques qui n’ont pas tardé à provoquer les controverses aussi bien dans l’opinion publique que dans le groupe des surréalistes.
Hélas, chaque fois qu'il veut lui parler, Dali est pris de fou rire. C’est son tableau Le Jeu lugubre qui va l’aider à s’approcher d’elle. En réalité en le voyant sur le tableau peint avec un réalisme dérangeant, avec son caleçon éclaboussé d'excréments, ses amis se demandent s’il est coprophage ou non. Gala lui propose un rendez-vous...
Le Jeu lugubre, 1929
Au cours d’une de ces longues promenades à Es Cayals, entre deux rires nerveux, Dali prend courage et déclare son amour à Gala. Ce n'est pas chose facile, car Helena Devulina Diakanoff, fille d'un fonctionnaire de Moscou, surnommée Gala, mêle à un charme fascinant, une assurance particulière qui n'est pas sans impressionner le jeune Salvador.

Tandis qu’il se tordait de ce rire nerveux, qui aurait vexé n’importe quelle autre femme, c’est Gala qui lui prit maternellement la main en lui disant :

- Mon petit, nous n'allons plus nous quitter, s’engageant ainsi dans une liaison freudienne que seule la mort saura interrompre.

D’autant que Dali prétendra toujours qu’il était encore vierge lorsqu’il la connut. Cette affirmation est intéresseante sourtout en lumière de son amitié jamais éclaircie jusqu’au bout avec Lorca. "J’approchais la grande épreuve de ma vie , l'épreuve de l'amour".

Ce corps lui coupe la langue...
Leda atomica, 1949
Cependant des nuages menacèrent cette idylle. Le respect pour la personne qui couvrit le ciel bleu da Catalogne de ces nuages, fit que Dali évita longtemps d’en parler. Dans sa phrase, aussi franche que dévoilante, "J'aime Gala plus que ma mère, plus que mon père, plus que Picasso et même plus que l'argent." son père occupe une place honorable. Mais il est situé, comme tout le reste, derrière Gala. Elle est la cause des nuages et de l’orage qui éclata ensuite. Pour s’être mis en ménage avec une femme divorcée, (l'ex-épouse de Paul Euard1) Dali est chassé de la maison de son père.

Plusieurs années après, Dali s’explique à travers un tableau, L'Enigme de Guillaume Tell. "Guillaume Tell c'est mon père, et moi le petit enfant qu'il tient dans ses bras qui au lieu d'une pomme tient une côtelette crue sur la tête: il veut manger. A côté de son pied, une toute petite noix contient un tout petit enfant qui est l'image de ma femme, Gala. Et, elle est tout le temps menacée par ce pied. Car si ce pied bouge un tout petit peu, il peut écraser la noix" On remarque que la "tête bourgeonnante érectile" de Guillaume Tell, est soutenue par une béquille comme après un coït. Dali ne manque pas d’affecter à son père le symbole, si souvent peint dans cette période, de la sexualité cérébralisée, à la fois dure et molle.
Guillaume Tell c'est mon père...
L’Énigme de Guillaume Tell, 1933
La rupture consommé, la réaction de Dali aura été de se couper les cheveux et de les enterrer. Mais ne pouvant se détacher de son village et de son paysage, il y retourne. Près de Cadaqués, dans une baie abritée, à "Port Lligat", qui veut dire port attaché avec un noeud, il achète une baraque de pêcheur délabrée avec l'argent du tableau La Vieillesse de Guillaume Tell pour venir s'y réfugier avec Gala. Port Lligat...
La Vieillesse de Guillaume Tell,1931
Cependant l’explication de L'Enigme de Guillaume Tell ne s’arrête pas là. Les personnages emblématiques du tableau annoncent également un autre conflit et un autre orage qui finira aussi par une rupture.

En confondant volontairement le visage de Guillaume Tell avec celui de Lénine Dali vise la flèche de sa provocation vers un autre père, aussi autoritaire et exigent envers ses enfant que le premier, André Breton, le pape des surréalistes. La colère de celui-ci envers " Avida Dollars " (fameuse anagramme de Breton composée vingt ans après pour Dali) ne se fait pas attendre. Au Salon des Indépendants en 1934 il déclare que ce tableau est "un acte anti-révolutionnaire" et finalement il fait exclure Dali du groupe des surréalistes. Si on tolérait dans une certaine mesure les éléments scatologiques2 de sa peinture, on ne voulait pas lui pardonner le sacrilège des tabous.


Photo, André Breton

Fou

Les confidences de fous, je passerais ma vie à les provoquer. Ce sont gens d'une honnêteté scrupuleuse, et dont l'innocence n'a d'égale que la mienne.

André Breton, Manifeste du surréalisme.

Finalement dans sa fameuse déclaration "La seule différence entre moi et un fou, c’est que moi je ne suis pas fou" Dali avoue la plus grande de ses vérités, "la folie" chez lui n’est qu’une apparence. A la manière d’un metteur en scène, il l’instrumentalise avec un but prémédité qu’il poursuit aussi bien dans ses tableaux que dans ses gestes publics provocateurs.  
1Paul Eluard, (1895-1952), connu comme poète de l’amour et engagé. Lorsque Gala le quitta en 1930 pour Dali il fut effondré.
Amour
L'amour choisit l'amour sans changer de visage.
Paule Eluard, L'Amour la poésie

2Scatologique, relatif à la scatologie, propos ou récits grossiers où il est questin d’excréments.

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