Bien que peu d'ophtalomolgues soient
formés à cet aspect particulier de la toxicologie médicale, il semble
qu'il y ait des progrès surtout dans la prise en charge des syndromes
secs en ce qui concerne l'utilisation de collyres adaptés aux cas
chroniques. Bien entendu, cela dépend des services et surtout s'ils sont
confrontés régulièrement à des syndromes secs sévères et autres
pathologies de la surface oculaire. Dans ces
situations les effets délétères des conservateurs surviennent assez
rapidement pour établir un lien de cause à effet très évident. Certains
équipes, comme celle des XV/XX à Paris ont d'ailleurs souvent été à
l'origine d'études dans ce domaine précis des conservateurs et leurs
effets délétères sur la surface oculaire. Mais chez des équipes moins
spécialisées et chez des surface oculaires moins fragiles, il n'est pas
étonnant de voir un ou plusieurs collyres conservés pendant de longues
périodes à des fréquences dépassant celles que même les fabricants
fixent comme limite habituelle (4 fois par jour; mais surtout pendant
combien de temps? à quelle concentration? rappellons-le la sécheresse oculaire et le glaucome
sont des maladies à perpétuité de nos jours, qu'en est-il de l'effet
combiné de 2 conservateurs). Mais il est aussi sûr
que certains de nos membres et
délégations ont constaté des progrès, alors que nous comptons depuis
plusieurs années de membres qui ont de grandes difficultés à se soigner
à cause des conséquences des collyres conservés. Puis n'oublions
pas que si les ophtalmologues prescrivent parfois autant de collyres
conservés c'est que le choix n'existe guère dans de nombreux cas. Mais
on commence à avoir un choix (même s'il est insuffisant) pour les
syndromes secs, l'allergie et désormais le glaucome, même si le réflexe
de prescription n'est pas toujours au rendez-vous).
Prenons quelques exemples dans le monde entier de
praticiens qui s'engagent dans la "lutte" contre les conservateurs:
Plus que la toxicité, ce
souvent sont les
réactions allergiques et les intolérances qui sont prises en compte et
abordés par la plupart des ophtalmologues. Néanmoins, les équipes spécialisées
conseillent et prescrivent de plus en plus des unidoses sans
conservateurs ou autres flacons sans conservateurs aux porteurs de
syndromes secs et d'allergies chroniques. Par exemple, lors d'une réunion sur les allergies oculaires, il a
été affirmé que les conservateurs des collyres étaient responsables de
réactions: "le benzalkonium représentant 4 à 11% des sensibilisations et
les dérivés mercuriels 13 à 37% mais ils ont surtout un effet toxique"[1].
La question de la cytotoxicité fait petit à petit son chemin.
Un panel d'experts réunit en Août 2005, à Chicago,
pour aborder les nouveautés cliniques sur les "yeux secs", les thérapies
sur les larmes artificielles et notamment l'usage des conservateurs.
Ils ont alors recommandé la modification du protocole médical et de
prescription sur les syndromes secs nommé Preferred Practice Pattern Dry Eye Syndrome Medical Treatment
guidelines" de façon à recommander l'utilisation de larmes artificielles
sans conservateurs pour TOUS TYPES d'yeux secs considérant les avantages
qu'ils offrent à l'ensemble des porteurs de syndromes secs. Ce
groupe de consensus sur la sécheresse oculaire à recommendé l'usage de
collyres sans conservateurs comme première ligne d'action dans le
traitement de ses syndromes secs même légers[2].
L'association des chirurgiens oculaires privés de
Hong-Kong (HKAPES), a affirmé que "l'utilisation fréquente de collyres
pouvait endommager les yeux et conduire à des pertes de vision". HKAPES
a dit que "la plupart des collyres contenaient des conservateurs nocifs
pour les yeux". Une étude réalisée par l'Université de Hong-Kong a
affirmée que la plupart des utilisateurs ignoraient le risque. Ainsi,
même si presque 70% des 518 personnes interrogées (de 20 à 50 ans)
savaient que les conservateurs étaient potentiellement dangereux, ils
n'avaient aucune idée que la plupart des collyres en contenaient. Le
président de l'association, John Chang, a affirmé que les conservateurs
et en particulier ceux qui sont des détergents pouvaient conduire "à une
vision brouillée et rallonger le temps nécessaire à la récupération
suite à une chirurgie oculaire". Les porteurs de lentilles de contact
sont également à risque, puisque les "lentilles agissent comme des
réservoirs pour ces [produits] chimiques". Ce problème est d'autant plus
important que selon l'association seuls 17% des personnes interrogées
utilisaient ces gouttes après avoir consulté un ophtalmologiste mais
surtout que la plupart préférait acheter les collyres directement chez
le pharmacien [3].
Ainsi, si la conscience du risque existe chez de plus
en plus d'ophtalmologues, une nouvelle question se pose sur la
conscience des pharmaciens et de usagers lors de l'achat de collyres en
vente libre contenant des conservateurs.
1 Association pour la promotion de l’allergologie en Aquitaine
(APALA), par Bruno Mortemousque du CHU de
Bordeaux, compte rendu par le Dr H. Masson, Novembre 2003.
2. Increasing importance of dry eye
syndrome and the ideal artificial tear: consensus views from a
roundtable discussion, Asbell, Penny A ,
Current Medical Research and Opinion, Volume 22, Number 11,
November 2006 , pp. 2149-2157(9).
3. Eye
drops might cause blindness, www.chinaview.cn,
2005-08-04 09:37:47
Voilà ce que nous appelons le paradoxe des
conservateurs!
Conservez
nos Yeux, Pas nos Gouttes!
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Keratos 2007