Episode 9X05 : Lord of the flies/Sa majesté des mouches

© Fox

1°) Le retour des épisodes satiriques :

Pour son premier scénario, Thomas Schnauz, nous livre un épisode humoristique du meilleur cru. Les personnages (principaux et secondaires) dont les répliques sont souvent savoureuses sont plongés dans des situations ubuesques qui font passer les images du prégénérique pour un pâle reflet adolescent de la vie "complètement déjantée" des adultes. Qu'on en juge :
De jeunes étudiants boutonneux passent leurs loisirs à produire un show vidéo amateur intitulé le "Débile Show" (Dumb Ass Show en V.O.), dans lequel ils se filment en train d'accomplir les "exploits" les plus bêtement dangereux qui soient comme recevoir de son plein gré une balle de base-ball dans les c..., s'enfermer dans des toilettes roulantes de chantier et se faire traîner par une voiture jusqu'à ce que la cabine fasse des tonneaux, dévaler une pente à bord d'un caddie de supermarché et sauter au-dessus de sa copine allongée par terre... La dernière expérience tourne au drame et le cascadeur meurt... le visage dévoré par des mouches !
On nage donc dès le début en plein absurde. Il ne faudrait pourtant pas, comme le fait précisément Doggett lorsqu'il visionne la vidéo du Dumb Ass Show, en conclure trop hâtivement que "les jeunes d'aujourd'hui n'ont vraiment rien d'autre que du fromage dans la tête".
Dans Lord of the flies, les adultes ont un rôle encore moins enviable que les ados. Doggett a tort de dire :

DOGGETT: (...) We did some stupid stuff but we didn't know it was stupid at the time. This isn't just stupid, this is glorification of stupid. These kids take enormous pride in being sub-mental. (...) On faisait aussi des trucs stupides mais on ne savait pas sur le moment que c'était stupide. Ça ce n'est pas seulement stupide, c'est la glorification de la stupidité. Ces gamins tirent une énorme fierté d'être sous-doués.

Cette remarque serait pertinente si les scènes précédentes à l'hôpital ne nous avaient pas montré TROIS puis QUATRE puis CINQ ADULTES (Dr. Fontaine, Doggett, Reyes, Scully, Rocky Pronzino) débiter les uns après les autres (et involontairement!) des kilomètres de d'âneries devant quelques millions de téléspectateurs :

[SCENE 1]

DR. FOUNTAIN: Thanks for coming so quickly.
REYES: Are you the medical examiner?
DR. FOUNTAIN: Yes, yes, I'm Dr. Fountain. And you're the experts from the FBI?
DOGGETT: The experts?
DR. FOUNTAIN: Well, I was told you were the experts.
REYES: We work on the X-Files. Our expertise is the unexplained.
DOGGETT: We were told you had an unexplained death here.
DR. FOUNTAIN: Well, you're the experts you tell me.
(They enter the room where the body is kept.)
DOGGETT: So why don't you explain exactly what happened here, doctor?
DR. FOUNTAIN: Well, I can't. That's the point.

[SCENE 2]

DOGGETT: Thanks for coming so quickly.
SCULLY: The message said urgent. What is it you want me to look at here?
DOGGETT: We were hoping you could tell us.
(DR. FOUNTAIN joins the group.)
DR. FOUNTAIN: Is, uh, she the expert?

[SCENE 3]

Before we start looking for M.O., I want to find out what kind of fly would act that aggressively.
(From the doorway, a voice interrupts.)
ROCKY BRONZINO: The musca vetustissima walker. The Australian Bush Fly. It craves protein so much it will actually crawl into your open nose, mouth, ears even your eyes to feed on nutritious blood and moisture. Though the New Zealand screw-worm fly often kills its victims in mere moments by burrowing into an open wound or cut.
(SCULLY silently stares at him. He reaches over and grabs her hand and shakes it.)
ROCKY BRONZINO: I'm sorry. I'm Dr. Rocky Bronzino. (He turns to DOGGETT.) Hi. Rocky Bronzino. (He turns to REYES.) Hello there. Rocky Bronzino, field entomological expert at Rutgers University, at your service.
SCULLY: Dr. Bronzino ...
ROCKY BRONZINO: Rocky.
SCULLY: These flies you mentioned neither of them are indigenous to North America. Are you suggesting that we've got a virulent foreign vector here?
(ROCKY BRONZINO holds up the bottle of flies.)
ROCKY BRONZINO: No. The specimens you collected are your garden-variety calliphorid. Harmless as, well... flies.
DOGGETT: What are you suggesting then?
ROCKY BRONZINO: Nothing. Dr. Fountain brought me in for my scientific expertise. And I must say ... (He turns to look directly at SCULLY.) I'm glad he did.

© Fox [SCENE 1]

Merci d'être venus si vite.
Vous êtes le médecin-légiste ?
Oui, oui, je suis le Dr. Fontaine. Et vous êtes les experts du FBI ?
Les experts ?
Eh bien on m'a dit que étiez des experts.
Nous travaillons sur des affaires non classées. Notre domaine est l'inexpliqué.
On nous a dit que vous aviez une mort inexpliquée ici.
Eh bien c'est vous les experts qui allez me le dire.
(Ils entrent dans la salle où repose le corps.)
Alors, pourquoi ne nous expliqueriez-vous pas ce qui c'est passé, docteur ?
Eh bien, je ne peux pas. C'est bien ça le problème.

[SCENE 2]

Merci d'être venue si vite.
Le message disait "urgent". Que voulez-vous me faire voir ici ?
Nous espérions que vous pourriez nous le dire.
(La Dr. Fontaine les rejoint.)
C'est elle euh... l'experte ?

[SCENE 3]

Avant de commencer à chercher un M.O., je veux découvrir quelle espèce de mouche agirait si agressivement.
(Une voix intervient depuis le couloir.)
La musca vetustissima. La mouche australienne. Elle aime tellement les protéines qu'elle ramperait dans vos narines, votre bouche, vos oreilles et même vos yeux pour se repaître de sang et de moisissure. Et la mouche de Nouvelle-Zélande peut même aller jusqu'à tuer ses victimes en creusant une coupure ou une plaie ouverte.
(Scully le regarde silencieusement. Il se penche vers elle, prend sa main et la serre.)
Désolé. Je suis le Dr. Rocky Pronzino. (Il se tourne vers Doggett.) Salut. Rocky Pronzino. (Il se tourne vers Reyes.) Salut vous ! Rocky Pronzino. Expert anthropologue sur le terrain à l'Université Rutgers. A votre service.
Dr. Pronzino...
Rocky.
Les mouches que vous avez citées, aucune d'entre elles n'habite en Amérique du Nord. Êtes-vous en train de dire que nous avons affaire ici à un vecteur virulent étranger ?
(Rocky Pronzino soulève le bocal de mouches.)
Non. Les spécimens que vous avez récoltés sont des calliphorides ordinaires. Elles ne feraient pas de mal à... une mouche.
Alors que suggérez-vous ?
Rien. Le Dr. Fontaine m'a fait venir pour mon expertise scientifique. Et je dois dire que...(Il se tourne directement vers Scully.) je suis ravi qu'il l'ai fait.

Qui sont donc les adultes tels que nous (et les adolescents !) pouvons les voir ici : des êtres ignares (aucun ne sait quelque chois), incompétents ("les experts ?") et prétentieux (3 sur cinq ont le titre prestigieux de docteur) qui parlent pour ne rien dire ou se pavanent devant leurs semblables dans le but de les séduire ou de les impressionner. Le voilà le vrai Dumb Ass Show !

Citons encore au moins la scène hilarante ou Rocky et Scully recherchent activement la source de concentration des mouches à l'aide d'un détecteur à phéromones (sic !). Ils sont en bordure de route en train de scruter le ciel la bouche ouverte dans l'espoir de voir passer un essaim d'insectes lorsque le jeune Dylan Lockensgard - individu mi-insecte mi-homme - passe à vélo silencieusement dans leur dos. On se croirait à Guignol ou pendant la pause Kit Kat !

© Fox

Bref, des scènes loufoques ou justes drôles, mais qui rappellent avec bonheur les 3ème et 6ème saisons (cf. notamment 3X04 Clyde Bruckman's final repose, 3X12 War of the coprophages et 3X20 Jose Chung's "From Outer Space" du grand Darrin Morgan ; ainsi que 6X04/05 Dreamland, Arcadia et The UnNatural).

Mais la veine comique n'est pas l'unique ressort de cet épisode.

2°) Le retour du romantisme poétique :

Eh oui ! Cet épisode est un peu "fleur bleue" ! Car le fond de l'histoire c'est une histoire d'amour qui tourne mal parce qu'un jeune homme timide (il se sent/sait différent des autres garçons...) n'ose pas avouer son amour à une amie d'enfance.
Notons que cette thématique soutend de nombreux autres épisodes précédents de la série et concerne aussi bien Mulder et Scully (la MSR chère aux internautes) que d'autres personnages. Citons pour mémoire 1X13 Gender/Bender, 4X05 The field where I died, 5X03 Unusual suspects, Post-modern Prometheus, 6X06 How the ghosts stole Xmas, 6X07 Terms of endearment, 6X08 Rain King, 6X18 Milagro et bien sur le diptyque 8X20 Essence - Existence.
On pourrait rajouter à cette longue liste les épisodes qui prônent la tolérance et l'ouverture d'esprit face à l'inconnu ou à l'horrible. Car The X-Files est une série humaniste. Mais d'un humanisme qui ne se contente pas d'être bien pensant. Lorsque la série démontre qu'une secte religieuse n'est pas le repère de "méchants" qu'on s'attendait à trouver (2X10 Red Museum), elle prend le contre-pied des clichés petits bourgeois. Lorsqu'elle met en scène un Diable (le vrai) amoureux, aimant et père de famille, on frôle le blasphème (6X07 Terms of endearment). D'autres épisodes filment des monstres - authentiques ou maquillés - sans les utiliser comme de simples repoussoirs, mais en soulignant au contraire leur humanité, voire leur bonté (cf. 2X20 Humbug ou 5X05 Post-modern Prometheus).
Ici seule la mère de Dylan est "méchante". Et encore, elle protège son fils différent (comme elle) du reste des hommes et donc (de son point de vue) fragile et vulnérable (ce qui est vrai car les débiles du Débile Show le harcèlent). En outre, la trame romantico-amoureuse de l'épisode n'est pas sans ressemblance avec celle de Spider-Man, l'Homme-Araignée porté à l'écran récemment. La musique de Pink Floyd, les posters (et le T-Shirt de Syd Barrett porté par Dylan) soulignent cette "différence", ce décalage et ce mal-être que ressent le garçon tandis qu'il contemple la photo de Natalie : "It's no trying to place your hand where I can't see because I understand that you're different from me. Yes, I can tell that you can't be what you pretend and you're rocking backwards and you're rocking towards..." (Inutile de mettre ta main où je ne la verrai pas parce que je comprends bien que tu es différent de moi. Oui, je te dis que tu n'es pas ce que tu prétends être et alors tu te balances d'avant en arrière...).
Quelques scènes plus tard, Natalie fera l'amère et concrète expérience de cette "altérité" dangereuse qui caractérise Dylan. Et pourtant, l'image finale des insectes qui brillent dans la nuit pour former les mots "I love you" et Natalie qui leur répond est certes un peu "kitsch" mais le monologue de Scully qui l'accompagne en voix off est plus explicite (bien un peu prêchi-prêcha lui aussi) :

In the struggle between our desire to determine who and what we will be and the identity which biology defines for us there can only be one outcome. But even in victory, there are forces biology can not defeat -- the stirring of the soul the mysteries of desire the simple truth that the heart wants ... what the heart wants. Dans la lutte entre notre désir de découvrir qui nous serons et l'identité que la biologie détermine pour nous, il ne peut y avoir qu'un vainqueur. Mais même dans la victoire, il y a des forces que la biologie ne peut pas vaincre : l'aspiration de l'âme, les mystères du désir, la simple vérité que le cœur exige... ce que le cœur veut.

Il n'est évidemment pas fortuit que cette conclusion précède l'épisode 9X06 Trust No One qui est entièrement centré sur la quête de Scully pour Mulder...

I love You © Fox

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