1°) Le retour des épisodes satiriques :
Pour son premier scénario, Thomas Schnauz, nous livre un épisode humoristique du meilleur cru. Les personnages (principaux et secondaires) dont les répliques sont souvent savoureuses sont plongés dans des situations ubuesques qui font passer les images du prégénérique pour un pâle reflet adolescent de la vie "complètement déjantée" des adultes. Qu'on en juge :
De jeunes étudiants boutonneux passent leurs loisirs à produire un show vidéo amateur intitulé le "Débile Show" (Dumb Ass Show en V.O.), dans lequel ils se filment en train d'accomplir les "exploits" les plus bêtement dangereux qui soient comme recevoir de son plein gré une balle de base-ball dans les c..., s'enfermer dans des toilettes roulantes de chantier et se faire traîner par une voiture jusqu'à ce que la cabine fasse des tonneaux, dévaler une pente à bord d'un caddie de supermarché et sauter au-dessus de sa copine allongée par terre... La dernière expérience tourne au drame et le cascadeur meurt... le visage dévoré par des mouches !
On nage donc dès le début en plein absurde. Il ne faudrait pourtant pas, comme le fait précisément Doggett lorsqu'il visionne la vidéo du Dumb Ass Show, en conclure trop hâtivement que "les jeunes d'aujourd'hui n'ont vraiment rien d'autre que du fromage dans la tête".
Dans Lord of the flies, les adultes ont un rôle encore moins enviable que les ados. Doggett a tort de dire :
DOGGETT: (...) We did some stupid stuff but we didn't know it was stupid at the time. This isn't just stupid, this is glorification of stupid. These kids take enormous pride in being sub-mental. | (...) On faisait aussi des trucs stupides mais on ne savait pas sur le moment que c'était stupide. Ça ce n'est pas seulement stupide, c'est la glorification de la stupidité. Ces gamins tirent une énorme fierté d'être sous-doués. |
Cette remarque serait pertinente si les scènes précédentes à l'hôpital ne nous avaient pas montré TROIS puis QUATRE puis CINQ ADULTES (Dr. Fontaine, Doggett, Reyes, Scully, Rocky Pronzino) débiter les uns après les autres (et involontairement!) des kilomètres de d'âneries devant quelques millions de téléspectateurs :
[SCENE 1]
DR. FOUNTAIN: Thanks for coming so quickly.
[SCENE 2] DOGGETT: Thanks for coming so quickly.
[SCENE 3] Before we start looking for M.O., I want to
find out what kind of fly would act that aggressively.
|
[SCENE 1]
Merci d'être venus si vite.
[SCENE 2] Merci d'être venue si vite.
[SCENE 3] Avant de commencer à chercher un M.O., je veux découvrir quelle espèce de mouche agirait si agressivement.
|
Qui sont donc les adultes tels que nous (et les adolescents !) pouvons les voir ici : des êtres ignares (aucun ne sait quelque chois), incompétents ("les experts ?") et prétentieux (3 sur cinq ont le titre prestigieux de docteur) qui parlent pour ne rien dire ou se pavanent devant leurs semblables dans le but de les séduire ou de les impressionner. Le voilà le vrai Dumb Ass Show !
Citons encore au moins la scène hilarante ou Rocky et Scully recherchent activement la source de concentration des mouches à l'aide d'un détecteur à phéromones (sic !). Ils sont en bordure de route en train de scruter le ciel la bouche ouverte dans l'espoir de voir passer un essaim d'insectes lorsque le jeune Dylan Lockensgard - individu mi-insecte mi-homme - passe à vélo silencieusement dans leur dos. On se croirait à Guignol ou pendant la pause Kit Kat !
Mais la veine comique n'est pas l'unique ressort de cet épisode.
2°) Le retour du romantisme poétique :
Eh oui ! Cet épisode est un peu "fleur bleue" ! Car le fond de l'histoire c'est une histoire d'amour qui tourne mal parce qu'un jeune homme timide (il se sent/sait différent des autres garçons...) n'ose pas avouer son amour à une amie d'enfance.
Notons que cette thématique soutend de nombreux autres épisodes précédents de la série et concerne aussi bien Mulder et Scully (la MSR chère aux internautes) que d'autres personnages. Citons pour mémoire 1X13 Gender/Bender, 4X05 The field where I died, 5X03 Unusual suspects, Post-modern Prometheus, 6X06 How the ghosts stole Xmas, 6X07 Terms of endearment, 6X08 Rain King, 6X18 Milagro et bien sur le diptyque 8X20 Essence - Existence.
On pourrait rajouter à cette longue liste les épisodes qui prônent la tolérance et l'ouverture d'esprit face à l'inconnu ou à l'horrible. Car The X-Files est une série humaniste. Mais d'un humanisme qui ne se contente pas d'être bien pensant. Lorsque la série démontre qu'une secte religieuse n'est pas le repère de "méchants" qu'on s'attendait à trouver (2X10 Red Museum), elle prend le contre-pied des clichés petits bourgeois. Lorsqu'elle met en scène un Diable (le vrai) amoureux, aimant et père de famille, on frôle le blasphème (6X07 Terms of endearment). D'autres épisodes filment des monstres - authentiques ou maquillés - sans les utiliser comme de simples repoussoirs, mais en soulignant au contraire leur humanité, voire leur bonté (cf. 2X20 Humbug ou 5X05 Post-modern Prometheus).
Ici seule la mère de Dylan est "méchante". Et encore, elle protège son fils différent (comme elle) du reste des hommes et donc (de son point de vue) fragile et vulnérable (ce qui est vrai car les débiles du Débile Show le harcèlent). En outre, la trame romantico-amoureuse de l'épisode n'est pas sans ressemblance avec celle de Spider-Man, l'Homme-Araignée porté à l'écran récemment. La musique de Pink Floyd, les posters (et le T-Shirt de Syd Barrett porté par Dylan) soulignent cette "différence", ce décalage et ce mal-être que ressent le garçon tandis qu'il contemple la photo de Natalie : "It's no trying to place your hand where I can't see because
I understand that you're different from me. Yes, I can tell that you can't be what you pretend and you're rocking backwards and you're rocking towards..." (Inutile de mettre ta main où je ne la verrai pas parce que je comprends bien que tu es différent de moi. Oui, je te dis que tu n'es pas ce que tu prétends être et alors tu te balances d'avant en arrière...).
Quelques scènes plus tard, Natalie fera l'amère et concrète expérience de cette "altérité" dangereuse qui caractérise Dylan. Et pourtant, l'image finale des insectes qui brillent dans la nuit pour former les mots "I love you" et Natalie qui leur répond est certes un peu "kitsch" mais le monologue de Scully qui l'accompagne en voix off est plus explicite (bien un peu prêchi-prêcha lui aussi) :
In the struggle between our desire to determine who and what we will be and the identity which biology defines for us there can only be one outcome. But even in victory, there are forces biology can not defeat -- the stirring of the soul the mysteries of desire the simple truth that the heart wants ... what the heart wants. | Dans la lutte entre notre désir de découvrir qui nous serons et l'identité que la biologie détermine pour nous, il ne peut y avoir qu'un vainqueur. Mais même dans la victoire, il y a des forces que la biologie ne peut pas vaincre : l'aspiration de l'âme, les mystères du désir, la simple vérité que le cœur exige... ce que le cœur veut. |
Il n'est évidemment pas fortuit que cette conclusion précède l'épisode 9X06 Trust No One qui est entièrement centré sur la quête de Scully pour Mulder...