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l'école de Notre Dame |
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:
l'Ars Nova |
Les quatre effets paradoxaux
que l'on trouve dans ce motet du Manuscrit de Montpellier sont :
"relié / détaché", "le
centre à la périphérie", "entraîné
/ retenu", "mouvement d'ensemble / autonomie"
[voir le tableau qui les regroupe].
La "diagonale
de la musique" nous apprend par ailleurs que l'essence de son fonctionnement
est résumée par le paradoxe "homogène/ hétérogène"
et ce que cela implique pour la façon d'écouter
cette musique.
Le
paradoxe du centre à la périphérie dans le style de
l'Ars Antiqua
(en musique ce paradoxe
signifie : partout du semblable)
Si l'on ne considère
que les deux mélodies parlées, on note combien, même
différentes et faisant des choses différentes, elles sont
cependant un couple de voix que l'on peut dire en position semblable ou
ayant un statut semblable : elles ne font pas des choses complètement
différentes comme à l'époque
de l'École de Notre-Dame, et l'une n'est pas nettement subordonnée
dans un rôle d'accompagnement de l'autre comme à
l'époque de l'École de Saint-Martial. Ce sont deux voix
qui font des choses différentes, mais ce sont deux voix à
égalité côte à côte. Une voix avec une
ou plusieurs semblables autour d'elle, c'est l'effet de choeur à
plusieurs voix qui correspond souvent au paradoxe du centre à la
périphérie. L'intitulé de ce paradoxe a été
donné pour le repérage des effets en architecture et il est
peu évocateur pour la musique, mais on sait
qu'il correspond à la situation d'un réseau cristallin
où un atome est entouré d'atomes semblables à lui.
Par moments les deux
voix font presque la même chose et l'on a affaire à un choeur
de deux voix distinctes qui chantent ensemble. C'est ici la notion : du
semblable à nos côtés.
Le
paradoxe relié / détaché dans le style de l'Ars Antiqua
(en musique ce paradoxe
signifie : pulsation ondulante ou symétrique)
Les évolutions
des deux voix ne sont pas indépendantes, mais en se liant et en
se déliant l'une de l'autre en cadence, elles donnent au contraire
l'impression d'une pulsation commune, d'une alternance bien synchronisée
qui a donc très précisément ici pour fonction de les
relier / détacher en cadence. Ce paradoxe relié / détaché
s'exprime également dans les phénomènes
physiques sous la forme d'une pulsation de deux formes symétriques
imbriquées, qui se nouent et qui se dénouent l'une de l'autre
en cadence.
L'effet alterné
de rapprochement puis d'écartement correspond à l'aspect
analytique du paradoxe, puisqu'il se perçoit grâce à
notre mémoire de ce qui se passait l'instant d'avant. Son aspect
synthétique concerne cette fois la façon dont la pulsation
nous fait entendre une partie de la musique monter vers l'aigu en même
temps qu'une autre partie descend. Sous cet aspect, l'effet de symétrie
n'est pas exprimé par une alternance dans le temps (un temps pour
la séparation, puis un temps pour le rapprochement), mais par des
mouvements contradictoires simultanés (ça part dans les deux
sens opposés en même temps).
Cet effet rappelle
le "déchant" du style de Saint-Martial.
Le
paradoxe entraîné / retenu dans le style de l'Ars Antiqua
(en musique ce paradoxe
signifie que cela bouge sur place)
L'une des voix est
très mobile en hauteur, et comme la voix de sa chanteuse est plus
forte que les autres, ses circonvolutions se détachent sur le fond
des deux autres voix. Ces deux autres au contraire bougent très
peu en hauteur, notamment pour la troisième qui est difficilement
audible.
Au total on perçoit
donc l'opposition de quelque chose qui reste à peu près fixe
sur une note, et de quelque chose qui bouge sans arrêt. Donc cela
bouge, et en même temps cela ne bouge pas.
Cette voix la plus
mobile repasse régulièrement par une position médiane
où elle rencontre les deux autres pour un bref chemin ensemble.
Elle y passe et repasse, mais ne s'y arrête jamais, sauf furtivement.
Cette position centrale autour de laquelle on ne cesse d'évoluer
sans jamais s'y arrêter, rappelle la situation
d'un atome qui s'agite autour de sa place fixe dans un réseau
cristallin, mais sans pourtant jamais réussir à s'y maintenir.
Le
paradoxe mouvement d'ensemble / autonomie dans le style de l'Ars Antiqua
(en musique ce paradoxe
signifie : libres agitations coordonnées)
Bien que les deux voix
chantées se retrouvent à intervalles réguliers, elles
ne vont pas au même rythme entre ces retours, car l'une débite
les paroles plus rapidement que l'autre. Mais ce n'est pas seulement le
débit des paroles qui est différent : comme on l'a indiqué
plus haut, les textes des paroles sont également différents,
et différents les sujets qu'ils traitent. Ce n'est pas le cas ici,
mais parfois ce sont même les langues utilisées qui sont différentes.
Dans ces conditions, il est clair que l'on ne peut pas suivre en même
temps ce que font les deux voix, car ce qu'elles font est trop différent,
ce qui est encore aggravé lorsqu'il s'agit d'un motet triple.
Dans cette impossibilité
de suivre en même temps tout ce qui se passe, on retrouve le même
type d'effet que celui produit par une musique en canon, où l'on
ne peut pas non plus suivre en même temps les deux voix qui font
au même moment des choses trop différentes.
Ces deux voix que
l'on ne peut pas suivre en même temps, sont une expression du paradoxe
mouvement d'ensemble / autonomie, qui correspond par exemple à la
situation des atomes à l'approche du point de fusion : tous
ensembles ils font la même chose, ils bougent, mais ils bougent vers
des directions indépendantes les unes des autres, des directions
déterminées seulement par le hasard qui fait qu'à
tel ou tel endroit une lacune se libère, et ouvre localement une
possibilité de déplacement.
À l'occasion
de leurs périodiques moments synchronisés, les trois voix
qui évoluent de façon différente et font des choses
différentes, montrent qu'elles n'oublient pas qu'elles font ensemble
une même musique. Notamment, elles s'arrêtent périodiquement
très exactement ensembles. Par moment ensembles, et par moment autonomes,
c'est là par conséquent l'expression analytique du paradoxe
"ensembles / autonomes".
Mise à jour d'octobre 2001 :
Ces quelques remarques permettent de compléter cette analyse. Elles sont extraites de la partie du site intitulée "une histoire de l'art" qui traite spécialement de la musique. Mises à part ces quelques remarques que je conseille de consulter, le reste de ce texte est très abstrait et il n'est pas conseillé pour une première approche. |
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