Richard et Anna, Marion et Sophie, Cathy et Jean-Louis, conduits dans un minibus par le chauffeur indien Bipin en Rajasthan / Réception de Cathy et Jean-Louis à Mumbai chez Ramya, Shri et Mahesh, puis chez Rashmi et ses parents, et visite d'un jardin botanique avec Maithili.
Circuit en Rajasthan / Séjour à Mumbai

3 au 16 mars au Rajasthan et

du 16 au 22 mars 2013 à Mumbai

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indeShri vient gentiment nous chercher à l'aéroport de Mumbai devant lequel poussent de grands frangipaniers couverts de bouquets de fleurs blanches. Appelé 'champa' ou 'chafa' en Inde, et de son nom savant Plumeria alba, il est originaire d'Amérique centrale et prisé des Hindous pour l'arôme qu'il donne à l'encens (Nagchampa incense). indeNous avons immédiatement une bonne impression de la ville : la température est agréable, les rues sont larges, bordées de vieux arbres magnifiques qui se développent dans toute leur hauteur naturelle, les bâtiments sont soignés, la circulation fluide. Il est 4 heures de l'après-midi ce samedi, et Ramya travaille encore. En Inde, les horaires sont plus chargés qu'en France, et bien qu'elle soit avocate, elle n'a pas pu se libérer. Elle a délégué son mari qui a la même profession qu'elle, mais travaille dans un autre cabinet. indeIls habitent tout près du port. L'ensemble d'immeubles est protégé par une enceinte de très hauts murs et gardé nuit et jour à l'entrée. Du petit parc s'élèvent des cris d'oiseaux, petits passereaux ou corbeaux bicolores ; le ciel est sillonné par les milans aussi nombreux qu'en Rajasthan ; de majestueux manguiers aux fruits encore petits et verts poussent indeà côté de hauts arbres élancés aux allures de peupliers, mais dont les branches et le feuillage un peu plus sombre ont un port tombant. Ce sont des arbres-mâts ou faux-Ashokas (Polyalthia longifolia var. pendula), fréquemment plantés près des temples hindous dont les prêtres utilisent les feuilles et les fleurs comme décorations lors des cérémonies religieuses. Par une échappée entre des palmiers se détache la silhouette d'une grue du port. C'est un quartier paisible, loin des bruits de la grande métropole.

indeLeur immeuble est en réfection, et l'entrée jure avec cet environnement agréable : les escaliers sont à moitié démolis, il faut escalader des tas de gravats, et la façade est doublée d'un étonnant assemblage de bambous soigneusement reliés par des ficelles de chanvre nouées une à une. indeIl doit falloir un temps fou pour dresser pareil échafaudage. En outre, ils sont simplement attachés par ce même moyen rustique et apparemment frêle aux conduites qui courent le long des murs, pour ne pas basculer. Il n'y a pas de plate-formes, je me demande comment les ouvriers vont ravaler la façade. Seront-ils en équilibre sur ces troncs étroits ? Il n'y a pas non plus d'échelle pour passer d'un niveau à l'autre. C'est étonnant.

L'ascenseur fonctionne et nous mène à leur étage. Sitôt franchi le seuil, nous commençons par le rituel d'entrée dans un temple : nous retirons nos chaussures. Suspendues à la grille toujours plaquée contre le mur et qui fait face à l'entrée, de petites clochettes me rappellent celles que Ramya m'a récemment offertes à l'occasion de son dernier passage en France. indePersonne ne les fait résonner, toutefois. Juste à droite en pénétrant dans le salon se trouve un oratoire composé de deux éléments, un petit meuble fixé à hauteur des yeux, où figurent des représentations des dieux, 'murti' (statuette) ou image ornée du traditionnel collier de fleurs, et au-dessous, une table basse supportant un joli assortiment de bougies et lampes à huile.

Comme autrefois en Pays basque, les femmes hindoues sont traditionnellement en charge des rites qui sont une version simplifiée du 'puja' qui se déroule dans un 'mandir' (issu du sanskrit 'mandira', maison, et par extension, maison des dieux, temple). indeElles s'en acquittent d'ordinaire de bonne heure le matin, l'aube - ou le crépuscule - étant jugés de meilleur auspice pour entrer en relation avec les dieux. L'hindouisme se démarque des autres religions par l'accent qu'il met sur la pratique domestique des rites religieux, les temples ayant une moindre importance que les lieux de culte du monde chrétien ou de l'islam - même si nous les trouverons toujours très fréquentés par des fidèles et en usage permanent, grâce à la présence d'au moins un prêtre qui effectue des rites tout au long de la journée -. - Photo : 'lady-fingers' ou bindi -

Après de très chaleureuses retrouvailles avec le jeune couple qui nous fait faire le tour du propriétaire, et avec Mahesh, le père de Ramya, que nous connaissons aussi puisqu'il est venu nous voir au Pays basque, nous visitons un peu le quartier. Les petits commerces aux étalages bien garnis proposent des légumes frais que je reconnais, pour les avoir mangés à maintes reprises dans les plats rajasthanis. Il s'agit des 'lady-fingers' ou bindi, qui sont en fait une variété dérivée des gombos, originaires d'Afrique, du Nil à l'Ethiopie, où ils existent toujours à l'état sauvage et qui furent cultivés en premier en Egypte. indeEn 4000 ans, ils se sont répandus sur tous les continents. En Inde, une variété non gluante, très populaire, est consommée couramment : c'est le "Pusa Sawami". Nous nous arrêtons ensuite devant un stand de noix de coco vertes. Je n'en avais jamais vu ainsi. Mahesh en commande pour que nous y goûtions. Le jeune homme brandit une machette et il étête rapidement le fruit en quelques coups tranchants du côté où était la tige. Une fois la pulpe blanche bien dégagée, il plonge la lame au milieu pour y ménager un orifice où il plonge une paille. indeNous buvons le jus très rafraîchissant et lui rendons le fruit. A la demande de Mahesh, il donne un nouveau coup sec de sa lame qui détache une languette de peau un peu épaisse. Après avoir agrandi le trou, il s'en sert de cuillère pour dégager de la paroi intérieure de ce jeune fruit pas encore mûr la pulpe qui a l'aspect d'une fine couche gélatineuse. Elle se consomme également, et je lui trouve un goût beaucoup plus doux et plus fin que la chair fibreuse blanche de l'amande mûre telle que nous la connaissons. Nous lui rendons de nouveau la noix qu'il jette cette fois sur un tas déjà conséquent : elles seront données à manger à des animaux. J'ignore si elles seront préalablement rapées pour les vaches. Je ne les imagine pas en train de mordre dedans. - Photos : Ramya et son père Mahesh - Noix de coco vertes -

indeMahesh nous signale l'église chrétienne 'Our Lady of the Rosary - Niketan' (Notre Dame du Rosaire) qui est Catholique romaine et dont dépend une école. Le grand volume du bâtiment est bien sûr dépourvu de radiateurs : ils sont remplacés dans cette chaude région du monde par de grandes pales de ventilateurs fixés aux murs au-dessus des bancs des fidèles, et doublés d'une série de ventilateurs plus petits et rotatifs à hauteur des visages. Nous sommes sur Mazagaon, ou Mazgaon, l'une des sept îles de Mumbai située au sud. Son nom dérive peut-être du Sanskrit 'Matsya Gram', village de pêcheurs, et l'on pense que ses habitants étaient à l'origine des tribus d'Agari (sauniers, producteurs de sel) et de Koli (pêcheurs). Mais il est aussi possible que ce nom ait une origine portugaise. Mazagão était une ville et un fort du Maroc (aujourd'hui El Jadida) établis par les Portugais au début du XVIe siècle, et dont la population fut évacuée en totalité vers le Brésil en 1769. - Photo : Statue équestre du Maharaja Chatrapati Shivaji -

indeEn effet, les premiers colons de l'île furent des Jésuites portugais qui construisirent une église au XVIe siècle. En portugais, 'Bom Bahia' signifie la bonne baie, d'où a dérivé le nom de Bombay, qui est construite sur l'archipel entouré d'eaux peu profondes et de marécages. En dépit de leurs réclamations, le roi du Portugal offrit l'île en 1572 à la famille de Souza et Lima dont les descendants se reconnaissent à leur dénomination D'Souzas. Quand les Portugais la cédèrent aux Britanniques, il y avait déjà une population bien établie de Catholiques romains, principalement pêcheurs. La plupart était des Hindous convertis, mais il y avait aussi des Eurasiens, ainsi que quelques esclaves noirs africains amenés par les Portugais, et connus sous l'appellation de Cafres, un terme issu de l'arabe kafir (incroyant, infidèle), par lequel les marchands d'esclaves arabes désignaient les habitants des régions allant du comptoir mozambicain au Cap sud-africain. Depuis l'Indépendance, cette île de Mazagaon est généralement considérée comme une enclave catholique. On y trouve également à 'Mathar Pakhadi' un village catholique d'Inde orientale dont les migrants en provenance de Goa s'installèrent dans des camps de transit qui se convertirent en résidences permanentes. - Photo : Hôtel Taj Mahal à Mumbai -

indeNous longeons les "Mazagon Docks Ltd - Ship builders to the nation" (Constructeurs de bateaux pour la nation) - où travaille Mahesh et dont l'activité de construction navale est célèbre depuis le XVIIIe siècle. C'est là que se font les navires de guerre de la Marine indienne. Derrière le grand mur surmonté de plusieurs rangs de barbelés, nous apercevons trois grosses citernes qui contiennent des réserves de pétrole. De notre côté, une route est en train d'être tracée tout le long, sans doute une contre-allée pour désengorger la voie principale déjà surmontée d'un grand viaduc. Curieusement, dans cet endroit peu romantique entre le chantier et la route, un petit temple est érigé près d'un arbre sacré. Des grappes de noix de coco sont suspendues au tronc peint, des diadèmes argentés entourent des excroissances ou moignons de rejets taillés auxquels sont accrochés des colliers de fleurs fraîches. A ses côtés, un grand bougeoir de cuivre d'au moins un mètre de hauteur fait office de lampe à huile dont la mèche est allumée en permanence. - Photo : La Porte de l'Inde à Mumbai, par laquelle passèrent les derniers militaires britanniques après la Déclaration d'Indépendance de l'Inde -

indeUn prêtre en tenue safran arbore une longue barbe et une moustache poivre et sel. Mon appareil photo à l'air de l'inquiéter et il passe son temps à surveiller mes faits et gestes. Du coup, toutes mes prises sont floues ! Une statue de Ganesh peinte en rouge luisant, également entourée d'un collier de fleurs jaunes et blanches, trône au milieu du sanctuaire auquel on accède après avoir fait résonner l'une des nombreuses cloches de diverses tailles suspendues devant un écran de compositions florales en festons. Par terre, une tortue de pierre noire luisante et un chien (?) dans la même matière tenant une sphère orange font le pendant d'une tortue blanche et d'une vache (ou un taureau) noire. Suspendu au plafond, un récipient de cuivre en pointe déverse goutte après goutte de l'eau sur une pierre verticale oblongue où est gravé un visage masculin entouré de flammes. Ce 'lingam' est surmonté d'une coiffe constituée de 5 cobras à la collerette déployée et il se dresse au milieu d'une vasque dont l'eau s'écoule dans un bassin. Un grand trident doré est planté verticalement sur le côté. - Photo : Navires de la Marine nationale dans le port -

indeBien sûr, chaque élément a une signification bien précise. Pour les comprendre, il faut remonter bien loin dans le temps. A l'époque de la religion védique, pratiquée en Inde antique par un peuple descendu des plateaux de l'Iran après la décadence des villes de Mohenjo-daro et de Harappa (anciennes civilisations de la vallée de l'Indus), le principal objet d'adoration était le feu. Considéré comme sacré, il était allumé sur une plate-forme en plein air et des offrandes lui étaient offertes. On ignore la date exacte à laquelle les Indo-Aryens commencèrent à construire des temples, indemais ils furent peut-être concomitant à l'idée de vénération d'idoles. Beaucoup sont érigés en des lieux géographiques clé, berge de rivière, sommet de colline, bord de mer, cascade, grotte, considérés par les Hindous comme des lieux purs, 'sāttvika' en sanskrit. - Photo : Mumbai enfouie dans une brume dense -

Les petits temples ou les oratoires de plein air, par contre, peuvent être n'importe où, au bord d'une route ou même sous un arbre. Ici, Ganesh trône dans le sanctuaire intérieur, 'garbhagriha', qui symbolise le lieu de naissance de l'univers, un lieu où l'humanité rencontre les dieux, et qui est le seuil entre les mondes transcendental et phénoménal. Je ne me souviens pas s'il était surmonté d'un 'shikara' (la petite tour conique qui symbolise le mont Meru). Ganesh est l'un des trois fils de Shiva dont la monture est le taureau Nandi, et qui arbore un trident. Dans ce petit temple, il est représenté dans sa forme abstraite de Shiva lingam, une pierre dressée qui est un emblème phallique symbole de la création, associée à la 'yoni', une dalle de pierre représentant l'organe féminin, la matrice du monde. Sur sa représentation gravée, il est entouré d'un cercle de feu ('prabhamandala').inde - Photo : Lingams et yonis sur les ghâts à Varanasi -

Et pourquoi y a-t-il deux tortues dans ce temple ? Autrefois, dans bien des cultures, le ciel était représenté comme une voûte hémisphérique et la Terre comme une étendue plane. Entre le dôme de sa dossière et la surface plate de son plastron, le corps de la tortue figurait le monde intermédiaire dans lequel vivent les hommes, entre l’univers étoilé et le sol terrestre. Elle était ainsi un véritable fil reliant le Ciel et la Terre, dotée de fabuleux pouvoirs de connaissance et de divination, un médium capable de fournir aux hommes les secrets des dieux. En Orient (Chine, Japon, Vietnam, Corée, Inde, Tibet…) comme en Amérique du Nord (du Mexique jusqu’en Alaska), la tortue est avant tout le support du monde. - Photo ci-dessous : Sur ce tableau, les asuras qui sont du côté de la tête du serpent Vasuki sont exposés à son souffle brûlant, tandis que les devas (dieux) tiennent sa queue fraîche. Cette peinture est faite selon le style populaire de l'Andhra Pradesh. -

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Pour les Hindous, la création du monde revient au dieu Brahmâ. Un énorme serpent se mordant la queue est suspendu dans le vide de l’infini, symbolisant la course éternelle du Soleil dans le ciel. Sur ce serpent repose une tortue. C’est par elle que la force des cieux va se traduire dans le monde des réalisations. Sur cette tortue se trouvent des éléphants qui portent les trois mondes. Le monde inférieur des démons et de l’enfer, le monde intermédiaire des hommes et de la Terre, et le monde supérieur des dieux et de la félicité. C’est par la tortue que ces trois mondes existent, car elle est le lien direct entre l’univers et sa manifestation. Parallèlement, le deuxième des dix avatars de Vishnu est Kurmâ la tortue (avatâra, en sanskrit, signifie "descente", au sens de "descente du ciel" ou incarnation d'une divinité sur terre, en réponse à un besoin de l'humanité). Elle servit de support au mont Mandara que les deva (dieux) et les 'asura' utilisèrent comme pivot pour baratter la mer de lait (Océan des Origines) d’où naquirent 'amrita' ou liqueur de l’immortalité, l’arbre du Paradis, la médecine des dieux, la déesse du vin, les nymphes, le cheval divin, l’éléphant royal, et tant d’autres merveilles…- Photo ci-dessous : Kurmâ, Avatar de Vishnu, sous le Mont Mandara, avec Vasuki enroulé autour de lui, barattant la mer de lait durant Samudra manthan, l'un des plus célèbres épisodes des Puranas (récits mythiques). ca 1870. -

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