Richard et Anna, Marion et Sophie, Cathy et Jean-Louis, conduits dans un minibus par le chauffeur indien Bipin en Rajasthan / Réception de Cathy et Jean-Louis à Mumbai chez Ramya, Shri et Mahesh, puis chez Rashmi et ses parents, et visite d'un jardin botanique avec Maithili.
Circuit en Rajasthan / Séjour à Mumbai

3 au 16 mars au Rajasthan et

du 16 au 22 mars 2013 à Mumbai

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indeindeProfitant de la présence du guide, je me fais expliquer comment les occupants du Fort Amber géraient l'approvisionnement en eau, un problème crucial dans cette région de l'Inde, et particulièrement aigu en ce lieu haut perché. Le lac Maota en était la principale source. L'eau était transportée en plusieurs étapes depuis le lac jusqu'à son dernier lieu de stockage au sommet du palais. Tout d'abord, elle était hissée le long de la façade orientale du Kesar Kyari (jardin de safran au premier plan de la photo ci-dessus) au moyen de poulies entraînant une corde à laquelle étaient accrochées des outres en cuir, le tout étant mu par des animaux de trait. Elle était versée dans deux réservoirs construits sur la terrasse ayant vue sur le jardin. De là, un tuyau d'argile d'environ 125 m la déversait dans un autre réservoir à la base du second étage du Fort. Ce deuxième système était composé de quatre structures de 10 à 13 mètres de hauteur, séparées, mais interconnectées et construites dans un ordre ascendant. indeindeChacune d'entre elles était équipée selon le même principe d'une poulie et d'une corde à traction animale. L'eau était ainsi montée à 45 m de hauteur jusqu'au premier étage de Balidan Gate (Dhruv Gate). Le dernier niveau était équipé d'une roue persane ou 'Rehat' ('Sakia' en persan, inventée en 500 avant J.-C.). Il s'agissait d'un arbre de grande longueur dont la rotation autour de son axe actionnait l'essieu d'une roue à tambour entourée d'une corde à laquelle étaient fixés des seaux. L'eau était puisée dans le réservoir inférieur et se déversait dans un canal au sommet du mécanisme, puis circulait dans le palais à travers un réseau de tubes de terre. Le guide nous montre des grilles et nous explique qu'un gros réservoir collectait en plus les pluies des moussons. J'imagine que l'eau, conservée aussi longtemps, devait croupir, qu'elle devait contenir des poussières et qu'elle n'était pas bien pure.

indeL'influence moghole se traduit par la conception de jardins agrémentés de canaux et de fontaines. Une des pièces du palais, le Sukh Niwaas, était ainsi traversée par un canal peu profond où coulait de l'eau fraîche qui, en s'évaporant avec la brise, atténuait la chaleur à l'intérieur. Il était, paraît-il, un lieu apprécié des rois pour se détendre en compagnie de leurs reines ou de leurs maîtresses. C'est au Fort rouge d'Agra que nous verrons les meilleures illustrations de l'influence moghole. Mais ce qui m'intrigue le plus, c'est le 'Sheesh Mahal' (Palais des Glaces - ou des Miroirs), construit par le Raja Jai Singh en 1623 au sein du Jai Mandir pour y recevoir ses invités de marque. Les murs et le plafond sont superbement décorés de "verre de Belgique", sous la forme d'incrustations de milliers de petits miroirs, plats, convexes (en creux) ou concaves (en bosses), et inded'éclats de verre coloré, opaques ou translucides, qui répercutent indéfiniment chaque petit rayon de lumière et diffusent la lumière naturelle dans tout l'intérieur de la pièce. C'est une symphonie merveilleusement orchestrée de thèmes essentiellement floraux en variations d'une infinie diversité. La légende raconte que la reine aurait aimé dormir à l'air libre, sous les étoiles, et que cela lui était interdit pour ménager sa pudeur et son rang. Le roi ordonna donc aux architectes de trouver un artifice qui lui donne l'impression de voir scintiller les astres. Effectivement, si l'on allumait le soir deux chandelles, leur reflet dans ces milliers de miroirs faisait penser à un ciel étoilé. - Photos : Sheesh Mahal, détail - Maharaja Jai Singh of Amber, 1630 -

indeCette technique de mosaïque appelée marqueterie de pierre et de miroirs reflète le mode de vie somptueux de la royauté rajpoute à cette époque. Ce signe d'opulence fut par la suite imité par les riches marchands Marvadi du Shekhawati qui employèrent de nombreux artisans pour orner leurs Havelis et leurs demeures du XVIIIe au XXe siècle. Le processus de fabrication comprenait plusieurs étapes. La première consistait dans la réalisation à la bonne échelle du dessin sur une feuille de papier qui était collée sur une planche de bois. Durant la seconde étape, les plaques de verre coloré étaient appliquées sur le dessin et coupées à la pointe de diamant pour acquérir indeles formes requises qui étaient collés sur le papier. L'espace vacant était comblé par une pâte faite de poudre de marbre et de colle. Parfois, cet art était aussi réalisé en trois dimensions, par exemple sur une fontaine, des plafonds incurvés ou des alcôves. Alors que les marchés du verre de Delhi et Faridabad suffisaient pour répondre aux exigences des artisans en marqueterie, les petits miroirs convexes ou concaves étaient spécialement commandés en Belgique, car ils étaient prisés pour l'effet de relief et de vie qu'ils donnaient aux oiseaux, aux fleurs, aux feuilles, aux navires... - Photos : Sheesh Mahal, détail - Maharaja Gaj Singh of Marwar, 1630 -

indePourquoi s'approvisionner en Belgique ? Pour le comprendre, il faut connaître les péripéties qui pimentent l'histoire de la verrerie. Sa naissance se situerait entre l'âge du bronze et celui du fer, une date attestée par un bas-relief du temple égyptien de Beni-Hassan qui représente un mouleur de verre et remonte à plus de 2000 ans avant J.-C. Les plus anciens objets qui subsistent sont des perles de verre égyptiennes remontant à 2500 avant J.-C. Des baguettes de verre mésopotamiennes pourraient être plus anciennes encore. Les premiers objets à vocation utilitaire, également égyptiens, sont de petites bouteilles et des gobelets comme celui de Thoutmosis III (1490 avant J.-C.).

indeIl s'agissait d'objets moulés : l'artisan déposait la matière vitreuse autour d'un noyau d'argile et de sable dont elle épousait la forme ; après séchage, le noyau se rétractait et s'ôtait facilement. Pline parle avec respect des verriers de Sidon, capitale de la Phénicie (Liban-Syrie-Palestine). Le soufflage du verre fut inventé par les Babyloniens vers 250 avant J.-C., rendant facile et bon marché la réalisation de vaisselle en verre. Cette technique, qui évolua peu jusqu'au XVIIIe siècle, consiste à recueillir la matière vitreuse en fusion ou paraison au bout d'une tige métallique creuse, la canne à souffler. L'artisan peut alors faire rouler la bulle de verre sur la table de travail (le marbre) afin de lui donner une forme symétrique. Le fond de l'objet est façonné au moyen de pinces.

indeLes Romains font venir des souffleurs de verre phéniciens et babyloniens et développent l'industrie des bols et des petites bouteilles en verre qui commence à remplacer ces mêmes objets en métal précieux chez les riches. C’est seulement vers l’an 31 avant J.-C. que la fabrication du verre coulé semble avoir débuté à Rome. Bien qu’on ait retrouvé du verre enchâssé dans des fenêtres en bronze sur le site de Pompéi, les Romains préféraient utiliser des plaques translucides d'albâtre car leur verre, non poli, n'était pas transparent. En ce qui concerne les miroirs, ceux qui étaient en alliage d'étain et de cuivre, puis d'argent, présentaient le défaut de s'oxyder rapidement. On attribue aux verreries de Sidon, au Ier siècle, l'invention d'un miroir constitué d'une plaque de verre dont la surface arrière était garnie d'une feuille de métal. Les Romains en possédaient ainsi en verre recouvert d'or ou de plomb fondu.

indeCe serait les légions romaines de César qui, en venant s’installer en Belgique, y amenèrent l’usage du verre, importé des pays voisins aux Ier et IIe siècles. Des verreries furent néanmoins installées en Belgique, à Maquenoise et à l’Est de la Sambre et de la Meuse. Au IIIe siècle, le verre presque incolore apparaît. Sa fabrication se poursuit sous les Francs, mais peu à peu la qualité du produit s’étiole jusqu'à prendre une teinte verdâtre, car l'effondrement de l'Empire romain stoppe net le développement des technologies du verre qui disparaît progressivement d'Europe. Si on met à part les vitraux des cathédrales gothiques constitués de petits bouts de verre assemblés, le verre n'est plus du tout utilisé dans la construction. Il faudra attendre le XIe siècle pour voir l’apparition de feuilles de verre soufflé aux fenêtres. Le miroir de verre apparaît, un objet de luxe dans un cadre d'or ou d'argent, protégé par une petite boîte sculptée, parfois d'ivoire.

indeL'art du verre est redécouvert à Venise au XIIIe et XIVe siècle grâce à ses contacts avec les Byzantins qui ont su préserver leur savoir-faire. Au début du XIVe siècle, de nouvelles techniques de fabrication de feuilles de verre voient le jour en France (fabrication en plateau). Les miroirs de métal (d'étain comme on les nomme à l'époque), toujours bombés, sont les plus courants. C’est au XVe siècle que les Vénitiens et en particulier les verriers de Murano produisent des vases d’une incomparable finesse et d’une extraordinaire complication, des verres teintés dans la masse, dorés, émaillés. Dans l'Antiquité, on ajoutait au sable de la soude végétale qui provenait des cendres obtenues par la combustion de plantes halophytes comme la salicorne ou les soudes. Les artisans verriers de l'île de Murano y mêlèrent vers 1450 de la chaux obtenue par calcination du calcaire (chaux vive) et ajout d'eau (chaux éteinte), pour donner de la soude caustique. Les Vénitiens obtinrent ainsi une matière aussi claire que le cristal de roche qui rendait le miroir plus brillant et ils lui donnèrent le nom de 'cristallo'. Malgré leurs efforts pour garder secret leur savoir-faire, l'art du verre cristallin finit par se répandre au-delà des Alpes en Allemagne, France, Belgique et Angleterre. À la Renaissance, les fabricants européens mettent au point une méthode supérieure de miroir en verre recouvert d'un amalgame d'étain-mercure. La date exacte et le lieu de la découverte est inconnu, mais Venise est réputée au XVIe siècle pour ses verreries utilisant cette nouvelle technique.

Après s'être développées dans différentes régions d'Europe, Bohême, Lorraine, Normandie, les techniques verrières se propagent vers les Pays-Bas aux XVIe et XVIIe siècles dans une période trouble de persécutions religieuses. indeVers le milieu du XVIe siècle, la production du verre blanc connaît dans les anciens Pays-Bas un essor considérable, grâce au formidable épanouissement de l’industrie verrière lié à la venue de verriers étrangers, français et surtout italiens. Les verreries capables de produire du verre blanc de qualité pendant la seconde moitié du XVIesiècle sont localisées pour la plupart d’entre elles dans la province du Hainaut : Barbençon, Beauwelz, Froid-Chapelle, Macquenoise, Momignies.

Le célèbre géographe Mercator (1512-1594) relève aussi la présence de fours à verre à Leernes et dans la région de Walcourt. Il déclare qu’on y fabrique "pièces et lames de voirre transparent par lesquelles on arreste les incommodités du ciel d’entrer dans temples et maisons ; et celles-cy précellent toutes autres qui se font ailleurs ; indes’y font aussi toutes sortes de voirres, tant vaisseaux à boire qu’autres". Des verreries existent également à Anvers et Liège, mais elles sont spécialisées dans la production de verre à la façon de Venise. Même si une activité modeste y est attestée, la région de Bruxelles et le Namurois voient le développement de leur industrie verrière plus tardivement. Une fournaise a été mise au jour en Brabant wallon qui pourrait avoir produit du verre à vitre, à Ways.

Pendant la seconde moitié du XVIe siècle, les guerres et l’insécurité ambiante entravent gravement l’industrie verrière. Les routes ne sont pas sûres, mais surtout, la main-d’œuvre spécialisée, particulièrement les verriers lorrains, devient plus difficile à trouver et à fixer. À partir de 1550, ces verriers émigrent massivement de la Lorraine vers la Picardie et le Hainaut, pour des raisons religieuses, mais ils ne font que transiter, partant plus au nord à cause des persécutions du duc d’Albe. Pour trouver de la main-d’œuvre spécialisée, le verrier Colnet, installé dans le Hainaut, n’hésite pas à se rendre à l’étranger pour recruter des maîtres verriers vénitiens, allemands et français. Après une période particulièrement difficile entre 1570 et 1582, la production reprend plus ou moins normalement jusque 1594. En 1595, les fours sont éteints "ad cause des gherres". indeAu XVIIe siècle la production du verre se concentre dans les régions houillères. C'est ainsi que la région de Charleroi voit se développer conjointement charbonnage, sidérurgie et verrerie dans un destin parallèle de presque 300 ans.

Mais c'est en France, entre 1690 et 1720, sous l'impulsion de Colbert et grâce aux gentilshommes verriers de Normandie, les Nehou, installés près de Cherbourg à Tourlaville, qu'une nouvelle technique, dite du coulage, permet d'obtenir des miroirs de qualité comparable à ceux de Venise et, en plus, de bien plus grandes dimensions. La Galerie des glaces de Versailles sous Louis XIV en est le meilleur exemple, avec les salles d’apparat de Marly, de Chambord, de Fontainebleau. Au XVIIIe siècle, la technologie du verre évolue rapidement. Les premiers moules apparaissent en 1821, mettant fin au soufflage du verre pour les bouteilles et autres gobelets. Mais le plein essor de l´industrie du verre plat en Belgique remonte au début du XVIIIe siècle, du temps des souffleurs de "canons" au pays de Charleroi. A l´ère industrielle, la Belgique devient le plus important exportateur de verre à vitres du monde et l´un des principaux producteurs de glace polie.

Pour clore le sujet, il faut simplement préciser que la Belgique n'existe en tant qu'Etat indépendant que depuis 1830. En 1515, elle fut incluse dans l'héritage du futur empereur Charles Quint (je passe sur les vicissitudes antérieures). L'unité des Pays-Bas fut brève, indecar les guerres de religion éclatèrent. La guerre de Quatre-Vingts Ans, de 1568 à 1648, finit par diviser le territoire en deux : une république fédérale au nord, les Provinces-Unies (Belgica Foederata), protestantes, et, au sud, les Pays-Bas méridionaux (Belgica Regia), catholiques, toujours dirigés par la couronne des Habsbourg espagnols. Ces derniers comprennent à peu près tout le territoire de la Belgique contemporaine, à l'exception de la principauté de Liège, mais en incluant le nord de la France. Parler de 'miroirs belges' est donc une simplification touristique qui ne correspond pas vraiment à la réalité politico-historique. 1623, la date de construction du 'Sheesh Mahal' par le Raja Jai Singh, montre la vitesse à laquelle circula l'information sur les dernières innovations techniques dans ce domaine des objets de luxe comme les miroirs, qui se transmit jusque dans l'Inde moghole. Elle illustre également la vitesse de réaction des fabricants de la région houillère de Charleroi qui trouvèrent de nouveaux débouchés sans se laisser troubler par les guerres intestines.

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Khuri
Khuri
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Jaipur
Fatehpur-Sikri
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