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La grotte
Chauvet :
têtes
de lions "cubistes"
Avertissement :
Pendant 10 ans, j'ai placé les peintures de la Grotte Chauvet à l'étape B0-12 avant de les avancer à l'étape B0-11 où elles figurent maintenant, c'est-à-dire de les passer de la deuxième à la première étape des grottes ornées préhistoriques actuellement découvertes. C'est la rédaction d'un livre en préparation qui m'a fait comprendre cette erreur initiale d'attribution. Ce livre a comme point de départ les analyses développées par Philippe Descola dans son ouvrage « Par-delà nature et culture », mais déborde largement ces analyses. Parmi les réflexions que j'ai menées pour le rédiger, certaines m'ont convaincu que les œuvres de la préhistoire ne pouvaient pas être pensées comme on pense les œuvres plus modernes et que, pour cette raison, même les ontologies définies par Descola n'y étaient pas correctement adaptées. Notamment, il m'est apparu que les peintures rupestres devaient fonctionner de façon très différente des œuvres sculptées de la même époque, ce qui n'est pas le cas, du moins pas à ce point, pour les œuvres récentes. Ainsi, par exemple, si l'on considère le Moïse de Michel-Ange (1475-1564), la tension qui l'anime provient pour beaucoup de l'instabilité de sa position : est-il en train de se lever, ou sur le point de se lever, ou au contraire de s'asseoir, ou bien encore d'hésiter à se lever ? Et s'il se lève, ne va-t-il pas laisser tomber les précieuses tables de la loi qu'il ne retient que négligemment de sa main ? Cet aspect inséparablement stable et instable de sa position correspond bien à l'effet de déstabilisation propre au paradoxe « du centre / à la périphérie » qui est l'un des deux paradoxes essentiels de l'étape D0-12 de Michel-Ange. Moïse de Michel-Ange – source de l'image : https://www.wikiwand.com/fr/Mo%C3%AFse_(Michel-Ange) La Famille de Loth fuyant Sodome (détail), de Véronèse – source de l'image : Le Louvre : http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/la-famille-de-loth-fuyant-sodome_huile-sur-toile Si l'on considère maintenant « La Famille de Loth fuyant Sodome », tableau de Paul Véronèse (1528-1588) qui relève de la même étape D0-12, l'étape dite « maniériste », ce sont cette fois trois femmes qui sont en équilibre précaire. À moins qu'elles ne soient en « déséquilibre précaire », car on ne sait dire si elles fuient en courant ou si elles ont été brusquement arrêtées dans leur course par celle qui a le pied fermement posé sur un rocher et qui semble, peut-être, ôter de sa chaussure un gravier qui la gêne. Sculpture ou peinture, on voit que, à cette étape D0-12, l'effet de stabilité / instabilité qui est l'une des manifestations du paradoxe du centre / à la périphérie peut se traduire par le moyen similaire de personnages en position stable et instable à la fois, ne serait-ce que parce qu'il s'agit d'oeuvres fixes qui, par conséquent, ne bougent pas, tout en évoquant, pourtant, le mouvement fait par les personnages qu'elles mettent en scène. Les sculptures préhistoriques trouvées dans la grotte de Vogelherd me sont aussi apparues correspondre à un effet de déstabilisation de l'appui des animaux représentés, non pas du fait qu'ils semblaient trébucher ou s'appuyer de façon incertaine sur le sol, comme il en va dans le Moïse de Michel-Ange ou dans la Famille de Loth de Véronèse, mais, plus radicalement, parce que dans ces petites figurines préhistoriques les membres inférieurs se dérobent, manquent, sont brutalement remplacés par des sortes de moignons (effet 01s08). Ainsi qu'il en va, par exemple, du cheval qui est analysé à cette page, page où l'on rappelle que cette dérobade du support a également son équivalent dans l'architecture de l'époque maniériste. Dans la même logique, je m'attendais à ce que les peintures rupestres de l'époque des figurines de Vogelherd utilisent des procédés similaires à ceux de ces figurines, et je privilégiais donc, pour y correspondre, des représentations d'animaux avec des pattes très atrophiées, plus ou moins similaires à celles que montrait la sculpture. Ce type de procédé ne se trouvant pas dans la grotte Chauvet, il ne me semblait donc pas possible de l'attribuer à l'étape B0-11, même si les dates envisagées pour cette grotte plaidaient plutôt pour cette étape. Il se trouve que les réflexions que j'ai menées pour la rédaction du livre évoqué précédemment m'ont laissé penser que, dans la peinture rupestre de l'étape B0-11, mais pas dans la sculpture de la même époque, devait apparaître des effets de répétitions d'une même forme, que ce soit de façons absolument identiques ou sous des aspects seulement semblables. Quelque chose du type : 1 forme + 1 autre fois une forme semblable + 1 autre fois une forme semblable, etc. Je n'expliquerai pas ici pour quelles raisons j'en suis arrivé à cette conclusion puisque, précisément, j'ai besoin de tout un livre pour l'expliquer et pour le justifier, mais l'on comprendra que les nombreuses répétitions de profils encastrés à la grotte Chauvet, comme ceux des files de rhinocéros, mais aussi de lions et de lionnes, la file des têtes de chevaux du panneau des chevaux, celle des têtes de bisons du panneau des lions, tout autant que les répétitions des têtes de lions et de lionnes en chasse, ou celles des aurochs chassés par ces lions, correspondaient parfaitement à ce que je devais maintenant trouver pour l'étape B0-11. Il restait pourtant à comprendre pourquoi tous ces animaux n'avaient pas des « membres qui se dérobent » comme il en va pour les figurines de Vogelherd, et c'est alors que j'ai compris ce qui aurait dû me sauter aux yeux bien plus vite si je n'avais pas été obsédé par la recherche de moyens analogues dans la sculpture et dans la peinture de cette époque. Ces dos de rhinocéros emboîtés l'un dans l'autre correspondent, en effet, à la combinaison de deux autres expressions possibles du paradoxe du centre / à la périphérie, celle par laquelle des formes similaires butent les unes contre les autres (effet 01s03), et celle par laquelle une forme trouve son équilibre en se butant sur d'autres sur toute sa périphérie (effet 01s14). Quoi de plus adapté, en effet, pour faire buter les formes les unes contre les autres sur toute leur périphérie que d'emboîter leurs profils, c'est-à-dire, précisément, leurs extérieurs, afin qu'ils soient, tout au long de leur parcours, les uns contre les autres. Ce type d'emboîtement ne correspond donc pas à une « recherche d'effet de perspective », comme les adorants de la perspective de la Renaissance ne peuvent s'empêcher de le lire, mais à un moyen simple de combiner le souci de « faire de la répétition d'une forme du type 1 forme + 1 forme semblable + 1 forme semblable » avec celui de le faire au moyen d'un effet paradoxal du type « le centre / à la périphérie ». Et cela vaut aussi, mais d'une autre façon, pour la file des chevaux et celle des bisons qui se butent les têtes les unes contre les autres et qui s'équilibrent donc mutuellement en butant mutuellement leurs contours. Avec le paradoxe du « centre / à la périphérie », un autre paradoxe essentiel pour l'étape B0-11 est celui du « ça se suit / sans se suivre ». Pas de problème : il est aussi essentiel pour l'étape B0-12, puisqu'il s'y retrouve deux fois, et j'avais donc déjà bien testé la pertinence de ce paradoxe pour les peintures de la grotte Chauvet. Quant aux trois autres paradoxes correspondant à l'étape B0-11, il est facile de les lire dans ces peintures. Juste à titre d'exemple : - le regroupement réussi / raté : que ce soit les profils encastrés, les têtes butant les unes contre les autres ou étalées les unes à côté des autres, toujours il s'agit de formes qui sont rassemblées par leurs similitudes mais qui restent indépendantes les unes des autres du fait des différences que l'on remarque entre elles (effet 14s10) ; - le fait / défait : une partie du corps est représentée, et donc faite, tandis que le reste du corps manque, et est donc défait dans la représentation (effet 15a14) ; - le relié / détaché : les profils encastrés des rhinocéros s'accompagnent à distance régulière les uns des autres et sont donc liés les uns autres par un même trajet, tout en étant écartés les uns des autres, et donc détachés les uns des autres (effets 16a11). Quant aux chevaux dont les têtes butent les unes contre les autres, ils sont reliés les uns aux autres dans un sens et ils sont détachés les uns des autres dans la direction croisée (effet 16a08). Sauf les explications qui correspondent au paradoxe « ça se suit / sans se suivre », toutes les explications actuellement en ligne sont donc périmées, et il me faudra refaire presque entièrement les trois analyses des peintures de la grotte Chauvet. Comme il ne m'est pas possible de tout faire en même temps, j'ai opté pour terminer la rédaction du livre dont j'ai déjà parlé avant de procéder à la mise à jour de ces trois analyses. Ce qui me prendra environ encore un à deux ans. En attendant, hormis cet avertissement, je me contenterai donc de signaler ci-dessous celles des explications qui ne sont plus adaptées. Que j'aie pu ainsi me tromper d'étape correspond au fait que les effets plastiques peuvent très souvent être lus de différentes façons et qu'ils ne sont donc pas univoques. Il faut faire avec, car cette difficulté fait partie de l'essence même de ces effets, puisque plusieurs effets doivent pouvoir se combiner sur une même forme, ce qui ouvre la possibilité de multiples lectures, et donc aussi de lectures qui n'avaient pas été spécialement recherchées. Une façon privilégiée de contourner cette difficulté est, pour chaque étape, de multiplier les analyses d'oeuvres aussi différentes que possible les unes des autres, ce qui permet généralement d'écarter les paradoxes qui sont assez assurément incompatibles avec certaines de ces œuvres, mais cela n'est pas toujours possible pour les périodes anciennes. Une autre méthode, plus radicale, consiste à trouver un angle d'attaque complètement différent qui ne s'appuie pas sur la lecture des effets plastiques paradoxaux. C'est précisément ce que j'ai trouvé grâce aux réflexions que j'ai menées à partir du livre de Descola, et c'est ce qui m'a permis d'analyser depuis un autre point de vue les peintures de la grotte Chauvet. Depuis ce même autre point de vue, par contre, il me semble que l'attribution des gravures de Cussac à l'étape B0-12 tient toujours et qu'elles seraient donc un peu plus âgées que ce qui est généralement considéré. De fait, puisque la grotte Chauvet passe en B0-11 et que les gravures de Cussac sont, justement, des gravures et non pas des peintures, je ne connais plus aucune grotte ornée de peintures que je puisse attribuer à l'étape B0-12. Auparavant, j'étais dans l'attente de la découverte d'une nouvelle grotte peinte pour correspondre à l'étape B0-11. Maintenant, je suis par conséquent dans l'attente de la découverte d'une nouvelle grotte peinte pour correspondre à l'étape B0-12 ! Tours, le 20 novembre 2016 Christian RICORDEAU |
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qui permet d'accéder à une explication générale de cet effet, ainsi qu'à d'autres exemples de son emploi.
Ces exemples contiennent à leur tour un lien qui permet d'accéder directement aux analyses dont ils sont tirés. Ce lien permet
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Ces deux têtes sont ici qualifiées de "cubistes" à cause de la signification de ce terme dans l'usage courant, mais du strict point de vue de l'histoire de l'art il vaudrait mieux parler de "têtes à la Picasso". En effet, ce n'est pas spécialement dans sa période cubiste mais plus tardivement, que Picasso représentera des personnages de profil avec deux yeux, alors que selon une vision réaliste on ne devrait en voir qu'un seul.
On donne plus loin l'exemple de son tableau de 1932 intitulé "Femme assise".
Pour simplifier le texte on ne parlera toujours que d'une seule tête, mais les analyses valent indifféremment pour l'une ou pour l'autre des deux têtes.
Repères chronologiques :
Peut-être antérieur à 33 000 ans avant J.C., selon des datations réalisées en 2012.
L'image de référence : deux têtes de lion [s'ouvre dans une fenêtre réservée aux images]
Source de l'image : La Grotte CHAUVET - éditions du Seuil (collection "Arts Rupestres") - 1995 - figure 84
1er paradoxe de transformation : entraîné / retenu (ses analyses sont périmées - voir Avertissement d'introduction)
1 - Expression synthétique
de type s5 :
Nous voyons deux yeux et deux oreilles : très naturellement nous sommes donc entraînés à considérer que la tête
est vue de biais, et par conséquent que nous voyons aussi le dessus du front.
Mais nous devons nous retenir de continuer à percevoir la tête
de cette façon, car les yeux sont tous les deux orientés
de profil, et l'oeil droit qui devrait être caché puisque
situé sur la joue droite, est en fait situé en deçà
du profil : les deux yeux sont des yeux "de gauche".
Nous étions entraînés à percevoir une vue
de biais : nous en sommes donc retenus pour plutôt voir deux vues
de profil côte à côte. Le museau, qui lui est sans ambiguïté
de profil, nous confirme d'ailleurs dans cette seconde approche.
2 - Expression analytique
de type a11 :
Donc nous voyons deux yeux de profil.
Comme ces deux yeux ont la même importance, nécessairement
ils se font mutuellement concurrence, de telle sorte qu'on ne peut décider lequel est le bon.
Si on se laisse entraîner à lire l'un comme étant
le bon oeil sur le vrai profil, aussitôt l'autre attire notre attention
et réclame que ce soit lui que l'on considère comme le bon,
ce qui alors nous retient de poursuivre la première impression. Et réciproquement.
2ème
paradoxe de transformation : ça se suit / sans se suivre (seules ses analyse sont toujours pertinentes - voir Avertissement d'introduction)
[l'interférence entre les deux paradoxes de transformation
fonctionnant à la façon "centre / à la périphérie",
on bascule d'un effet à l'autre en restant sur les mêmes formes]
3 - Expression analytique
de type a11 :
Si l'on perçoit la tête selon une vue biaise munie de deux
yeux, ceux-ci sont clairement différenciés, l'un étant
l'oeil de gauche, et l'autre étant l'oeil de droite. Dans ce cas,
ils se suivent de la droite vers la gauche, ou inversement.
Mais si l'on considère qu'il s'agit cette fois de deux yeux
"de gauche", l'un suit le profil général de la tête
et l'autre suit le repli de la joue. Ils sont alors chacun reliés
à des trajets autonomes parallèles qui ne se suivent pas
mais vont côte à côte.
4 - Expression synthétique
de type s8 :
["Femme assise" de Picasso - 1932]
On peut considérer qu'il s'agit d'une tête vue en biais qui suit de façon réaliste l'apparence d'une tête de lion.
Mais deux yeux "de gauche" sur une seule joue, cela ne suit pas du tout la réalité.
1er paradoxe d'état : entraîné / retenu (ses analyses sont périmées - voir Avertissement d'introduction)
[niveau ponctuel : effet réciproque à distance des différentes parties de la forme, ou effet d'apparence globale de la forme]
Déjà envisagé au titre du premier paradoxe de transformation.
2ème
paradoxe d'état : effet d'ensemble / autonomie (ses analyses sont périmées - voir Avertissement d'introduction)
[niveau de classement : met en valeur les effets de type ponctuel du 1er paradoxe]
5 - Expression analytique de
type a5 - 1
(branchée sur l'effet -1-) :
Si on les considère ensemble, les deux yeux suggèrent
une vue en biais de la tête, une tête munie très normalement
d'un oeil gauche et d'un oeil droit, de la même façon que
l'on voit bien qu'elle est munie d'une oreille gauche et d'une oreille
droite qui sont bien décalées de part et d'autre du front
qui est alors vu de biais.
Simultanément, chaque oeil peut être considéré
comme "un oeil gauche" : celui le plus à droite parce qu'il est
clairement installé sur la joue gauche, et celui le plus à
gauche parce qu'il est installé sur le profil de la tête,
exactement comme le serait l'oeil gauche sur une vue de profil de la tête.
Ensemble, les deux yeux participent donc à l'effet que donne
la tête vue de biais, et, simultanément, chacun participe à
une vue de profil autonome, nous obligeant à nier visuellement la présence de son voisin.
6 - Expression synthétique
de type s10
(branchée sur l'effet -2-) :
Chaque oeil est un oeil gauche. Ils font donc ensemble la même chose : ils font tous les deux un oeil gauche.
Mais ils le font chacun d'une manière bien autonome de l'autre, puisque l'un fait cela en se collant au profil du visage, tandis que l'autre
s'accroche lui au repli de la joue.
3ème
paradoxe d'état : ouvert / fermé (ses analyses sont périmées - voir Avertissement d'introduction)
[niveau d'organisation : comment la forme se répand]
7 - Expression analytique de
type a1 - a :
Le tracé ou la ligne de changement de couleur qui marquent les yeux, afin de les cerner, se referment en ovale.
Ces contours des yeux sont raccordés au profil de la tête
et au repli qui marque la joue. Ce profil et ce repli eux, ne sont pas
des lignes fermées, mais au contraire ce sont des tracés
ouverts qui s'éloignent. On peut même les poursuivre imaginairement,
puisqu'ils ne sont pas bloqués en leurs extrémités
par un trait ou par un point qui en marquerait la fin.
8 - Expression synthétique
de type s11 :
Dans un sens les deux yeux se buttent l'un contre l'autre : le trajet
est donc fermé dans la direction qui mène de l'un vers l'autre.
Dans le sens croisé au contraire, le tracé de chacun
se prolonge librement vers le dessus et vers le dessous.
Butée, fermeture donc dans un sens, mais libre circulation, ouverture dans le sens croisé.
4ème
paradoxe d'état : ça se suit / sans se suivre
[niveau du noeud qui résume les trois effets précédents et les bloque ensemble]
Déjà envisagé au titre du 2ème paradoxe de transformation.
dernière mise à jour de cette page avant l'ajout de l'avertissement du 20 novembre 2016 : 04 novembre 2006
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