Après l’invasion de l’île d’Elbe, les Étrusques, venus de Toscane, s’allient aux Carthaginois, héritiers des Phéniciens et maîtres des rivages nord-africains et de la Sardaigne. En 535 av. J.-C., leurs flottes affrontent celle des Phocéens au large d’Alalia. Après cette bataille, une partie des Phocéens émigre pour fonder Élée. La population du comptoir devient largement cosmopolite, et les trois peuples y cohabitent. Cependant, en 453 av. J.-C., les Syracusains débarquent sur l’île et chassent les Etrusques. Ils aménagent un port dans un golfe du sud de la plaine orientale : Port Syracusain (Porto-Vecchio). Plus tard, vers 280 av. J.-C., les Carthaginois, reviennent prendre la place des Syracusains. Seuls maîtres de l'île et de sa plus grande ville, Alalia, ils déciment la Corse en détruisant nombre d’arbres fruitiers et de plantes comestibles et en interdisant toute agriculture. - Photos : Hister (du latin histrio, acteur) : Les adultes et les larves sont prédateurs d’autres insectes et se rencontrent dans des milieux très variés. Les Histérides commencent d’ailleurs à être employés par les services d’agriculture pour la lutte biologique - Podarcis (lézard corse), différent du lézard des murailles. -

De la conquête romaine, la Corse garde sa langue latine, quelques routes et ponts, des stations thermales (ex. Orezza et Speloncato), des ports et des villes. La Corse exporte granite, minerais, huile d'olive, miel, liège, etc. Lors des invasions "barbares", les Vandales sont les premiers à arriver. Ils ne sont à l’origine que de massacres, terreur, incendies, famine. Les Corses se réfugient dans les montagnes pour leur échapper. Les Vandales rapportent aussi d’Afrique la malaria ou paludisme. Ils sont chassés en 533 par les Byzantins dont les fonctionnaires vivent de rapine, de corruption et de fraude. Puis les Ostrogoths s'aventurent dans l'île. Enfin les Lombards, venus des Alpes, n’occupent l’île que trois décennies mais parviennent à codifier l’usage local de la "dette de sang", future "vendetta".

À partir du VIIIe siècle, les Sarrasins d’Espagne et d’Afrique du Nord (Maures, Berbères ou Arabes) multiplient les attaques sur les côtes corses et mettent les ports à sac, coupant l’île du continent durant près de trois siècles sans vraiment vouloir l’envahir. Au XIe siècle, le pape accorde à l’évêque de Pise l’investiture des évêques corses et les Pisans commencent deux siècles de domination sur l’île. Plusieurs campagnes de Gênes (1289-1290) lui rallient les féodaux. La trêve signée par Pise en juillet 1299 accorde la domination totale de l’île par Gênes qui la conservera durant six siècles, en dépit du Saint-Siège, qui tente en 1297 de confier la direction de la Corse à la maison d’Aragon (Royaume de Sardaigne et de Corse). Les Génois doivent cependant défendre leur nouvelle conquête face aux menaces des Sarrasins (les tours qui ceinturent l’île sont construites plus tard dans ce but), ainsi que des Aragonais installés en Sardaigne et des Français pour qui la Corse est un avant-poste contre l’Espagne. Pour se faire une idée de l'hémorragie démographique provoquée par ces incursions incessantes, on peut se baser sur le nombre de circonscriptions civiles et religieuses : en raison de l'occupation sarrasine au IXe siècle et des incessantes incursions barbaresques, la Corse du XVe siècle compte 2 à 3 fois moins d'évêchés et de pièves (paroisses) qu'au Ve siècle. - En 1560, 6000 Corses sont captifs à Alger, emmenés en esclavage par les pirates barbaresques, les "Turchi" -. Les Génois fondent leur conquête sur leur puissance bancaire. Ils construisent : Bastia devient siège du gouverneur, ils font des ponts, des routes, etc. Ils développent les vergers, importent de Corse vins, huiles, bois, huîtres, poix, mais imposent lourdement la Corse et s’assurent la quasi-exclusivité du commerce avec l’île. La langue et certains usages (religieux notamment) corses sont grandement influencés par l’occupant. - Photo : Lavande stoechas. -

Je fais une petite digression sur la situation politique durant cette période génoise de la Corse en utilisant comme source documentaire les Cahiers de la Méditerranée, 'Pour une géographie de l'esclavage méditerranéen aux temps modernes'. Les années 1490-1520 sont le point de départ des bouleversements induits par les grandes découvertes océaniques du XVe siècle qui, un jour, mettront la Méditerranée "hors de la grande histoire", mais qui, pour l’heure, n’influent encore que très modérément sur son devenir immédiat. Au début du XVIe siècle, celui-ci paraît surtout déterminé par trois faits : à l’ouest, le duel franco-espagnol pour la prépondérance, à l’est, l’affirmation de la puissance ottomane et de ses ambitions navales et, par voie de conséquence, la résurgence de l’esprit de guerre sainte entre Orient et Occident dans une Méditerranée qui reste par ailleurs le coeur de "l’économie-monde". - Photo : ??? -

En trois siècles tout change. Pourtant, l’esclavage est toujours là, aussi présent, ou presque, à la fin du XVIIIe qu’aux siècles précédents. Certes, les bagnes du Maghreb sont dix ou vingt fois moins peuplés qu’aux temps de Barberousse ou Euldj Ali, mais cela n’empêchera pas Lord Exmouth, en 1816, de trouver 1620 esclaves “occidentaux” à Alger, 900 à Tunis et 580 à Tripoli, et “de l’autre côté”, en parallèle, la courbe de l’entrée des esclaves à Malte dont le rythme ne fléchit guère entre l’époque de Mazarin et celle de Bonaparte. L'historien Fernand Braudel rappelait qu’il y a d’un côté, au sud, le Sahara, second visage de la Méditerranée, avec les grands nomades, les oasis, les caravanes de l’or et des épices, ainsi que la traite saharienne des Noirs, depuis la Sénégambie, la Boucle du Niger, le pays des Haoussas, le Bornou, ou le Darfour. - Photo : Une ferme blottie dans la roche. -

À l’autre extrémité de la mer Intérieure, il y a l’isthme russe, vers la mer Noire ou la Caspienne. Au XVIe siècle, simple terre de parcours de quelques nomades pillards, "dont les raids ne peuplent pas plus l’immense steppe que les navigations corsaires ne peuplent la mer", cette région mal définie qu’on appelle aujourd’hui l’Ukraine est devenue au siècle suivant la patrie des Cosaques polono-russes sur lesquels s’appuie la Russie des tsars dans sa poussée vers la mer Noire, mais qui a d’abord été, via les razzias des Tatars de Crimée, un immense bassin de recrutement de main d’oeuvre servile pour les besoins de l’empire ottoman. Dans tout le Bassin méditerranéen, l'enlèvement de ces hommes obéit à deux objectifs. Le premier est financier, et il est comparable au phénomène des otages actuels, rendus contre rançon sonnante et trébuchante, parfois très rapidement. Le deuxième est la fourniture d'une main d'oeuvre bon marché, principalement à des fins domestiques, pour la production agricole, artisanale, et accessoirement comme rameurs aux galères ou manoeuvres pour ériger des fortifications. Par exemple, la France du Roi Soleil avait ainsi consommé, en moins d’un demi-siècle, entre 10 000 et 12 000 “turcs” pour la vogue des galères. C’est une servitude à justification religieuse, liée dans l’esprit des contemporains à un affrontement immémorial entre la Croix et le Croissant. À ce titre, il fait partie de l’ordre normal des choses et ne pose aucun problème de conscience. - Photo : Trèfle étoilé. -

La rivalité entre les féodaux corses, les clans génois et le pape Eugène IV se conclut en 1453 par la cession du gouvernement de l’île à une banque, l’Office de Saint Georges. L’Office bâtit de nouvelles tours sur le littoral ainsi que des villes fortifiées : Ajaccio (1492), Porto-Vecchio (1539). Le 30 Janvier 1735, est énoncé un règlement établissant la séparation définitive de la Corse d'avec Gênes, et contenant les bases de sa Constitution. Le 14 juillet 1755, Pascal Paoli est élu général en chef de Corse à la consulte du couvent Saint-Antoine de la Casabianca d'Ampugnani. En novembre, sa Constitution est adoptée par une consulte de Corte : elle prévoit la séparation des pouvoirs et le vote des femmes. Considérée comme la première constitution démocratique des Temps Modernes, Jean-Jacques Rousseau, Voltaire, James Boswell et de nombreux penseurs des Lumières en présentent les mérites. - Photos : Oxycèdre. Baie de Porto. -

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Dimitri Marguerat, guide naturaliste, avec Jacques, Pascal, Françoise, Danie, Jean-Louis et Cathy
Corse
Séjour du 5 au 14 mai 2011