Richard et Anna, Marion et Sophie, Cathy et Jean-Louis, conduits dans un minibus par le chauffeur indien Bipin en Rajasthan / Réception de Cathy et Jean-Louis à Mumbai chez Ramya, Shri et Mahesh, puis chez Rashmi et ses parents, et visite d'un jardin botanique avec Maithili. | Circuit en Rajasthan / Séjour à Mumbai |
3 au 16 mars au Rajasthan et du 16 au 22 mars 2013 à Mumbai |
Le jour suivant, nous changeons d'Etat et pénétrons dans l'Uttar Pradesh où nous visitons une ancienne capitale moghole abandonnée, Fatehpur-Sikrī. Elle est désertée par les humains, mais d'autres êtres vivants prennent le relais pour occuper les bâtiments : deux essaims énormes d'abeilles au long abdomen s'activent près de rayons suspendus très haut, sous le faîte d'un grand porche. Comme l'histoire du safran nous l'avait fait deviner, l'Inde a subi de profonds changements climatiques. L'institut indien de recherches archéologiques est en train de restituer progressivement l'historique de ces lieux où sont encore conduites des fouilles. Si je comprends bien les explications, l'endroit où nous garons le minibus, de même que l'espace empli de commerces que nous traversons pour prendre nos billets et rejoindre le lieu de départ de la navette qui doit nous emmener sur le site monumental, étaient autrefois occupés par un lac qui est quasiment asséché et que nous ne voyons pas. Autrefois, ses berges boisées offraient un paysage verdoyant. Sur les collines alentour, on a retrouvé des peintures rupestres dans des grottes ou abris sous roche, accompagnées d'instruments de l'âge de pierre, ainsi que des poteries colorées en ocre (2e millénaire BC) et des objets peints en gris.
Sikri a été mentionné dans le Mahābhārata (épopée sanskrite) sous le terme de ‘Saik’. Le lexique le définit comme une région entourée d'eau. Une inscription trouvée sur une pierre sculptée de Jaina Saraswati (remontant à 1067 Vikram Samvat = 1010 après J.C.) mentionne cet endroit sous l'appellation ‘Sekrikya’, qui semble dériver du même mot. Tout ceci montre que Sikri a été continuellement habitée depuis l'époque préhistorique. Babur (le conquérant de l'Inde et fondateur de la dynastie moghole) a visité les lieux juste au début de la bataille de Khanwah en 1527 après J.C. et il mentionne ‘Sikri’ dans ses Mémoires. Il y a créé un jardin et construit un Jal-Mahal (palais des eaux) au milieu du lac, ainsi qu'un 'baoli' (puits à marches) pour commémorer sa victoire. - Illustration : Babur sur une miniature. -
Akbar, son petit-fils, déplace sa résidence et la cour d'Agra à Sikri durant 13 ans, de 1572 à 1585, car, selon une légende populaire, inquiet de ne toujours pas avoir de descendance, c'est en ce lieu qu'il vint en pèlerinage pour honorer le Soufi Sheikh Salim Chishti qui vivait dans une caverne sur les berges du lac. Ayant eu la bénédiction d'avoir enfin un héritier, Salim, en 1569, connu par la suite sous le nom de Jahangir, il en fut reconnaissant au Saint pour lequel il éprouva une véritable vénération. Il construisit pour lui des bâtiments élevés et une ville se forma bientôt, qu'il appella Fathabad et deviendra par la suite Fathpur Sikri. - Illustration : Miniature, Jésuites à la cour d'Akbar. -
C'est ici que pratiquement toutes les institutions mogholes seront fondées. ‘Ibadat-Khanah’, la 'Maison d'adoration', réunit les chefs des différentes religions (musulmans, hindous, catholiques et même athées) afin qu'ils débattent de leurs croyances. Akbar fonde en 1582 ‘Dîn-i-Ilâhî’ ou 'Tauhid-i Ilahi', le 'divin monothéisme' ou 'divine religion' qui, malgré sa courte durée d'existence, demeure un sujet actuel de controverse. Né d'une mère chiite et d'un père sunnite sous le toit d'un râja Rajput, il semble prédestiné à posséder un esprit de tolérance et d'harmonie. En grandissant, il comprend que les sultans de Delhi ont eu peu de réussite à répandre l'islam en Inde au-delà des communautés d'intouchables et des basses castes qui pensent y trouver une dignité nouvelle. Désireux d'asseoir le pouvoir moghol, il recherche une voie pour unifier l'Inde et possède un véritable désir d'avoir une connaissance authentique de toutes les fois présentes sur le sol de son empire. Dès 1562, il prohibe les conversions forcées et la circoncision avant douze ans et sans consentement. Il supprime aussi la jizya, instaurée par le sultanat de Delhi, un impôt qui frappe les non-musulmans. En 1572, Akbar fait un sermon en hindî et en arabe dans la Jâma-Masjid, la mosquée de Fatehpur Sikri, qui préconise un esprit de tolérance et un syncrétisme indo-musulman.
Petit rappel : En France, le 18 août 1572, c'est le mariage d'Henri de Navarre (futur Henri IV) et Marguerite de Valois, soeur du roi Charles IX (la future reine Margot) et, le 24 août 1572, jour de la Saint-Barthélemy, le carillon de l'église de Saint-Germain l'Auxerrois, en face du Louvre, donne le signal du massacre des protestants, à Paris et dans le reste du pays.
Bien qu'il soit lui-même illettré, Akbar rejette la jurisprudence islamique, l'exégèse du Coran, la science traditionnelle et met en exergue l'astronomie, la philosophie, les mathématiques, la poésie, l'histoire et les légendes. Il impose aux écoles (Médersa) d'accepter les Hindous. Il abolit les cinq prières quotidiennes, le jeûne, le pèlerinage et la polygamie ("Dieu est un et la femme est une"). Il introduit un nouveau calendrier, le ‘Tārīkh i Ilāhī’, qui remplace le calendrier lunaire islamique par le calendrier solaire persan. Qui plus est, il remplace la date de l'hégire par celle de son couronnement, conformément à la tradition des rois persans. - Photo : Grès finement sculpté dans un encadrement de porte. -
Jharokha-Darshan est institué par Akbar qui prend coutume d'apparaître en audience publique ('darshan') devant ses sujets chaque matin avant le lever du jour à son balcon ('jharokha'). Son fils Jahangir le perpétue en se présentant avec sa femme Nur Jahan, mais Aurangzeb le supprime vers 1629, car il considère que c'est une forme d'idôlatrie. Enfin, Akbar fonde la doctrine de Sulh-i-Kul ('paix avec tous' en persan) et il instaure une politique de parrainage libéral des arts indigènes et de la littérature. C'est également à Fatehpur Sikri que l'installation d'ateliers variés d'artisanat est encouragée. - Illustration : L'empereur moghol Akbar souhaite la bienvenue à son fils, le Prince Salim, à Fatehpur Sikri, (Akbarnameh) : détail de miniature .-
Cette capitale est aussi la première ville dont la construction est planifiée par les Moghols. Le terrain en pente est aménagé en terrasses avec un système efficace de drainage et de distribution de l'eau, bien que, quinze ans après sa construction, l'approvisionnement en eau potable s'avère déjà insuffisant pour sa population. En effet, le voyageur anglais Ralph Fitch qui s'y rend en 1585 estime qu'elle est "beaucoup plus grande que Londres, et plus peuplée". Il s'y trouve, outre les vestiges bien conservés que nous visitons (palais, édifices publics, mosquée), des habitations pour la Cour, l'armée, les serviteurs du roi et toute la population. Akbar devra l'abandonner pour combattre sur d'autres fronts et il transfèrera sa capitale à Lahore pour être à pied d'oeuvre face aux tribus afghanes. Fatehpur Sikri ne redeviendra qu'une fois le siège de la cour du Grand Moghol en 1619, pendant trois mois, lorsque Jahangir s'y réfugie pour échapper à la peste qui frappe Agra. Le site sera finalement abandonné, jusqu'à son exploration archéologique qui débute en 1892. Son plan et le style éclectique de ses bâtiments emprunté aux traditions hindoues, perses et indo-musulmanes, influenceront fortement l'évolution de l'urbanisme indien, notamment à Shahjahanabad (la vieille ville de Delhi). - Photos : Piscine couverte - Puits - Ci-dessous : Anup Talao -
Dans le patio au sein du Mahal-i-Khas (le palais où se réunissait la Cour) se trouve Anup Talao, un bassin dont l'eau servait à rafraîchir l'air près de Khwabgah, les appartements impériaux. Il faisait partie d'un système de mini-réservoirs et canaux construits sur l'aire orientale du Khwabgah. La plate-forme centrale, reliée par quatre ponts à ses bords, était autrefois recouverte d'un dais. Anup Talao recevait l'eau par un canal relié à un réseau d'aqueducs près de la Porte de l'Eléphant à l'ouest. L'eau était conduite par une canalisation de pierre au nord de la Place Birbal, au Jardin Miriam et à Kothi. Un deuxième canal provenait du réseau d'aqueducs oriental. Le trop-plein était déversé dans un réservoir au nord d'Ekastambha-Prasada, un bâtiment à la colonne centrale, pour maintenir constant le niveau d'eau d'Anup Talao. Sa restauration fut entreprise sous Lord Cruzon (1859-1925) au début du XXe siècle.
Pages Rajasthan |
|||||||||||
Delhi |
Mandawa |
Bikaner |
Jodhpur |
Kechan |
Khuri |
Khuri |
|||||
20 |
|||||||||||
Jaisalmer |
Jodhpur |
Udaipur |
Udaipur |
Udaipur |
Sas Bahu |
Amber |
Jaipur |
Jaipur |
Fatehpur-Sikri |
||
Pages Mumbai |
21 Agra |