Témoignage de Karine, France
En Décembre 1985, à l'âge de
6 ans, j'ai eu une sinusite.Traitée par du Bactrim, cela a déclenché
un Syndrome de Lyell.
Les conséquences de cette
allergie ont été terribles, et m'ont causées beaucoup de
souffrances.La peau et les muqueuses ont brûlées, et j'ai dû être
soignée dans le service des grands brûlés du Pr Roujeau à l'hôpital
Henri Mondor, à Paris.
En sortant de l'hôpital, il
m'a fallu réapprendre à marcher, manger, vivre.Puis les cicatrices
ont peu à peu disparues, ne laissant que des séquelles oculaires.Les
années ont passé et les opérations se sont enchaînées.
Le Syndrome de Lyell a pour
particularité d'atteindre les muqueuses de manière irréversible,
source de sécheresse oculaire. En gros, il faut 2 constituants pour
former des larmes : de l'eau, produite par des glandes lacrymales
(les miennes sont brûlées) et du gras, produit par les conjonctives
(les miennes sont aussi brûlées).
Les paupières sont déformées
et les cils repoussent vers l'intérieur de l'œil, abîmant ainsi un
peu plus la cornée et favorisant la venue de kératites.
Enfin, la cornée n'est pas
non plus épargnée. Toutes les cellules du corps humain sont issues
de cellules souches qui proviennent de la moelle osseuse. La cornée
n'a pas cette chance car ses cellules souches se trouvent dans le
blanc de l'œil, la sclère. Celles-ci étant brûlées par la maladie,
la cornée ne peut plus se régénérer, et elle finit pas s'opacifier
avec le temps, source de cécité.
Dans mon cas, j'ai eu un eu
droit à un paquet cadeau complet : photophobie (en habitant à Nice,
c'est dur), cils douloureux, sécheresse, cornée opaque, du moins
pour l'œil droit. L'œil gauche a eu plus de chance, puisque la
cornée ne s'est pas opacifiée. Il a cependant eu beaucoup de mal à
rester en grande forme et j'ai dû faire mes études avec 2 petits
dixièmes de vision...
Mes études m'ont demandé
beaucoup d'effort. Entre les cours et les déceptions de ne pouvoir
lire le tableau, il fallait enchaîner les visites médicales pour
arracher les cils indésirables et les opérations chirurgicales. Sans
oublier les réprimandes de ma mère si j’oubliais de mettre ma
pommade vitamine A et que je revenais les yeux tous rouges de
l'école :o) Quelle horreur ce truc : c'est gras, ça colle, mais
comment s'en passer quand il n'y a rien d'autre pour pallier
l'absence de larmes ?
En 1992, j'ai subi la
dernière opération d'une longue série. A la louche je dirai qu'il y
en a eu 25 mais il y en a eu de très bénignes (électrolyses de cils
par exemple) et de très longues (nombreuses greffes pour refaire les
paupières entre autres).
J'ai ensuite pu me consacrer
pleinement à l'école. Il me fallait à tout prix être la meilleure si
je ne voulais pas finir dans une "école pour handicapés". Je n'ai
rien contre les handicapés, mais je voulais avoir une vie "normale",
quand bien même je ne savais pas si je garderai la vue... En 1997,
j'ai donc décroché mon bac S avec la mention bien.
1999 : nouvelle opération.
Il ne me reste plus beaucoup de cils, mais ceux qui restent sont
bien douloureux et difficiles à enlever. Le Dr Tazartes opère avec
merveille une rétroversion des paupières. Le résultat est fort
apprécié. Au lieu d'aller toutes les semaines, chez l'ophtalmo pour
arracher les cils, je n'y vais plus qu'une fois par mois !
Je poursuis mes études
jusqu'en 2003 avec toujours mes 2 petits dixièmes de vision et
j'obtiens un diplôme d'ingénieur en Informatique. Notez le choix
judicieux du métier, derrière un écran d'ordinateur qui n'arrange en
rien l'état de mes yeux :o) Peu importe, je trouve un boulot et
continue de me renseigner sur les différentes techniques
susceptibles de m'aider dans ma quête de retrouver des yeux... Vers
2002, c'est une grande déception pour moi quand le Pr Legeais, qui
pratique la greffe de membrane amniotique m'apprends que ca ne
tiendrait pas sur moi.
Un miracle survient
toutefois : en 2004, je suis adaptée avec des verres scléraux. Et
là, c'est le bonheur!
La photophobie diminue (je
suis toujours éblouie mais c'est un peu moins douloureux, et je peux
enfin me débarrasser de mes lunettes de glaciers pour opter pour un
modèle plus féminin)
Les cils me gênent moins et
la sécheresse oculaire est compensée. Une grande victoire que celle
du jour où j'ai jeté mon tube de vitamine A à la poubelle !
La vision est nettement
améliorée puisque je passe de 1/10 (ouf c'était moins une) à 3.5/10.
Bref, une nouvelle vie
s'offre à moi, et pour fêter ça, je m'offre... du maquillage :o)
(Oui, c'est plus facile à appliquer quand on y voit)
J'investis également dans un
miroir avec grossissement x5 et une bonne pince à épiler pour
arracher ces maudits cils qui me pourrissent la vie entre 2 visites
d'ophtalmo.
En 2006, je me paye le luxe
de retourner voir le Dr Tazartes à Paris pour un allongement
palpébrale, car l'œil droit ne ferme pas complètement. Moment très
dur pour moi car j'ai fondu en larmes au bloc opératoire. Après tous
ces efforts, j'ai eu peur que l'opération rate et que je me retrouve
10 ans en arrière...
Mais non, l'opération est un
succès. L'œil droit ferme désormais et, petite touche esthétique,
l'ouverture des deux yeux est rendue plus symétrique)
Aujourd'hui, ma vie est
redevenue normale.
Je ne me sépare jamais de mes lunettes de soleil, de mes larmes
artificielles et de mes petites ventouses pour remettre mes
lentilles dans la journée. Je crains toujours la lumière et j'ai
encore des cils qui poussent de travers mais bon, cela relève
désormais plus d'habitudes que de désagréments.
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