accueil |
retour :
les 6 étapes du paléolithique |
le tableau général |
femmes sans pieds ni tête
à FRONSAC
note concernant les liens : la numérotation de chaque
expression contient un lien, tel que " a11 ", qui permet d'accéder à une explication générale de cet effet, ainsi qu'à d'autres exemples de son emploi.
Ces exemples contiennent à leur tour un lien qui permet d'accéder directement aux analyses dont ils sont tirés. Ce lien permet notamment
de revenir au présent texte à l'endroit précis où vous l'avez quitté, mais vous pouvez aussi utiliser pour cela la fonction "page arrière" de votre navigateur.
Repères chronologiques :
La date de ces gravures de Fronsac (Dordogne) n'est pas connue avec certitude, comme souvent lorsqu'il s'agit de gravures sur des parois. Elles
sont généralement considérées comme datant de la fin du Magdalénien, notamment du fait de leur ressemblance
de style et de thème avec d'autres femmes sans pieds ni tête trouvées à Gönnesdorf (près de Coblence en Allemagne).
Sur cette base on peut faire l'hypothèse que ces gravures dateraient de 10 000 environ avant J.C.
Remarques :
Dans la même grotte de Fronsac, découverte en 1984, il existe également trois chevaux représentés sans tête.
Dans l'optique du siècle dernier, l'art préhistorique était supposé suivre une progression reproduisant l'apprentissage
des enfants : d'abord les gribouillis, puis une habileté de plus en plus grande à représenter de façon réaliste,
notamment en perspective. L'apparition d'images frustes et incomplètes telles que celles de Fronsac, juste après le "summum d'habileté
et de précision réaliste" du magdalénien moyen, était en complète contradiction avec une telle conception de l'évolution
artistique. En outre, de telles figures sont contemporaines de gravures telles que celles de Teyjat (également en Dordogne) qui en rajoutent
encore sur celles du magdalénien moyen dans le raffinement de l'observation réaliste.
C'est précisément pour montrer que les mêmes combinaisons d'effets se retrouvent dans ces deux types de figures (les "frustes" et
incomplètes, et les très habilement réalistes), qu'il est donné ici cet exemple d'analyse de femmes sans pieds ni tête,
et qu'il est donné par ailleurs les exemples complètement différents du taureau de Teyjat et du bouquetin de Derava.
J'espère aussi montrer que les gravures les plus "frustes" ne sont pas forcément les moins subtiles, et les moins fortement expressives.
L'image de référence : femmes sans pieds ni tête à FRONSAC [s'ouvre dans une fenêtre réservée aux images]
Source de l'image : Préhistoire de l'art occidental - édité par Citadelles & Mazenod - 1995 - figures 127 et 840
1er paradoxe de transformation : ça se suit / sans se suivre
1 - Expression analytique
de type a11 :
Les traits représentent deux femmes qui se suivent l'une derrière l'autre, mais ce sont aussi des traits parallèles et équivalents dessinés côte à côte, et non l'un derrière l'autre.
2 - Expression synthétique
de type s8 :
La représentation de ces femmes suit suffisamment leur réalité anatomique pour que nous pensions qu'il s'agit de femmes, mais elle s'en écarte tellement (ni tête, ni bras, ni pieds) que nous sommes forcés de remarquer à quel point elle ne suit pas cette réalité.
3 - Expression synthétique
de type s15 :
Les têtes ne suivent pas le dessin par en haut, et les pieds ne suivent pas non plus par en bas, mais instinctivement, dès que nous
avons reconnu qu'il s'agit de femmes, nous complétons mentalement ces membres manquant qui suivent donc le corps dans notre perception réflexe.
2ème paradoxe de transformation : homogène / hétérogène
[l'interférence entre les trois paradoxes de transformation fonctionnant à la façon "homogène / hétérogène",
ils se retrouvent à cheval sur les mêmes jeux de formes, tout en en faisant valoir des aspects différents]
4 - Expression synthétique
de type s10 :
L'ensemble de la représentation est traité de façon homogène : par un trait gravé marquant un profond sillon.
Mais ce trait homogène est traité de façons hétérogènes d'un endroit à l'autre : parfois sa courbe tourne dans un sens et
parfois dans l'autre, parfois sa courbe est régulièrement arrondie et parfois elle est presque séparée en tronçons
droits, parfois le trait décrit un trajet continu et parfois il fait de brutales encoches saillantes.
5 - Expression synthétique
de type s8 - b :
La représentation est suffisamment homogène avec l'aspect de véritables femmes pour que nous y lisions des femmes, mais elle est en même temps très hétérogène avec la réalité du corps féminin, puisqu'elle ne comporte ni tête, ni bras, ni pieds.
6 - Expression analytique
de type a4 :
Les quatre traits qui forment la partie haute des corps sont très
homogènes entre eux : ils sont courbés dans le même
sens, presque parallèles entre eux, et ils sont deux à deux
très légèrement plus resserrés vers le haut
que vers le bas.
Les traits utilisés pour former les parties basses des corps
(à partir des hanches), sont par contre très hétérogènes
entre eux : la plupart sont continus mais l'un est entrecoupé (trait
arrière de la femme de droite), certains font des ondulations en
arrondi continu (arrière des corps) et d'autres ont des cassures
en angle (avant des corps), certains sont fortement courbés (arrière
de la femme de gauche) et d'autres sont très tendus, presque plats
(avant des deux jambes).
7 - Expression analytique
de type a3 :
La plupart des traits forment des ondulations continues, "lisses", continuant ainsi leur tracé de façon homogène le long de leur parcours.
Mais d'autres traits marquent des accidents, des hétérogénéités qui se remarquent le long de ces tracés ou rapportées sur
eux : ce sont les brisures qui marquent l'articulation entre la bas du ventre et le début des cuisses, accompagnées du triangle
qui marque le pubis de la femme de gauche, et c'est le triangle pointu qui marque le sein de la femme de droite.
8 - Expression analytique
de type a15 :
La surface murale traverse de haut en bas le corps des femmes, et la surface murale qui se retrouve ainsi à l'intérieur des corps
est parfaitement homogène avec celle qui entoure les corps : pas de coloration, pas de grain particulier de la pierre.
Mais pourtant, cette surface murale, lorsqu'elle passe entre les traits, elle n'est pas perçue de la même façon que celle du
dehors, puisqu'on la ressent alors comme étant des corps de femmes. Tout en restant homogène par son traitement avec le reste de la
surface, sa situation lui a donc apporté des propriétés qui la différencient de la surface murale externe aux corps, qui
rendent hétérogènes entre elles ces deux surfaces murales en positions différentes.
9 - Expression synthétique
de type s16 :
La représentation utilise de façon homogène quatre fois de suite un trait gravé ondulant, mais ces quatre traits sont
différents les uns des autres, hétérogènes les uns avec les autres dans le détail de leur parcours : la plupart
sont continus mais l'un est localement interrompu, certains sont toujours courbes mais d'autres combinent des portions en courbe continue avec des portions brutalement pliées en angle.
3ème paradoxe de transformation : intérieur / extérieur
[l'interférence entre les trois paradoxes de transformation fonctionnant à la façon "homogène / hétérogène",
ils se retrouvent à cheval sur les mêmes jeux de formes, tout en en faisant valoir des aspects différents]
10 - Expression analytique de
type a16 :
L'extérieur des personnages traverse tout l'intérieur de leur corps sans rencontrer de frontière. Cela n'empêche pas l'intérieur d'être bien différencié, de telle sorte que l'extérieur qui pénètre dans le corps y est alors un extérieur à l'intérieur.
11 - Expression analytique
de type a6 - b :
Le creux dessiné par la cambrure du dos, et dans une moindre mesure le creux dessiné par l'arrière de la jambe, sont des zones extérieures au corps des femmes. Mais comme tout creux, ce sont aussi des espaces munis d'un intérieur : ce sont des intérieurs en position externe.
12 - Expression synthétique
de type s8 :
Le trait de contour fait des ondulations, de telle sorte que le même côté du trait forme alternativement un creux intérieur
puis l'extérieur d'une bosse. Lorsque le trait forme d'un côté un creux intérieur, il forme simultanément une bosse extérieure
de son autre côté, puis un peu plus loin ces deux notions s'inversent.
13 - Expression analytique de
type a6 - a :
La forme en croissant qui sépare le dos des deux femmes, est entre elles deux, donc à leur extérieur. Mais on peut également
la prendre pour un troisième torse de femme, et nous la ressentons alors comme l'intérieur d'un corps.
Alors, est-ce un entre-deux extérieur aux deux femmes, ou l'intérieur d'un troisième torse ? La réponse est : les deux choses à la fois.
14 - Expression analytique
de type a8 :
L'extérieur des femmes est dessiné par un trait gravé profondément creusé : c'est l'intérieur de ce creux qui fait leur profil extérieur.
1er paradoxe d'état : fait / défait
[niveau ponctuel : effet réciproque à distance des différentes parties de la forme, ou effet d'apparence globale de la forme]
15 - Expression analytique
de type a14 :
La partie médiane de la représentation des femmes est entière, bien faite à cet endroit.
Mais ce sont également des femmes toutes cassées, puisqu'il leur manque la tête, les pieds et les bras.
16 - Expression analytique
de type a8 :
Les personnages sont tellement sommairement ébauchés que nous ne sommes pas vraiment sûrs qu'il s'agisse réellement de personnages : sont-ce là des femmes qui sont faites, ou seulement des traits hâtivement tracés et sans intention précise de représenter quelque chose ?
17 - Expression analytique
de type a16 :
On peut lire que deux femmes sont faites dans ce dessin, mais si on ne lit que ce qui est matériellement réalisé,
c'est-à-dire des traits séparés qui ne referment aucune forme entre eux, alors les femmes se défont.
2ème paradoxe d'état : relié / détaché
[niveau de classement : met en valeur les effets de type ponctuel du 1er paradoxe]
18 - Expression analytique de
type a5
(branchée sur les effets -15- et -16-) :
Une partie des tracés relie en souplesse, par une ample courbe continue, le bas et le haut du personnage.
À d'autres endroits des accidents se détachent visuellement : cassure du trait au niveau du sexe des deux femmes, et triangle pointu
d'un sein qui fait saillie et qui se détache à côté du trait principal.
19 - Expression analytique
de type a11
(branchée sur les effets -15- et -16-) :
Les quatre traits qui ondulent verticalement côte à côte sont détachés, écartés les uns des autres. Mais ils sont en même temps reliés par leur appartenance à un même parcours, à une même ondulation qu'ils exécutent ensemble et de façon synchronisée.
20 - Expression synthétique
de type s8
(branchée sur les effets -15- et -16-) :
Chaque trait gravé relie le bas au haut du personnage. Mais ce faisant, par la nature même de la gravure qu'il creuse sur la surface, il se détache, il ressort sur le fond de la paroi.
21 - Expression synthétique
de type s12
(branchée sur l'effet -17-) :
Les traits gravés relient le bas au haut des personnages, et ce faisant ils découpent entre eux des bandes, ils les coupent l'une de l'autre, ils les détachent l'une de l'autre.
3ème paradoxe d'état : le centre / à la périphérie
[niveau d'organisation : comment la forme se répand]
22 - Expression synthétique de
type s7 :
On hésite entre la perception de chaque femme par l'intérieur de son corps, presque traité en ronde bosse, et sa perception par le regroupement visuel des deux sillons qui en marquent la limite à gauche et à droite. La force visuelle est en fait dans les sillons latéraux, qui sont "les centres de notre attention visuelle", et qui, par leur position, forment la périphérie gauche et droite de la forme. La forme centrale de la femme émerge de la perception simultanée de ses deux bordures latérales.
23 - Expression analytique de
type a13 :
À hauteur des torses, les deux traits centraux posent problème : dessinent-ils le torse d'une troisième femme centrale ? Ou participent-ils
seulement au contour du torse des deux femmes qui sont situées de part et d'autre ?
Ces deux possibilités se combattent et l'emportent tour à tour dans notre perception : ces deux traits servent donc à la fois
à définir une forme au centre et des formes en périphérie.
24 - Expression synthétique
de type s8 :
Les pieds manquent, et de ce fait l'appui au sol des deux formes se dérobe, décevant notre perception réflexe qui ressent
une forme humaine par analogie avec notre corps qui s'appuie sur le sol.
Quand notre perception perd ainsi son appui spontané et déstabilise par contrecoup notre sens de l'équilibre, c'est comme si notre centre
d'équilibre se dérobait, comme s'il quittait brusquement l'endroit de notre corps où nous le ressentons, et par définition
un centre d'équilibre qui n'est plus à sa place n'est plus au centre.
4ème paradoxe d'état : entraîné / retenu
[niveau du noeud qui résume les trois effets précédents et les bloque ensemble]
25 - Expression synthétique de
type s1 :
Le profil arrière de la femme de gauche est fait d'un trait coulant et bien continu qui nous entraîne à le suivre rapidement des yeux, mais il s'arrête soudain à l'endroit de la tête où notre regard est alors retenu.
26 - Expression analytique de
type a9 :
Les profils avant des deux femmes ont des portions bien lisses qui nous entraînent à les suivre rapidement des yeux, mais notre regard bute alors sur les cassures brusques qui séparent ces portions à hauteur des deux sexes.
27 - Expression synthétique de
type s5 :
La forme résiduelle entre les torses des deux femmes ressemble tellement à un troisième torse, que nous sommes entraînés
à percevoir une troisième femme au milieu.
Mais dès que notre regard descend nous constatons que le bas du dessin est incompatible avec la présence d'une troisième
femme, et nous nous retenons de continuer plus avant cette perception.
28 - Expression synthétique
de type s11 :
Les trois torses sont tellement équivalents que nous ne parvenons pas à nous fixer sur l'un de façon privilégiée
: ils nous entraînent tous à égalité, ce qui nous retient d'aller vers l'un plutôt que vers l'autre.
De la même façon, au niveau des fesses, des cuisses et jambes, les deux femmes sont tellement semblables que notre regard alterne
sans cesse entre l'une et l'autre : dès que l'une retient notre regard l'autre nous entraîne vers elle, et réciproquement.
dernière mise à jour de cette analyse : 24 décembre 2006
accueil | haut |